Antonella Tsumi

Ma journée semblait calme à priori mais c’était sans compter sur les clients beuglants. Deux hommes se trouvaient à une table et l’un semblait s’être lancé dans l’imitation d’un cochon qu’on égorge. Je lâchai un bon gros soupire en préparant leur commande, une bière et un gin tonic et je glissai un œil sur mon chien couché sous le comptoir. Nounours semblait perturbé par les cris de l’homme et se mit à grogner silencieusement. L’idée de lui dire d’attaquer l’homme me passa par l’esprit mais vu que c’était un client, il fallait être gentil et serviable.

Ce n’était pas les qualités qu’on me demandait quand j’étais encore flic mais là, une de ces qualités prédominait : la curiosité. J’avais bien envie de savoir ce qu’il se tramait dans mon bar. J’étais certain de n’avoir jamais vu ces types en costard. L’un semblait très calme mais l’autre était plus qu’agité, avait-il peur de son interlocuteur ? En tout cas, c’était l’impression qu’il donnait. Je fronçai encore un fois les sourcils, je voulais savoir. Mais si moi je les avais remarqués, ils avaient aussi peut-être remarqué mon agacement. Je pris les deux verres que j’avais préparé pour les poser devant leur nez. J’entendis l’un d’eux s’adresser à moi, tiens le silencieux avait une voix au final.

Je pus donc sortir mon plus beau sourire commercial pour leur répondre avec le peu de sympathie que je pouvais y mettre vu qu’il cassait les oreilles à mon chien et à moi depuis trop longtemps.

« Ne vous inquiétez pas, je me sens privilégié d’entendre une aussi belle imitation d’un égorgement de cochon. »

Je tournai la tête vers le beuglant en attendant sa réaction mais m’en fichant royalement au final. S’il pouvait se casser de mon bar dans les secondes qui viennent, ça me dérangerait pas. D’ailleurs, c’est ce qui fit que je restai planté là devant eux, après tout, ils étaient les seuls accoudés au comptoir. Je croisai les bras en attendant une quelconque attention ou réplique.

Fiche de liens (c) Miss Yellow

Antonella Tsumi

J’osai lui sourire pour montrer que j’étais désolé et compatissant à son malheur. Il devait s’en douter vu que j’étais derrière le bar, depuis que les deux hommes avaient fait leur entrée dans mon établissement. Je mis une main sur mon visage pour cacher mon visage qui s’était métamorphosé, dû à mon envie de rire. L’homme en face de moi était un maître du sarcasme et ça avait le don de m’amuser au plus haut point. Son associé semblait s’essouffler et la couleur rouge que venait de prendre son visage, le faisant de plus en plus ressembler à un porcelet. Mais cela ne l’empêchait pas de crier ...

J’étais finalement plus intrigué par ce que ce porc disait. Il menaçait mon interlocuteur de révéler la raison de leur venue ... Cela me fit froncer les sourcils. De par mon passé, j’étais très bien placé pour deviner de quelle sorte de transaction il pouvait parler. Je me concentrai pour que mon visage reste naturel mais me mis un peu en retrait pour me faire oublier. Je ne voulais pas que les deux hommes remarquent que je semblais plus intéressé par leur discussion qu’avant ... Je n’avais plus mon statut de policier pour me protéger, il fallait que je sois plus discret.

Mais le fait que le sarcastique traite le porcelet de mule me tira un sourire. Le regard du jeune homme capta le mien pour m’interpeller. Malheureusement ce qu’il me dit me fit tiquer. Sous-entendait-il ce que je comprenais ? ça ne sentait pas très bon pour la réputation de mon bar et ça sentait encore plus mauvais d’après mon âme d’ancien flic. Je lâchai un dernier soupire avant de croiser les bras sur mon torse.

« Désolé même si j’adorerai le voir se taire. Mais ce bar est jeune et je ne tiens pas à ce qu’on ternisse sa réputation d’une façon aussi ... directe on va dire. »

Je fronçai les sourcils, l’idée de transformer mon bras en épée me démangeait mais il y avait trop de témoins dans mon bar. Je jetai un œil à mon chien qui s’était redressé pour fixer le porcelet depuis sous le bar. Un sifflement et je savais que mon compagnon irait volontiers grignoter la jambe du criard.

« Faites ça dehors si vous le voulez mais il y a beaucoup trop de témoins si vous voulez mon avis. Après faites comme vous voulez. »

J’adressai à mon interlocuteur un sourire faussement niais.

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Je haussai les sourcils en observant la scène, le goret, qui était occupé à gueuler deux secondes plus tôt, se trouvait maintenant au doux royaume des songes et c’était un pur miracle pour mes oreilles. A tel point que j’avais envie d’enlacer l’homme en face de moi. Mon esprit se mit en marche en essayant de comprendre ce qu’il s’était passé ... Alors soit cet homme était un hypnotiseur mentaliste ou alors un mutant/sorcier. La deuxième option me semblait la meilleure, vu que nous nous trouvions pas si loin de l’institut Parker. De plus, je savais que mon bar était connu auprès de cette communauté. Finalement, il n’y avait pas beaucoup d’humains qui franchissaient ma porte. Je le savais parce que Nounours semblait pouvoir faire la différence de nature grâce à l’odeur.
Je jetai d’ailleurs un œil au canidé qui se trouvait à présent à mes pieds. Je n’avais pas fait attention au mouvement de ces oreilles à l’entrée de l’homme dans mon établissement. Je n’avais donc aucune indication sur la nature de mon interlocuteur mais j’étais presque sûr qu’il était comme moi ... Enfin vu la langue qu’il venait d’utiliser je parierai sur une nature plus sorcière que mutante ... Peu de mutant s’embarrassait d’autant d’artifices pour user de leur pouvoir.

« Pardon, je n’avais aucune idée de ce que vous étiez. Au temps pour moi, pour me faire pardonner je vous offre votre prochain verre. »

Je repris mon rôle de barman en lui offrant un sourire charmeur après tout, c’est ce qui avait contribué à la renommée de mon bar. Je devrais arrêter de dire que cet établissement m’appartenait car ce n’était pas le cas. Je n’étais qu’un simple employé mais vu que le vrai gérant ne venait jamais. Je pris rapidement un verre pour lui resservir la même chose et le poser devant lui.

« Merci de l’avoir fait taire. Si je l’avais fait moi-même, cela aurait été beaucoup moins discret. »

Un petit ricanement m’échappa, ça aurait pu être même marrant. Sven Lindström, n’oublie pas que tu étais quand même flic et que le meurtre c’est pas très très légal. En parlant de légalité, je me demandais de quoi ils pouvaient bien parler.

« Que lui avez-vous dit pour qu’il se mette à s’époumoner ainsi ? La dernière fois qu’on a hurlé comme ça entre ses murs, c’était pour une histoire de tromperie. Alors j’ai hâte de savoir comment vous avez réussi cet exploit. »

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