[HJ : c'est parfait
]
Depuis quelques temps, la vie avait un léger goût amer, comme si l'ennui m'avait rattrapé d'un seul coup. Ce matin, en me réveillant, elle s'était aperçue de ma présence et avait décidé de rattraper les heures d'ennuis qui manquaient à mon compteur depuis mille huit cent dix huit. Cela faisait un paquet d'heures, et moi, je les sentais passer.
Un homme normal aurait déjà perdu espoir, et se serait certainement jeté d'un toit ou tiré une balle en pleine tête. Moi, pour passer l'ennui, je testais toutes les sortes de morts possibles et imaginables. La mort par balle, j'avais déjà fait, mourir de froid, également, ainsi que mourir de faim, mourir de soif, ainsi que le cancer de la gorge et des poumons. Ces morts n'étaient pas faciles à vivre, ni belles à voir, mais cela passait le temps.
Mis à part les cours à l'institut, je n'avais rien à faire de mes journées, et les amis se faisaient rares, étant donné que je n'aimais pas la population actuelle. Elle était trop connectée, et le dialecte de ces gens m'était inconnu, trop... étrange et actuel à mon goût. Les gens ne parlaient plus que comme des poissonnières sur les marchés des bas quartiers, ou les catins qui longeaient le quartier mal famé de Balakovo.
Et alors que je me promenais dans les rues en regardant le haut des grattes ciels, je ne pus m'empêcher de me demander quelle sensation un homme pouvait éprouvé lorsqu'il sautait d'un toit. A la différence d'eux, je ne mourrais pas, ou du moins, je ressusciterais aussi vite que je le pouvais. Je me demandais quelle sensation on pouvait éprouver lorsque nous sentions notre corps résister autant qu'il le pouvait, à l'air qui tentait vainement de nous élever afin de nous faire voler, comme le ferait un oiseau. Je me demandais quelle sensation avaient nos oreilles lorsque nous fendions l'air, et je me demandais surtout, comment nous nous sentions du côté cardiaque.
C'est ainsi qu'après mûre réflexion, je choisissais le plus grand immeuble du centre ville. Le soleil disparaissait déjà dans un fond légèrement rosâtre. Lorsque j'aurais atteint le sommet de l'immeuble, il serait rouge écarlate, une couleur divine, qui me faisait frissonner rien que d'y penser.
Alors que l'ascenseur gravissait les étages un à un, et que j'observais le cadran indicateur de niveau. J'écoutais la musique relativement ennuyante et peu entraînante, tandis que je sentais mon coeur palpiter d'excitation. Mourir était une belle aventure, je la vivais souvent, mais le renouveau était toujours séduisant. J'avais l'impression d'être un Dieu parmi les insectes, et cela m'emplissait d'une fierté et d'une jouissance presque palpable.
Et alors que j'atteignais le toit, une silhouette au bord du vide attira mon attention. Je m'approchais lentement alors que le vent s'abattait sur mon visage avec dureté. La jeune femme se retourna en m'entendant m'approcher. Son visage me parlait, je la connaissais. C'était une fille étrange, et je ne savais pas très bien ce qu'elle était, je ne lui avais jamais demandé, et elle n'avait jamais précisé la nature de sa personne. Souriante, et joviale, elle m'accueillit avec délice, me proposant au passage quelques chips, que je refusais. J'étais peut-être jeune physiquement et mentalement, je datais néanmoins d'une époque où la nourriture était plus consistante et de meilleure qualité, et mes goûts n'avaient pas changés.
Alors que je m'installais à ses côtés, elle me demanda ce que je faisais ici, à m'amuser sur les toits. J'aurais pu lui demander la même chose. Mais je savais pertinemment que cette fille là aimait les humains, et aimait les regarder comme un enfant aimait observer la vie d'une fourmilière. Le monde était la fourmilière de Judith, et je ne pouvais qu'admirer son amour pour cela.
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Je comptais sauter pour voir ce que ça faisait.