Même s'il trouvait que les humains n'étaient que des insectes à écraser, il connaissait leur potentiel intelligence à trouver des informations sur les forces puissantes(dont eux, les démons.) Après sa rencontre avec Lucifer, il s'acharnait à trouver un point faible, un sort,une formule où je ne sais quoi qui pourrait avoir un effet sur cet idiot. Après tout, tout partait de Dieu et non de Lucifer ? Il voulait leur montrer à tous sa puissance et qu'il n'était pas un de leur sale larbin. Qu'ils aillent du respect envers lui et peut-être même de la peur ? Bon, il pouvait toujours leur manipuler le cerveau, mais c'était plus marrant quand c'était de la vraie crainte. En même temps, ça aiderait son amant à monter sur le trône et faire tomber plus vite ce sale lulu.

Sytry pensait à ça en se promenant dans le Downtown. Ses bottes de cuirs noirs résonnaient dans les ruelles qu'il passait. Il arborait toujours son sourire malicieux; ses yeux étaient camouflés derrière ses verres fumées. Il ne portait qu'un jean noir avec un  t-shirt gris. Tout pour montrer son élégance naturel.

Un panneau attira son attention où il y avait d'inscrit en belle lettre moulée « Syndora Library ». Les librairies étaient la meilleure place pour trouver les travaux de ces petits rats. D'une main, il tira après la poignée de porte pour y pénétrer de sa démarche féline. L'endroit était calme et une belle odeur de papiers neufs vint lui chatouiller les narines. Son sourire s'agrandit avant de se diriger dans les sections.

Il ramassa un ouvrage volumineux nommé « Dictionnaire infernal », il feuilleta quelques pages avant de décider de le prendre. Sait-on jamais. En changeant de section, il en piqua un traitant de diverses méthodes de tortures. Ça lui serait utile pour de futurs amusements. Même s'il adorait rendre fou ces insectes, il appréciait aussi la torture physique. Les cris de souffrances, l'odeur de la peur, les larmes de de désespoirs et la mort dans les yeux excitaient Sytry. Il prit un dernier ouvrage traitant sur l'occultisme et du satanisme. Il n'avait plus qu'à croiser les doigts pour trouver un infime piste de réponse.

Il s'avança jusqu'au comptoir où une jeune femme s'y trouvait. Il y déposa ses achats en lui souriant taquinement. Lentement, il remonta ses lunettes sur sa tête pour mieux observer la jeune femme.

-Vous, vous connaissez en bon livre sur la sorcellerie ou démonologie ? Question d'être sûr d'avoir fait des bons choix littéraires. Demanda-t-il en appuya malicieusement sur le mot « littéraire. » Il n'avait aucun risque à demander, après tout, les humains ne croyaient pas à ses sottises(comme ils se disent pour mieux dormir la nuit).

Sytry se savait beau gosse et il se servait très souvent de cet atout pour obtenir ce qu'il veut. Il ne couchait pas avec les autres seulement se montrer. Il était si charmant, qui pouvait lui résister ? Le démon se trouvait bien au-dessus des autres.

-Vous avez de beaux yeux bleus presque aussi beaux que les miens

Sytry restant lui-même… Il ne pouvait pas s'empêcher de sortir  ce genre de remarque.  

Quand Emily avait ouvert la librairie ce matin, il y avait tout lieu de croire que ce serait une bonne matinée. Pour preuve, il faisait beau, son pouvoir avait eu l’extrême obligeance de ne pas se manifester, et même si elle avait eu des commandes à ranger, il n’y avait pas eu non plus tellement de monde était venu dans la librairie. En tout cas, elle n’avait eu aucun rush ni une pièce bondée. Une journée normale, en somme, sans qu’Emily ait besoin de faire preuve d’une grande patience envers ses clients ou même de « confidente » puisque certaines personnes avaient le don de parler de leurs problèmes pendant des heures.

A côté de ça, il y avait les personnes qui venaient avec un objectif particulier. Soit pour récupérer un livre qu’elles attendaient depuis longtemps, soit pour chercher la « perle rare » qui saurait combler leurs attentes. A ce niveau-là, il y avait de tout : autant certains se choisissaient des livres relativement communs, et autant d’autres… avaient des choix un peu particuliers. Ce fut en tout cas ce que songea Emily lorsqu’elle reçut un « Dictionnaire infernal » sous les yeux, plus un livre sur les tortures et l’occultisme.

Des choix particuliers, hein ? Tu parles.

Enfin, il en fallait pour tous les goûts, et le 21ème siècle était loin d’être fermé à ce genre de sujets. En tout cas pour tout ce qui était spirituel et plus… plus… occulte en tout cas.

Son client avait d’ailleurs un sourire taquin sur les lèvres et Emily se demanda un instant si elle n’avait pas affaire à un beau charmeur. Elle revit ensuite légèrement son opinion lorsqu’il lui demanda un sujet littéraire sur la démonologie ou la sorcellerie - et la jeune femme s’apprêta à lui répondre -, lorsqu’il lui parla de « ses beaux yeux bleus presque aussi beaux que les siens ».

Hum. C’était un beau charmeur en fait.

Juste narcissique sur les bords.

Après, il avait au moins eu le mérite de la faire sourire, même s’il y avait une légère trace d’ironie tout en ne cachant pas son amusement.

- D’habitude, vous savez, les Don Juan s’abstiennent de la deuxième partie de votre phrase. Ou en tout cas, ils retirent le « presque ».

Du reste, un peu de personnalité ne faisait jamais de mal quand même, elle devait l’avouer. Jetant un coup d’œil aux bouquins tandis qu’elle les encodait dans l’ordinateur, elle passa ensuite à la deuxième question sans lui laisser vraiment le temps de répondre.

- Pour ce qui est de la démonologie et de la sorcellerie… Ca dépend, c’est un sujet vaste.

D’autant qu’il devait y avoir pas mal d’affabulation dans des bouquins pareils. Tout du moins une majeure partie avait dû sortir de l’imagination de l’homme, et Dieu savait à quel point celle-ci pouvait être grande.

- Vous cherchez quelque chose en particulier ? Ou vous préférez rester sur quelque chose de général ?

Avec le catalogue encodé sur son ordinateur, elle pouvait toujours faire des recherches rapides. D’autant que bon, ce n’était pas comme si les démons et tout ça étaient les sujets auxquels elle avait l’habitude de s’intéresser. En fait, elle n’était carrément pas une référence pour ce sujet-là, bien au contraire.

Par contre, puisqu’il cherchait quelque chose de littéraire… Il y avait bien un volume qui semblait correspondre à ses attentes, même si Emily n’y mettrait pas sa main au feu non plus.

- Sinon, il pourrait bien y avoir quelque chose dans la section de démonologie.

Emily mémorisa rapidement le code du livre, avant de mettre les livres sur une partie du comptoir et de rejoindre l’autre côté du magasin. Elle aurait pu donner le titre du livre et sa localisation, mais elle doutait que lui dire « DE A- 36 » allait l’aider à le trouver. Les codes, même pour le rangement, pouvaient être un véritable casse-tête quand on ne connaissait pas la librairie.

- Vous venez ou vous comptez regarder mes yeux bleus jusqu’à demain ?

Son ton était légèrement railleur, mais d’une certaine façon, c’était lui qui l’avait cherché en premier aussi.

Pas comme les autres, hein ? C’était peut-être vrai, peut-être pas. Emily ne le connaissait pas assez pour trancher. A première vue, il semblait bien sortir des sentiers battus avec son entourage, et cela sans aucune gêne. Tout du moins paraissait-il très à l’aise, et cela était peut-être plus agréable qu’un client hésitant qui ne lui donnait aucune information précise. Après, il demandait des choses originales…  Mais il semblait savoir ce qu’il voulait précisément. Une bonne chose si on ne voulait pas trainer toute une éternité dans des rayons de bibliothèque.

C’était qu’il était demandeur par contre. Des sujets littéraires et sérieux sur la démonologie et la sorcellerie. Il devait bien y avoir cela, bien sûr, mais autant dire que le catalogue était un véritable trésor dans des situations comme celles-ci. Surtout quand on n’était pas expert dans le domaine en question. Le cas d’Emily, en somme.

A sa proposition de rester là une semaine, néanmoins, la jeune femme s’arrêta pour lui jeter un regard en biais. Légèrement ironique, légèrement amusé, aussi. D’une certaine manière, les regards valaient parfois mieux que mille discours, et si le sien montrait qu’elle s’amusait plus qu’autre chose de sa blague, il montrait aussi très bien qu’elle ne le prenait pas au sérieux. Si ç’avait été son frère, sans doute l’aurait-elle traité d’idiot tout en secouant la tête.

Enfin, au moins, c’était clair qu’elle ne s’ennuyait pas.

Quand l’homme lui demanda finalement quel livre elle lui conseillait, la jeune femme tendit la main vers un livre du rayon. Un peu en hauteur, mais il était épais et relié d’une couverture noire.

- Celui-là. Mais il faudra que vous le consultiez pour savoir si ça vous convient ou si vous préférez quelque chose de plus précis.

Puisqu’ils étaient dans la bonne section, autant profiter, après tout.

Ce fut alors qu’elle le prenait le livre que le fameux « Don Juan » reprit la parole, mentionnant des romans à l’eau de rose, du chevalier servant et des romantiques du XIXe siècle. Tous des romans qu’elle devait aimer, selon lui, et Emily retint difficilement un petit rire. En fait, elle envisagea un instant de faire tomber le livre « malencontreusement » sur sa tête. Ca aurait peut-être pu lui remettre les idées en place et ç’aurait toujours été possible, comme elle avait dû prendre un marchepied pour accéder au livre.

- Et moi, je parie que vous auriez été un parfait poète courtois du XIIe siècle, railla-t-elle tout en revenant à sa hauteur. Ou un parfait jongleur déclamant ses textes et ses poèmes dans les cours itinérantes de l’époque.

Sans blague. Elle ne disait pas que les Romantiques, voire les textes du Moyen-Âge n’avaient aucune valeur : certains textes, comme « Le Lac » de Lamartine, avaient leur charme et valaient la peine qu’on s’y intéresse.  Après, dire qu’elle était passionnée par ça ? Non, bien au contraire. Le jeune homme allait vitre être déçu, en fait, et un sourire malicieux naquit sur les lèvres d’Emily tandis qu’elle lui donnait ledit bouquin.

- Attendez ici.

Peut-être qu’elle sortait un peu de son poste de libraire. Mais il la cherchait, elle le cherchait, et c’était encore un jeu assez amusant. De toute façon, ce n’était pas comme s’il y avait grand monde qui demandait son attention et un rapide coup d’oeil à la caisse le lui confirma. Et puis, il cherchait des goûts littéraires, autant lui en donner, pas vrai ?

Aussi, la jeune femme ne tarda pas à revenir avec un livre entre les mains. Bon, elle ne le lui balança pas en pleine figure, évidemment, mais elle le lui mit quand même bien entre les mains.

- Le Don, de Fiona McIntosh. Si vous dites que c’est un roman à l’eau de rose alors qu’il y a une scène de torture doublée d’une condamnation à mort dès le premier chapitre – ou quasiment – alors vous aurez vraiment besoin de revoir votre définition de « romantique ».

Puis, il voulait de la torture. Et Fiona McIntosh était experte pour faire baver ses personnages sous toutes les coutures.

Après, il y avait toujours pire, évidemment. Par exemple Kushiel, de Jacqueline Carey, même si elle ne l’avait jamais lu. Le personnage, paraissait-il, avait une marque qui lui faisait aimer la souffrance. Idéal pour faire un personnage sado-maso.

Quoi qu’il en soit, Emily le laissa éventuellement réagir, et haussa un sourcil lorsqu’il parla de la librairie en général. Un emploi palpitant ? Ca dépendait certes des jours, mais chaque travail avait ses bons et ses mauvais côtés.

- Disons que si tous nos clients étaient comme vous, on se n’ennuierait jamais, répliqua-t-elle, avec un léger ton espiègle. Mais le silence fait aussi partie du propre d’une bibliothèque ou d’une librairie. Si quelqu’un vous dérangeait pendant votre lecture à parler tout le temps, je crois que vous auriez plus envie de les réduire en cendres au bout d’un moment, non ?

Le laissant réagir, Emily finit par désigner le livre noir qu’elle avait donné à l’homme devant elle.

- Comment vous paraît-il ?

Non, parce qu’elle ne l’avait jamais consulté de sa vie.

La petite humaine l'amusait beaucoup. Elle prenait ses blagues et rentrait aussi dans ses jeux. Bon moment de distraction. Heureusement, ils n'avaient pas de témoins qui pourraient aller cafter sa détente auprès de quelqu'un qu'il ne fallait pas… Lorsqu'il répliqua à sa blague, elle se retourna pour lui jeter un petit regard amusé. Il lui avait sourit avant de la rejoindre. Une fois dans la section, il continua son manège; il trouvait que c'était une belle distraction.

Elle lui montra le fameux livre qu'elle lui proposait. Couverture noire, reliure épaisse presque ancienne, il adora. Il ne put s'empêcher de la taquiner sur ses possibles lectures. Elle lui répondit toujours en rentrant dans son amusement. Il aimait ses répliques, ça lui changeait parfaitement les idées. Bels échanges verbaux.

-Oh et pourquoi pas un noble ? Ou bien un bourreau ? C'est vrai qu'il faut un mec sexy pour clamer haut et fort des poèmes pour mieux faire rêver les femmes. Répondit-il sur ton moqueur en faisant des gestes faussement théâtrales.

Elle lui remit finalement le bouquin entre les mains avant de lui demander d'attendre ici. Il se demandait qu'est-ce qu'elle avait en tête. Entre temps, il ouvrait doucement le livre en main pour regarder de quoi ça avait l'air. Il remarquait quelques passages intéressants. On parlait de l'enfer, du caca de Lucifer et de biens d'autres choses. Très intéressant. Il le referma lorsqu'il aperçut à nouveau la petite tête de l'humaine. Il se demandait quel était la différence entre être un insecte ou un démon. Est-ce que ça changeait quelque chose d'être une création de Dieu ou de Lucifer ? En tout cas, l'un s'amusait bien de l'autre.

Elle lui montra rapidement sa trouvaille tout en parlant de torture. Ce mot capta toute suite son attention. Sytry adorait exercé les tortures, mais en lisant, il avait vu qu'une fois bien décrite, ça l'excitait tout autant. Il observa le dessus du bouquin avec un regard brillant. La page couverture était doré avec un château et des collines. Ça renvoyait plutôt une illusion de romans époques anciennes et aventures traditionnelles.

-Oh torture et condamnation à mort ? Alléchant.

Son sourire taquin réapparut sur ses lèvres tandis qu'il tourna le bouquin pour en lire un résumé. Son visage revint sérieux durant quelques secondes avant de terminer sa lecture et d'observer la jeune femme à nouveau.

-Alors, vous avez aussi des goûts pour le sang, la torture, le gore ?

Lors de sa remarque sur son emploi, elle ne perdit pas de temps pour lui répondre. Il l'écouta d'une oreille en souriant de plus bel. Il se sentait flatté par sa remarque. Vrai, rare étaient ceux qui profitaient d'une personne si géniale que lui.

-Oh oui, je l'incendierais, le cramerais en le regardant brûler avec plaisir. C'est une règle d'or de lecture après tout. Hé oui quel dommage que je ne peux me multiplier, tout le monde serait heureux.

Elle revint au premier gros livre. Il le regarda à nouveau en caressant la page couverture.

-Il m'a l'air bien. Mais, je ne suis pas tout à fait sûr. C'est dur de trouver des ouvrages de qualité sur ces sujets. Je pense le prendre. Vous travaillez souvent ici? Question que je viennes vous dire mon avis sur ce roman dit-il en brandissant « Le Don ».

La cloche de la porte tinta et un client entra. Sytry fit signe de la tête à la jeune femme en lui montrant le nouveau arrivé.

-Pas si calme que ça, on dirait. Dit-il en rigolant. Il observa le jeune homme aux allures d'un rat de bibliothèque qui achetait le roman « The Hobbit ». Il roula des yeux désespérés de ses insectes sans goûts originaux. Ils se gavaient tous dans les mêmes idées et mêmes saveurs… Pathétique.

-Allez vas-y, je ne m'échapperais pas, promis. Peut-être que c'est ton futur chevalier !

Il riait en penchant la tête sur le côté. Le client le regardait en replaçant ses lunettes sur son visage rond. Sytry lui inséra dans son crâne de la paranoïa, on allait s'amuser un peu…

Emily écouta le jeune homme lui proposer plutôt d’être un noble ou un bourreau. C’était vrai que c’était possible.  Mais d’un autre côté, la clairvoyante voyait moins le côté charmeur de Sytry dans un bourreau. Un noble… C’était plus possible. Même si ces derniers avaient généralement toujours quelque chose de faux, prêts à tout pour plaire à la famille royale qui gouvernait. Mais bon. On allait se dire que tout homme avait un côté hypocrite en lui… Encore que certains pouvaient exceller en la matière quand même.

Quoi qu’il en soit, Emily le laissa parcourir le résumé du livre à son aise. C’était assez drôle de voir son visage devenir totalement sérieux lorsqu’il se mettait à lire, mais d’un autre côté, ce n’était pas plus mal non plus. Quand on venait en librairie, on pouvait certes toujours acheter un bouquin sur un coup de tête, mais il était aussi bien de prendre le temps quand on devait en choisir un parmi beaucoup d’autres.

Quand l’homme lui demanda finalement si elle aimait la torture et le gore, un léger sourire amusé vint sur les lèvres d’Emily mais elle fut très franche dans sa réponse.

- Non. Je choisis plus des bouquins qui m’attirent pour leur intrigue principale, si elle me semble bien ou non. Mais j’aime bien quand les auteurs ont du cran et n’ont pas peur de faire tout vivre à leurs personnages. On sort des sentiers battus et ce n’est pas plus mal parce qu’ils exploitent leurs mondes à leur maximum. Du coup, je suppose qu’être surprise par des morts ne me gêne pas tant que ça… Mais ce n’est pas non plus ce que je cherche en priorité.

Emily l’écouta ensuite parler du livre qu’elle lui avait proposé. Il en semblait a priori satisfait, même si effectivement, il était assez difficile de savoir s’il était de bonne qualité ou non. Ce serait à lui de décider à sa lecture, car ce ne serait certainement pas la jeune femme qui le lirait un jour. Par contre, à sa question sur son travail à la librairie, la clairvoyante hocha la tête.

- Je ne suis pas là tout le temps, comme je travaille à temps partiel, mais je reste souvent ici, fit-elle. Et j’ai hâte d’entendre votre avis ! ajouta-t-elle avec un sourire.

Ca pourrait toujours être drôle, surtout avec toutes les emmerdes que se tapait le héros. Son attention fut néanmoins détournée par l’arrivée d’un client dans la librairie. La jeune femme eut le temps de l’apercevoir avec Le Hobbit de Tolkien. Visiblement, il avait choisi de découvrir la vie de Bilbon, mais il semblait assez nerveux, comme personnage. D’ailleurs, l’homme à côté d’elle l’enjoigna à aller le retrouver. Soi-disant que ce serait son futur chevalier…

Sans blague.

- Aucun risque, répliqua-t-elle en secouant légèrement la tête.

Tu parles. Mais effectivement, ledit client semblait chercher d’autres livres et Emily ne tarda pas à l’interpeler en lui demandant si elle pouvait l’aider. L’homme grassouillet la dévisagea un instant avant d’hocher la tête, presque gravement.

- Oui. Je cherche comment éradiquer des démons.

… D’accord. Elle avait droit à des clients spéciaux, aujourd’hui. Et pas qu’un peu. Ils étaient tous attirés par la section démonologie aujourd’hui ? Non parce qu’alors, elle se renseignerait plus pour la prochaine fois. Juste comme ça.

Quoi qu’il en soit, Emily retint difficilement un « Vous aurez du mal », mais l’autre sembla capter son air sceptique parce qu’il lui montra le « Hobbit » avec un air totalement convaincu.

- En fait, je suis sûr que Sauron va revenir bientôt, avec tous ses… ses… serviteurs. Vous savez, les nazguls, les trolls, les orcs… toutes ces horreurs. Alors je me suis dit que m’acheter le Hobbit pourrait peut-être m‘aider à trouver certaines de leurs faiblesses pour l’heure où tout arriverait et être bien préparé à leur… leur… eh bien vous voyez quoi. Mais avoir d’autres livres à ce sujet serait peut-être bien.

Emily hocha lentement – très lentement – la tête.

Il était con ou totalement stupide ? Et genre, elle devait lui dire que Sauron était à la base un simple serviteur dans le Silmarion ? Non parce que s’il voulait paniquer, elle pouvait bien l’aider, à ce niveau-là.

Mais bref. Il voulait éradiquer un démon. Soit, c’était sûr que c’était fascinant comme hobby. Sauron était-il même un démon d’ailleurs, finalement ? Elle n’en était pas sûre. Mais bon. L’avantage, c’est que son autre client se sentirait moins seul à chercher des bouquins sur la démonologie comme ça.

Ce fut d’ailleurs vers cette section qu’Emily se dirigea d’un pas relativement rapide. Suffisamment pour prendre de l’avance face au petit homme grassouillet qui semblait avoir du mal à la suivre. Tant mieux, elle allait pouvoir prévenir Sytry de ce cas… désespéré.

Après, son plan était simple. Lui donner un bouquin sur le sujet, lui faire un grand sourire, l’emmener à la caisse et lui dire gentiment au revoir.

Gentiment… Tu parles.

- Dis, tu sais comment éradiquer un démon, toi ? lanca-t-elle tandis qu’elle jetait un oeil vers l’autre bonhomme qui était vers le milieu de la pièce. Il avait encore du chemin à faire avant de les rejoindre. Il semble que ce monsieur soit grandement intéressé par le sujet. Pour éliminer Sauron, tout ça tout ça.

C’était tranquille comme passe-temps, non ? Chasser un démon imaginaire. La bonne blague.

- Et si tu as une idée lumineuse pour chasser sa paranoia, je suis preneuse, rajouta-t-elle avec un léger sourire, mais aussi un ton légèrement ironique.

En attendant, la jeune femme allait bien trouver un livre qui ferait l’affaire… Mais au moins, elle ne serait pas la seule à supporter cet homme à côté de ses pompes. D’ailleurs, elle se demandait bien comme il allait réagir avec ce cas psychiatrique.

- D’ailleurs, je ne vous ai toujours pas demandé votre nom, fit-elle avec un ton plus sérieux et quand même plus amène.

En soi, ce n’était comme s’il était responsable de ces cas désespérés n’est-ce pas ?

En tout cas, Emily était désormais agenouillée près d’une des étagères, passant son doigt sur les reliures des livres qu’elle avait devant elle. Dès qu’elle trouverait un bouquin qui correspondrait à la demande de son nouveau client, elle le lui donnerait. Et si elle trouvait un autre qui correspondrait aux envies de Sytry, ma foi, elle le lui passerait aussi.

[Voilà, désolé de l’attente, je devrais être plus rapide maintenant ^^ J’espère que mon post te va, je me suis dit que ce serait triste si Emily devait se taper tout toute seule avec ce client parano :p]

Il termina sa lecture avant de poser sa question à l'humaine. Il trouvait amusant qu'elle lui propose ce genre de roman surtout que pour sa part, elle ne cherchait pas les tortures (au vu de sa réponse à sa question.) Néanmoins, elle semblait avoir des goûts raffinés en la matière ce qui lui plut.

-Je suis d'accord, je préfère les sentiers battus que toujours la même chose lancinante. Les mêmes romances, les mêmes scènes de guerres, les mêmes clichés deviennent vraiment lourd. Surtout qu'on devine facilement ce qui va se passer. La lecture n'a plus d'intérêt dans ces cas-là.

Surtout quand tu vivais depuis pas mal de siècles, ça te rendait amer en un rien de temps. Il suffisait qu'il remarque deux-trois clichés pour qu'il referme le livre. Sytry préférait les rebondissements et les psychologies de personnage très bien travailler. Suite à sa réponse, il la questionna sur son travail. Il ne dirait pas non pour aller la revoir de temps en temps. Elle était d'agréable compagnie ce qui était très rare chez les insectes. Leur conversation se coupa à l'entrée d'un client à l'allure non classe. Sytry utilisa une manipulation sur lui, pour le rendre parano. Il sentait le goût de s'amuser et de pimenter un peu l'ambiance de la librairie.

Sytry souriait malicieusement. La paranoïa de l'insecte toucha immédiatement le sujet de sa race. Ils faisaient si peur que c'était la première chose qui sonnait dans leur cerveau. Ça le faisait marrer. Il se concentra faussement sur les bouquins qu'il tenait en main, zieutant les écoutant avec discrétion. Ses yeux fixaient les lignes sans les voir, son ouïe se concentrait sur la jeune femme et le boulet.

Il refoula un rire en posant une main sur sa bouche et en expirant de l'air. Il enleva sa main en se mordillant les lèvres. Il lança un regard amusé vers la scène. Ce boulet paranoïait sur l'univers de Tolkien, c'était bien. Il était content de son petit tour sur ce rat.

La libraire revint vers lui d'un pas rapide laissant traîné le petit rat derrière elle. Sytry lui lança un regard complice sur cet écervelé.

-Un démon ? Ce n'est pas parce que ce sujet me fascine que je crois à ces balivernes, tu sais. Si les démons existaient, ça serait déjà la fin du monde aha. Si on se fit aux films, une prière devrait suffire. Dit-il sur un ton moqueur.

Il jouait, il faisait l'humain normale. Quel insecte croit véritablement en eux? Il y avait des satanistes, mais eux, c'était des connards qui pensaient que les démons étaient des esclaves. Ils méritaient juste de brûler vifs. Les hommes désiraient tous à leur services et c'était héritant.

-Et Sauron, ce n'est même pas un démon. Ajouta-t-il en souriant grandement. Il regarda derrière. Le boulet marchait un peu essoufflé vers eux. Elle lui demanda d'une certaine façon un peu d'aide pour chasser ce parano. Hum, il pouvait faire toujours faire semblant de l'aider ? Il trouvait le boulet plus que marrant. La jeune femme lui demanda son nom sur un ton soudainement sérieux. Les yeux bleutés du démon s'illuminèrent d'une pincée de fierté. Elle succombait à ses manières ?

- Sieghart ma chère, et toi ? Demanda-t-il en haussant les sourcils.

Lorsque le bedonnant arriva près d'eux, Sytry l'observa avec curiosité. Deviendra-t-il agressif? Comment la folie allait le travailler ? Il coinça les livres sous son bras en s'adressant au parano.

-Tu devrais débuté tes recherchent dans la bible et peut-être même aller à l'Église, on sait jamais. Devenir prêtre pourrait être un métier pour toi. Tu aimes les enfants ? Si oui, vas-y ! Tu pourras en toucher beaucoup. Lâcha-t-il amusé en jetant un petit coup d’œil envers l'humaine.

Le boulet semblait décontenancé. Ses yeux louchaient et sa bouche restait grande ouverte.

-Amen !

Sytry se retourna pour refouler un autre rire. Qu'il était moche cet humain ! Il avait hâte de voir sa réaction face à ses paroles. Dire qu'il tenait juste devant lui un vrai démon. Un pure race. De la meilleur qualité.

Suite à la réponse de l’homme envers son intérêt pour les romans sortant des sentiers battus, Emily se contenta d’acquiescer de la tête. Ils étaient bien d’accord à ce niveau-là : la lecture était bien plus intéressante quand ils avaient droit à autre chose qu’une intrigue basique et répétitive sur le long terme. Peut-être auraient-ils pu continuer leur conversation sur cet ordre-là si un client n’était pas arrivé dans la boutique ; et cela lui aurait sans doute plus plu que de devoir s’occuper d’un pauvre homme à l’air perdu, qui lui sortaient en prime des salades à propos du Seigneur des Anneaux. C’était dingue comme certaines personnes ne savaient pas faire de la distinction entre réel et fiction, mais pour l’heure, Emily ne pouvait pas vraiment le mettre à la porte ou l’envoyer dans un hôpital psychiatrique. Ce n’était pas comme si elle n’en ressentait pas l’envie, pourtant surtout, qu’il semblait bien parti dans son trip. Mais la patience était une vertu, comme on disait et elle prendrait des mesures plus… « radicales » si le besoin s’en faisait sentir.  

C’était du moins ainsi qu’elle raisonnait tandis qu’elle rejoignait de nouveau la section de démonologie. Son premier client avait son regard posé sur le livre noir et ancien qu’elle lui avait donné, et la jeune femme se demanda un instant s’il n’avait pas suivi son échange avec l’autre écervelé qui la suivait d’un pas trainant. Ce n’était pas comme s’il y avait beaucoup de monde, à l’heure actuelle, et suivre une conversation dans un lieu calme comme celui-ci était toujours possible. Après, son regard voulait peut-être tout dire : d’ailleurs, il lui échangea un regard relativement complice ayant peut-être compris qu’ils avaient droit à un cas désespéré.

Ceci dit, il ne croyait pas aux démons, visiblement. Soi-disant qu’avec eux, ils seraient déjà à la fin du monde et qu’une prière devrait suffire… selon les films.

- C’est dommage, fit-elle, mais je crois que les films ont tendance à embellir la réalité. Et j’avoue que je ne crois pas qu’une simple prière serait vraiment efficace, poursuivit-elle après un léger silence d’une seconde avant de se tourner vers l’homme avec un sourire. Ce serait trop facile.

En attendant, c’était vrai que Sauron n’était pas un démon. Mais ou les gens ne voyaient généralement que les films et associait l’ennemi commun à une force malfaisante, si pas démoniaque, ou d’autres lisaient les livres, et ils étaient sans doute bien moins nombreux à le faire, tout en lisant toute l’œuvre de Tolkien.

Elle écouta finalement le prénom de ce fameux client, même si elle s’attendait simplement à ce qu’il lui donne son nom de famille. Après, c’était mieux que de l’appeler « Don Juan » ou par tout autre chose.

- Emily, finit-elle par répondre et elle ne put s’empêcher de faire remarque en désignant du regard le livre que Sgeghart avait en main. Vous ne croyez pas aux démons, mais vous faites des recherches sur eux. Ce n’est pas un peu contradictoire ?

Elle détourna ensuite son attention suite à l’arrivée de l’autre homme grasouillet dans leur allée. La jeune femme lui jeta une œillade critique, mais n’émit aucun commentaire. Ce n’était pas à elle de le faire, même s’il lui semblait totalement à côté de ses pompes. Ce fut lorsqu’elle se releva un livre dans les mains que Sieghart prit la parole ; une réplique qui lui fit hausser un sourcil, même si elle ne l’interrompit pas.

Aller voir dans la Bible, ma foi, pourquoi pas. Même si de fait, cela risquait d’anéantir tous ses espoirs. Selon la tradition catholique, après tout, anges et démons étaient immortels et les anges déchus ne seraient rejetés en Enfer définitivement qu’à la fin du monde. Pas sûr que le client devant eux était prêt à attendre jusque-là. Ni à concevoir qu’ils étaient immortels, d’ailleurs. Et de fait, celui-ci fronça des sourcils, encore plus quand Sieghart lui parla d’être prêtre avec l’opportunité de toucher les enfants – dont Emily n’allait pas faire de commentaire –. Finalement, il finit par répondre d’une voix catégorique après avoir vraisemblablement repris ses esprits.

- Non.

- Oh ?

Difficile de mettre plus d’ironie et de scepticisme dans un mot et Emily jeta un œil à Sieghart qui semblait prendre son pied comme pas possible. C’était vrai qu’on ne rencontrait pas un fou tous les jours, mais bon, quand même. Il semblait plus apte à enfoncer l’autre dans son délire que de l’aider à en sortir.

Mais le type bedonnant reprenait de plus belle en regardant très sérieusement le jeune homme et la clairvoyante successivement.

- Les prêtres ne sont pas ou plus adaptés. Ils ne croient même plus aux elfes, aux nains, et aux races qui peuplent la Terre du Milieu. Ni même à la magie ! Et quand les orcs et les trolls vont arriver, imaginez  quelle sera la catastrophe ! Non, il faut plus être croisé ou…

Sans blague. Emily se pinça les lèvres, retint la pensée qui lui venait à l’esprit comme celui de assommer, laissa l’autre faire son monologue de plus en plus déconstruit, et alla finalement trouver un bouquin plus dans le domaine de l’occulte. Puisqu’il voulait être croisé, elle allait lui donner une quête, tiens. Quand on avait affaire à un fou, autant entrer dans la logique du fou… C’était sans doute ainsi que les calmer fonctionnait le plus, d’ailleurs. Même si en l’occurrence, rien n’était gagné.

La jeune femme revint néanmoins avec un bouquin dont le résumé lui semblait prometteur, si tant est qu’on croyait à ces choses-là. Ce n’était pas vraiment son cas – ça ne l’était même pas du tout – mais si elle le convainquait, cela pourrait peut-être le faire partir.

- Selon ce livre, fit-elle d’un ton faussement détaché tout en lançant un coup d’œil à Sieghart, chaque objet a une énergie… spirituelle qui peut agir sur quelque chose. Il affirme qu’il y en a un unique, qui peut briser tous les pouvoirs des démons. C’est parfait pour vous non ?

Bon, elle avait un peu tourné les choses dans le sens qui lui allait le mieux, mais ça, elle n’allait pas vraiment le lui dire. En fait, elle embraya directement sur un mensonge qui risquait d’autant plus de faire partir ce cas là où il devait être.

- Au fait, je surprise que vous ne sachiez pas. Il paraît, et elle choisit ses mots avec soin, tandis qu’elle défiait du regard Shieghart de la contredire, que Gandalf ait subi une attaque impromptue de Sauron. Et qu’il est donc à l’hôpital en ce moment-même, vous savez, dans la zone « psychiatrique ». Je suis sûre que voir un allié lui ferait du bien. Juste comme ça.

Tu parles, oui. Mais le mensonge fonctionna plutôt bien, puisque l’homme pâlit – il était vraiment dans son délire, c’était hallucinant – puis rugit d’indignation et s’emporta contrer des ennemis imaginaires qui avaient agi avec fourberie et tout le tralala.

Franchement, c’était à rire ou à pleurer ?

Emily ne l’écouta finalement que d’une oreille, lâchant de temps à autre une réponse, comme un « C’est désespérant » sur un ton relativement condescendant. Finalement, elle s’adressait peut-être plus à Sieghart qu’à l’autre homme complètement tapé, mais ce n’était pas comme si l’autre perdu allait s’en rendre réellement compte.

Mais la nouvelle de Gandalf avait au moins eu le mérite de le faire bouger. Il parlait plus qu’il ne bougeait dans un discours relativement inintelligible mais réussit par un miracle à atteindre la caisse, payer son dû, et partir sans demander son reste. Sans doute pour courir à l’hôpital. Tant mieux pour lui.

Quoi qu’il en soit, Emily goûta pendant l’espace d’un instant le calme qu’avait enfin retrouvé la librairie, et puis, foudroya Sieghart du regard qui semblait avoir dû mal à se retenir.

- Si vous voulez rire, c’est maintenant. Je crois que vous vous retenez depuis tout à l’heure, je me trompe ?

La jeune femme laissa passer une seconde, puis reprit, un sourire légèrement ironique sur les lèvres, mais qui n’était pas pour autant un véritable reproche non plus.

- Et votre idée pour les prêtres n’était pas drôle. Un instant, j’ai cru qu’il allait vous prendre au sérieux, qu’est-ce que vous auriez fait ?

La librairie, durant un instant, devenait la foire à la folie grâce à lui. Sytry sourit à sa remarque sur le trop facile. Elle avait raison. Ils étaient plus coriaces que ça. On ne chassait pas d'être si haut placé en une seule phrase.

-C'est la magie des films j'imagine. Je préfère les films d'horreurs. Quoique dernièrement plus rien n'est digne d'être étiqueter « horreur ». commenta-t-il. Suite à sa demande, il se présenta à elle avec amusement. Il pensait avoir réussi à franchir une de ses barrières. C'était son plaisir démoniaque. Emily, c'était un nom qu'on remarquait souvent, mais pas des plus banales non plus. Elle lui releva une petite contradiction dans ses paroles. Sytry sourit de manière coquine.


-Voyez-vous, j'ai toujours été attirer sur la raison du pourquoi la plupart de nous croit au paradis et à l'enfer. En lisant les trucs religieux d'anges et tout se blabla, ça me donnait mal à la tête et m'endormait. Je préfère mener ma quête sur l'enfer. Les écrits sont bien plus intéressants et captivant. Sait-on jamais, peut-être que je serais le premier à découvrir leur réel existence avec ces bouquins ? Répondit-il en lui lançant un regard confiant. Sytry se trouvait amusant. Mais, c'était facile d'inventer et de jouer l'insecte surtout quand tu passais depuis des siècles à manipuler leurs psychologies.

Leur conversation se coupa lorsque le joufflu délirant apparut devant eux. Le démon s'amusa à jouer avec une actualité pesante des insectes. Ses vieux pervers religieux qui abusaient les enfants. Malheureusement, le rat refusait sa belle idée. La réponse qu'il lui fournit valait tout l'or du monde. Sytry, encore une fois, retint un gloussement en faisant semblant de tousser sur son poing.

Emily donna un bouquin au gros avant de rentrer dans son délire. Sytry cacha son visage avec ses livres. Ça faisait si longtemps qu'il n'avait pas eu envie de rire comme ça! Habituellement, il était maître de tous ses sentiments. Cette sensation lui faisait du bien.

L'insecte paya ses livres avant de partir accomplir son funeste dessein. La jeune femme avait remarqué son envie de rire. Il baissa les livres avant d'éclater de rire. Un joli son agréable entendre. Un charmeur au bon rire.

-Ça ne vous donne pas envie de rire vous ? Demanda-t-il à son tour en soufflant après avoir relâcher toute sa dose d'enjouement.

Elle revint sur ses paroles mesquines. Elle n'avait dû pas avoir apprécier ses propos. Il haussa les épaules.

-Un malade comme ça, ça fait enfermer rapidement à l'asile. Ne vous en faites pas, personne ne prend aux sérieux mes blagues.

En fait, c'était tout le contraire. Il manipulait les sentiments des insectes pour leur faire croire n'importe quoi. S'amuser à les voir se détruire eux-mêmes. Son visage repris une teinte sérieuse lorsqu'il regarda ses bouquins en main. Il ne devait pas oublier son objectif de trouver quelque chose pour blesser cette merde de lulu.

-Bon, je crois que je vais partir avec ses bouquins. Ça me semble bon et suffisant. Sinon, je reviendrais.

Il ne voulait pas trop pousser le bouchon non plus. Emily était loin d'être idiote. Il posa les bouquins sur le comptoir d'un air désinvolte.

-Vous êtes étudiante ? Vous feriez une bonne psychologue. Vous venez de traiter un cas lourd dingue. Finalement, c'est plus excitant que je le croyais, une librairie.

Sa voix redevenait amusée.

La magie des films… On pouvait peut-être dire ça avec Disney, pour d’autres, c’était déjà plus compliqué. Et dans le cas de films d’horreur, comme « The Conjuring », pour ne citer que lui, les exorcismes ne se faisaient quand même pas en un claquement de doigt. Mais ça se pouvait se comprendre, si on se mettait dans la peau du réalisateur.

- Il y a toujours des films bons et moins bons. Après, on aura toujours envie de dire que c’était mieux « avant » aussi. Avec les animés de notre enfance par exemple, fit-elle simplement. Mais on aura tendance à le dire pour tout, rajouta-t-elle avec un sourire.

Par exemple quand on finissait nos devoirs à 16h et qu’on avait encore tout l’après-midi de libre à jouer. Mais ça faisait partie de l’enfance aussi, sur laquelle on ne pouvait pas vraiment revenir.

Emily écouta ensuite Sieghart lui répondre à propos de sa recherche sur l’enfer. Visiblement, les réponses plus religieuses ou traditionnelles l’endormaient, et il s’était donc mis à faire sa propre enquête par lui-même. C’était un choix, même si avec un sujet aussi large, il avait de quoi s’amuser pendant un temps.

- Je ne sais pas si vous saurez prouver leur existence, il y en a déjà eu pas mal qui ont voulu le faire. Mais vous ne perdez rien à essayer. C’est toujours mieux que de se tourner les pouces et attendre que la réponse arrive sur un plateau d’argent.

L’autre client dérangé intervint ensuite et elle n’eut aucun remord à l’envoyer à l’hôpital psychiatrique, si toutefois il suivait son idée. Ce n’était pas vraiment de son ressort, mais ce n’était pas comme si la jeune femme aurait pu quitter la librairie non plus pour l’accompagner. Après, elle n’en avait aucune envie non plus, il fallait l’avouer.

Quoi qu’il en soit, Sieghart rit franchement lorsque l’homme grassouillet fut sorti. En soi, elle ne pouvait pas vraiment l’en blâmer, mais il avait quand même pris son pied pendant qu’elle s’occupait de l’autre tordu.

- Ca dépend. Je  ne sais pas si je dois en rire ou désespérer devant des cas pareils. Ils sont tellement à côté de la plaque… Mais c’est drôle, je le reconnais, finit-elle par admettre avec un léger sourire, avant de faire un geste vers les livres en général. Moins quand tu dois leur trouver des bouquins liés à leur délire, par contre. Ca, ça peut s’avérer épique.

Sieghart lui fit ensuite remarquer qu’il ne risquait pas de prendre au sérieux ses blagues, et cette fois, Emily haussa les épaules avant de lui répondre.

- Honnêtement, je suis pas sûre qu’il était en état de comprendre quelque chose, fit-elle sur un ton franc, presque amusé. J’aurais limite pu lui donner un livre sur les bisounours qu’il m’aurait sans doute crue autant qu’avec l’autre livre que je lui ai donné. Mais ils sont limite plus à plaindre qu’autre chose, finalement, en étant dans leur monde à part totalement déjanté.

La clairvoyante vit ensuite que Sieghart s’intéressait de nouveau à ses livres. Il y avait de quoi  en même temps ; l’autre client les avait certes interrompu et avait été un joli « intermède », mais il était venu quand même avec un objectif précis en tête. Il énonça que s’il ne trouvait ce qu’il voulait, il reviendrait et Emily hocha la tête.

- Vous trouverez toujours des livres sur le sujet, c’est quelque chose qui va faire couler encore beaucoup d’encre à mon avis.

Sieghart déposa les livres sur le comptoir et Emily les encoda tandis qu’il lui posait de nouvelles questions plus sur elle, cette fois. Elle sourit à l’idée qu’elle soit psychologue : elle n’avait jamais fait des études pour, mais c’est vrai qu’elle aurait pu s’y risquer.

- Je suis étudiante dans la ville, oui, mais pas de psychologie, fit-elle avec un léger sourire malicieux. Je suppose que c’est plus mon père qui m’a appris à rester assez calme alors qu’il était totalement dans un autre monde. Ce n’était pas vraiment la joie dans ma famille, expliqua-t-elle brièvement.

Elle fit glisser les livres vers Sieghart tandis qu’elle continuait.

- Après, si je pouvais éviter les cas lourds dingues dans cette librairie, ou même dans ma vie en général, je ne dirais pas non. Je peux être patiente, mais j’ai quand même mes limites, sourit-elle.

Elle désigna ensuite les livres de la main.

- Un sac ou ça ira comme ça ?

[C'est parfait ! Idem, si je t'ai pas donné assez de quoi répondre, tu me le dis ! ^^]

Les commentaires de la jeune femme sur ses propos le faisaient sourire. Elle répondait avec un certains sérieux et en même temps, on pouvait apercevoir des bribes plaisantes. Cette humaine devenait une compagnie agréable aux yeux de Sytry puisqu'elle déposait toujours un pas dans ses blagues tout en conservant un autre pied dans la réalité. Il appréciait cet aspect d'elle. Le quittant fou par sa faute était partie rapidement les laissant tous les deux seuls. Mais, le démon était conscient de l'intelligence d'Emily. Il décida de ne pas pousser ses conneries plus loin. Souriant amusé, il l'observait tandis qu'elle avouait avoir trouvé ça drôle.

-Tu es sûr? Ce monde est aussi totalement déjanté si on est capable d'entrevoir les frontières. Lâcha-t-il en lui lançant une œillade complice et mystérieuse. Suite à ses paroles, il s'avança au comptoir pour payer ses livres. Il croisa les doigts en espérant qu'il trouverait une infime piste. Lucifer devait payé pour tout ce qu'il lui avait fait. Il ne se laisserait pas briser en petits morceaux sans rien faire.

-C'est un sujet inépuisable à ce que j'ai vu

C'était la fierté d'être un démon. Depuis des siècles, ils traversaient le temps dans diverses récits. Ils voyageaient à travers diverses cultures et religions. Ils étaient bien spéciaux au finale pour récolter une si grande attention.

Il posa ses coudes sur le comptoir pour se pencher à sa hauteur et la regarder travailler tranquillement. En même temps, il l'écoutait attentivement. C'était une bonne distraction. Elle n'était pas ennuyante ni pathétique.

-Oh je suis désolé pour votre père. Ça dût être difficile à vivre… Vous étudiez en quoi ? Questionna-t-il tout en notant quelque part mentalement cette potentielle cicatrice.

Elle finit par diriger ses achats vers lui et il se releva.

-Comme tout le monde. J'espère que tu en raconteras pas trop. Sinon, tu n'auras qu'à penser à moi! Ça passera plus vite ce mauvais moment répondit-il de manière espiègle.

-Dans un sac, merci

Il sortit son portefeuille de sa poche de jeans avant de lui déposer l'argent sur le comptoir.

-Vous pouvez garder la monnaie.

Son timbre de voix se fit moqueuse mi séduisante. En fait, il faisait exprès d'imiter les acteurs dans les films américains. Son sourire s'étira encore en saisissant son sac de livres tout en faisant glisser ses lunettes aux verres fumées sur ses yeux.

-Passez une bonne soirée! Espérant que le dingue ne viendra pas t'importuner de sitôt.

Un nouveau client rentra dans la libraire. Un humain normale que Sytry ne s'occupait pas du tout. Il avait un objectif bien en tête et il était prêt à débuter sa recherche.

-Tant fait pas, il semble normale celui-là chuchota-t-il en riant. Ses pas félins le conduisirent jusqu'à la porte.  

Lorsque Sieghart lui parla du fait que ce monde était aussi déjanté que d’autres si on pouvait en percevoir ses frontières, Emily ne put pas vraiment lui donner tort. Tout dépendait de ce qu’on faisait dans la vie qui était donnée à chacun, et surtout, tout dépendait si on osait faire les choses en quittant sa sécurité personnelle. C’était peut-être moins confortable, mais cela rajoutait aussi un peu de piquant dans la vie de tous les jours. Et au fond, peut-être valait-il mieux un grain de folie où on prenait quelques risques qu’une existence douillette mais inintéressante à mourir.

Quoi qu’il en soit, elle encoda quand même les livres dans son répertoire tandis qu’ils parlaient du sujet sur les démons. Il était inépuisable, c’était vrai. Depuis un long moment à vrai dire.

- Et ça ne risque pas de changer. Par contre, pour mon père, fit-elle, ce n’est pas vraiment de votre faute, vous n’y pouvez rien.

Et bon, elle avait beau l’aimer en tant que fille, elle n’aurait pas vraiment été offusquée si l’un de ses proches l’avait traité d’alcoolique. Son père n’était certainement pas un modèle à suivre, et elle-même avait plusieurs fois pensé qu’il agissait comme un imbécile, alors....

Bref, ce n’était pas vraiment le beau fixe au niveau familial, aussi changea-t-elle de sujet facilement sans trop s’appesantir là-dessus. Il restait juste la question des études, et bon. Déclarer qu’elle était une clairvoyante qui avait des visions à l’improviste, ce n’était peut-être la meilleure des réponses à donner. Et elle se voyait mal dire aussi qu’elle était une mutante. Les gens avaient beau le savoir, ce n’était pas non plus le genre d’informations que tout le monde acceptait avec le sourire.

- J’ai un diplôme pour tout ce qui concerne la librairie ou l’édition, fit-elle simplement, donc j’ai terminé toutes les études plus… classiques ou officielles. Mais je suis aussi ici à cause d’un Institut qui a ouvert ses portes récemment dans la ville, alors j’en ai profité pour y avoir quelques cours.

Plus que pour son pouvoir, c’était aussi pour retrouver sa sœur qu’elle était venue ici, en pensant que l’Institut pourrait l’accueillir en tant qu’étudiante, si jamais elle avait aussi des pouvoirs qui se déclaraient. Mais avoir seulement une hypothèse comme piste n’était pas vraiment très utile pour retrouver une personne. Et elle avait bien son prénom, mais là non plus, elle n’irait pas très loin si elle n’avait que ça comme information…

Quoi qu’il en soit, si la pensée de sa sœur lui traversa l’esprit, elle ne la prononça pas à voix haute. Cela restait encore trop personnel, et Sieghart n’était quand même pas là pour qu’elle raconte tous les aléas de sa vie familiale. Peut-être une autre fois si l’occasion se présentait.

Un sourire germa sur ses lèvres lorsque l’homme devant elle lui proposa de penser à lui si elle devait rencontrer d’autres personnes comme le fou qu’ils avaient croisé.  Malheureusement, ce ne serait pas assez efficace pour faire disparaître les clients de cette trempe, mais qui sait ? Peut-être que ça l’aiderait au moins à garder sa bonne humeur.

Emily lui donna en tout cas son sac, tandis qu’elle recevait l’argent pour les livres. Elle secoua légèrement la tête lorsqu’il s’adressa à elle d’un ton mi-amusé et mi-séduisant et se dit pour elle-même qu’elle allait quand même continuer à le surnommer Don Juan. Il semblait en tout cas ne pas pouvoir s’empêcher d’agir de la sorte, et autant cela la changeait des clients rabougris, autant cela la faisait quand même rire sous cape.

Lorsque finalement l’homme la salua, Emily hocha la tête et fit de même à son tour.

- J’espère aussi, ou j’appellerai moi-même l’hôpital, cette fois. En tout cas, merci d’être passé !

Son attention fut légèrement détournée par un nouveau client qui entrait dans la libraiie, et le chuchotement de Sieghart lui attira une mimique amusée.

- J’ai assez entendu de démon et de Sauron pour ma journée, fit-elle. Mais au pire, ne vous inquiétez pas, je saurai me débrouiller !

Cela valait mieux pour elle de toute façon. Après un dernier signe de tête, Emily tourna les talons tout en jetant un œil au client qui était entré. Il semblait s’intéresser aux livres pour enfants, et elle le laissa fouiller un peu comme il le souhaitait. De toute façon, elle avait une commande qui l’attendait, alors autant s’en occuper tout de suite d’ici la fin de sa journée dans la librairie.