Ray fut quelqu’un de bon. Il avait ses défauts, comme tout le monde, comme cette étrange tendance à vouloir ouvrir sa bouche quand d’autres la fermaient. Il était une bonne personne, destiné à une vie normale, sans trop de secousses. Il comptait devenir psychologue, aider les gens qui en avaient le besoin.
Ray fut quelqu’un de bon, mais son destin fut de servir de vaisseau, alors qu’importe sa volonté. Peut-être que tout était dans le nom. Ray et Lucifer. L’un rayon, l’autre porteur, de lumière.

Le couteau se planta. Le silence se fit.
Un rayon de lumière se transporta autour du corps. Il fut aveuglant. Pendant un instant, ou deux. Quelques secondes, juste pour laisser la preuve de la véritable nature de celui qui ouvrit ses yeux à ce moment là.
Il se réveilla.

* * *

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH.
Ah. AHAHAHAHAHA. Je voyais. Je sentais. J’étais là. J’étais bien présent. J’étais un peu engourdi, mais j’étais là.
Putain, qu’est ce que ça faisait du bien. Je me rappelais. Les regards que ces imbéciles m’avaient jetés. Le dernier moment où j’ai pu voir quelque chose.
La dernière vision. Avant de… De m’endormir. Quelle bonne blague ! Comment avais-je pu m’endormir ? Depuis la Création du Monde je n’avais pas dormi une seule fois !

Je me redressais d’un seul coup. Histoire de bouger, vous voyez ? Ca faisait un bail que je n’avais pas bougé le petit doigt. Enfin même si en vrai, je n’avais pas forcément de doigt. Mais pour mieux paraître devant vous, il faut toujours vous ressembler. C’est tellement…égocentrique, c’est fou ! Cela pourrait me plaire, parce que j’aime l’égocentrisme, mais, honnêtement… Je vous déteste, alors je ne vois pas pourquoi je devrais me réjouir que vous soyez juste des imbéciles.

Mais passons. Je m’étais donc redressé violemment, et immédiatement, je me pris à sourire. Il me suffit d’un regard pour comprendre la situation. Et bien, finalement, je n’avais pas eut tort en créant les démons. Il fallait croire que certains n’étaient pas aussi bêtes que je le pensais.
Pas comme mon fils. Mon fils. Tu parles. J’étais vraiment obligé de l’appeler comme ça ? Ma progéniture, mon sang, un truc du genre, lui irait mieux. Il n’avait pas la moitié de ce que j’étais, et à mes yeux, était tout aussi pathétique que tous les autres démons.
Mais que voulez vous, avoir une progéniture peut être pratique, alors bon.

Il était là, d’ailleurs. J’imaginais que me réveiller n’était pas une chose si facile. C’était sûrement le prix de la puissance.
Me réveiller…Je détestais cette sensation, de se réveiller. Je ne l’avais jamais encore senti avant. Mais c’est quelque chose d’atroce. Merde, quoi, j’allais devoir découvrir que j’en étais sûr, un ou deux démons ont tenté de me subtiliser ma place – ils allaient comprendre leur douleur -, que les humains seraient toujours aussi idiots, et que Dieu restait l’affreux bonimenteur qui se fout de ma poire depuis des millénaires.
En fait, se réveiller, c’est comme ne jamais dormir, mais en se prenant la réalité en face au bout de trois secondes.

- Haaah…

Je m’étirais. Je ne m’étirais jamais. J’avais l’impression de ne pas avoir dormi. Dormir. Rien que ce mot me foutait en colère.
Mon regard tomba sur mon corps. Hum, joli trace de sang. J’en avais partout, j’adorais ça !
Je relevais ma tête, et vis des spectateurs – hors celle qui m’avait réveillé - présents, pour mon réveil.
Je n’étais pas surpris.

Je me levais, m’approchais de celle qui ressemblait à Lilith. Lilith était une des rares démones qui avait toujours obtenu….Disons…Ma reconnaissance ? Tout au plus, sûrement moins. Mais quand même. Mais c’était celle qui de sûr m’avait toujours été le plus fidèle.
Cette blonde lui ressemblait, mais je voyais bien que c’était différent.
Je me doutais de son rôle dans mon réveil. Je le voyais bien.

Je lui fis un sourire :

- Je savais que je pourrais compter sur toi.

Honnêtement, j’étais sincère. D’ailleurs, il ne fallait pas croire que je mentais souvent. Je mentais rarement. Mais ça ne voulait pas dire que j’allais l’applaudir, la remercier, la faire tourner dans mes bras ou quoi… Cela aurait été tellement…Idiot.
Elle n’avait fait que ce qu’elle devait faire : m’obéir, et me réveiller.
Mais, je la récompenserais peut-être plus tard. Parce que tout de même, elle m’avait rendu un service, plutôt conséquent.

Je me retournais ensuite vers… Trois hommes. En somme, tous différent. Ma très chère progéniture que je saluais, d’un sourire mauvais :  

- Tiens donc tu es là, toi. En même temps… Il ne fallait pas que tu rates mon retour.

J’étais trop important pour qu’on me rate, voyons. D’ailleurs, je remarquais un fait amusant. Mon vaisseau paraissait plus jeune que le sien. Haha.
Mon regard tomba sur un autre par terre, qui paraissait souffrant. Ce qu’il était me surprit. Mais je me fichais bien de son état, et le laissait dans son agonie. Il fallait bien que quelqu’un meurs pour moi, allons. Néanmoins, je restais curieux d’en apprendre plus sur lui.
Puis, mon regard tomba sur la troisième personne. Je n’étais pas sûr de savoir quel rôle il avait joué ici, mais… Ce que je voyais de lui, m’énerva autant que ça m’amusa. J’avais la forte envie de l’envoyer volé, mais me dis que de toute façon, il allait bientôt comprendre son erreur. Celle d’être né d’un démon idiot qui pensait pouvoir me détester.
Bien que j’adore que l’on me déteste, hein. C’est mon petit plaisir.
Et puis, si ce sorcier était là, c’est sûrement qu’il avait aidé dans mon réveil, alors…

Je me tournais vers tout ce beau monde.

- Bien. Maintenant que je suis de retour… Je compte apprendre tout ce que j’ai manqué, et bien sûr… Faire comprendre à ces pitoyables et lamentables pourritures d’humains, qu’il ne faut pas s’amuser avec le feu.

En disant cela, je fis apparaître une flamme dans ma main. J’allais leur apprendre, à vouloir m’endormir.

- Bien sûr, tout ceux qui seront contre, comprendront aussi, pourquoi il ne faut pas être de l’autre côté.

C’était un sous-entendu pour ma progéniture et le sorcier.

La larve sanguinolente paru vouloir s’adresser à moi sans peur. Peut-être qu’il se croyait intéressant, et en mesure de pouvoir m’adresser la parole de cette façon. Quelle douce illusion. Déjà qu’il était suffisamment stupide pour ne pas comprendre qui j’étais. J’émis un rire. Comme si un minable petit être en son genre pouvait m’empêcher de faire ce que j’avais toujours fait, juste en disant « C’est pas bien ! Je vous l’interdit ! » Genre.
Il se mettait le doigt dans ses parties. Tellement profondément.
Je ris aussi quand je vis le sorcier s’enfuir, la queue entre les jambes. C’est là qu’on voyait qui était le plus minable ici. Même si sa décision était sage : qui sait ce qui serait advenu de lui s’il était resté.
J’observais ma progéniture s’approcher du minable qui se pensait malin. Je ne savais pas ce qu’il cherchait à faire en s’enflammant comme ça – peut-être à cramer le morveux ? Cela m’étonnerait que cela fonctionne, mais je pouvais toujours espérer, cela donnerait au moins quelque chose d’amusant -.
Mais dans tous les cas, il s’adressa à moi, pensant me faire paniquer en m’apprenant que c’était la pagaille en enfer. Noooon ? Tu crois ? Comme si je ne m’en doutais pas. Mais j’allais vite régler le problème.

- Ah, c’est le bordel ici ? Comme je suis surpris ! commençais-je dans un sarcasme cinglant : Je me doutais bien que te laisser seul en Enfer prouverait ton incompétence à tout gérer.

Il croyait quoi ? Que devant moi, les démons allaient m’insulter ? Oh ils allaient sûrement le faire. Mais j’étais leur créateur, j’étais au dessus d’eux. Je savais comment rabattre le clapet à tous ses imbéciles.
Je me tournais vers Lilith, appréciant sa prosternation. Je devais bien avouer que je préférais ça aux deux autres abrutis qui pensaient me tenir tête. Elle me proposa d’y aller. Je détestais qu’on me dise quoi faire.
Je l’attrapais par les cheveux, tirant sa tête en arrière :

- Je vais y aller, en effet. Mais un conseil pour ton joli minois : si tu veux que ta tête reste vissée sur ton corps, ne me dis pas ce que « je devrais » faire. Et le fait que tu m’aies réveillé, n’y changera rien.

Je la lâchais finalement, l'embrassant sauvagement pour au moins lui prouver cette reconnaissance que j'avais de m'avoir fait ouvrir mes yeux - et parce que bouffer les lèvres de quelqu'un jusqu'à lui faire rendre l'âme, était un plaisir que j'adorais tout particulièrement, bien qu'ici je m'étais contenté de quelque chose de court -, et reculait pour partir.

- Roch, l’interpellais-je : je suppose que tu n’y sera pas pour rien dans le bordel que je vais découvrir. Ne pense pas pouvoir m’échapper. Je vais tout faire pour te dresser comme le bon petit fifils que tu es censé être. En attendant, je te laisse la larve, parce que je n’ai pas le temps, là tout de suite, de vider les poubelles. Vas donc le faire à ma place, s’il te plait. Et fais ce que la dame te diras de faire, où je te promets que je ne me contenterait pas de te dresser quand viendras-ton tour.

Je lui adressais un sourire méprisant. Je n'avais pas envie qu'il abime un des rares démons vraiment utiles en Enfer, cela serait dommage, tout de même. Puis je me retournais vers Lilith, conscient que je venais de lui donner une responsabilité plus haute que celle de ma propre progéniture. Vous voyez que je sais récompenser les gens !

- Tu pourras me rejoindre plus tard. lui fis-je avant de partir.

Je savais où j'allais : je me dirigeais là où j’allais devoir reprendre les choses en main, le plus vite possible.