Et pourquoi il voulait lui offrir tout ça ? Ce n'était pas la première fois qu'il lui sortait ce discours. Toujours cette rengaine. Théophile ne comprenait pas pourquoi il insistait. C'était comme s'il était bienveillant envers lui, comme s'il voulait le maintenir en vie... Théophile n'arrivait pas à comprendre ça. Peut-être parce qu'il voyait surtout l'homme face à lui, comme un connard fini, et puis point barre.
Mais Gregory fini par lui dire de partir. Il n'essayait même pas de le forcer à rester, à lui faire quelque chose.
Il lui disait de partir et puis c'est tout.

Théophile le fixa, sans comprendre. Il était complètement perdu. Quelques jours avant Gregory disait qu'il allait faire de lui une machine à tuer - ce qui n'était pas sans terrifier le jeune homme - et maintenant il lui disait de partir.
A moins que cela fusse un test, voir si Théophile allait réellement s'enfuir.
S'enfuir pour retourner à l'Institut et sa vie tranquille. Ou pas si tranquille que ça. Pas ces derniers temps. Au contraire... N'avait-il pas provoqué une tornade, parce qu'il n'en pouvait plus ? Et une vague suffisamment violente pour dépasser la hauteur de deux humains.
Théophile serra les dents, restant assis.
Et s'il partait ? Il pouvait. Il devait. Il n'avait pas envie de retourner dans la cave, et il n'avait pas besoin de cette foutue puissance que l'autre ne cessait de lui rabattre les louanges.

- Qu'est ce qui te dis que je suis si fort que ça ?

Il venait de se rendre compte du tutoiement, et décida de passer outre.

- Qu'est ce que ça peut me foutre... Y a toujours eut des emmerdes, c'est vrai. Et j'en ai eut tellement ces derniers temps. Mais si "j'apprends" tout ce que tu me rabâche, j'aurais quand même des emmerdes.

Il regarda Gregory. Des mots tranchants avaient envie de sortir, mais Théophile n'était pas sûr de pouvoir les sortir, après ce qui s'était passé à la cave. Cette fois, il ferait mieux de partir. Vraiment. Pourtant il ne bougea pas de son fauteuil. Il resta immobile, parce qu'il ne savait pas. Avec tout ce qui lui arrivait, s'il savait se défendre, alors....Mais Gregory ne lui apprendrait pas à se défendre. Il lui apprendrait à frapper dur et fort. Et Théophile ne voulait pas. Il refusait. Parce qu'il n'avait jamais été offensif.
Sauf ces temps ci.
Il attrapa sa tête. Ah bon sang, il détestait cette sensation. D'autant que ce qu'il avait pu ressentir quand il n'était pas dans son état normal, lui revenait en tête.
Et Théophile savait. Il savait qu'il était bon à ça, à faire souffrir. Mais il était un vent doux. Normalement. Il voulait le rester. Mais en ce moment, il n'y arrivait pas.
Dans tous les cas, il n'était toujours pas parti. Et il sentait le vent qu'il n'avait pas senti depuis longtemps, se lever.
C'était peut-être le moment de partir.

- Et puis, ta vie, tu crois qu'elle est bien ? T'as sûrement aucun amis, et tu dois être détesté de tout le monde. En quoi c'est bien, franchement, de faire du mal aux gens ? La seule chose que j'ai aimé en le faisant, c'était juste la liberté. Pas autre chose.

Son esprit avait beau lui répéter de s'en aller, là, maintenant, tout de suite, pendant qu'il était encore temps, son corps ne bougeait pas. Il se traita mentalement d'imbécile, et sûrement avait-il raison, puisque de base, il aurait aimé survivre et être libre. Théophile entendit Gregory lui répondre, lui donner des raisons de lui montrer qu'il était fort. Ce n'est pas que l'oiseau avait tant l'impression d'être fier, ou de jouer les fiers. Juste qu'il...Il n'en savait rien. Et se défendre contre l'homme face à lui, en était-il vraiment capable ?
Sûrement, il l'avait déjà fait une fois. Mais tout de même...

Enfin, Théo avait craché son venin, un peu comme un idiot, comme s'il n'avait pas passé deux jours dans une cave après l'avoir déjà craché. Il se traita d'ailleurs d'imbécile mentalement. Il aurait aimé que son esprit comprenne qu'il était en train de se mettre en danger.
Et de ne pas avoir envie de répliquer sur ce que Gregory venait de dire.

- Je sais peut-être pas qui tu es, mais....

Théophile s'arrêta rapidement là, avant d'en dire trop, et de se mettre encore dans des ennuis qu'il ne désirait pas. Il ferait mieux de partir, non ?
Mais quelque chose persistait en lui, à insistait sur le fait que peut-être, juste peut-être Gregory avait raison. Peut-être parce que ces derniers temps, Théophile s'en prenait plein la tête sans savoir tant se défendre. Que son détachement n'était plus, et qu'il était évident que la tranquilité ne viendrait jamais.
Il regretta ce qui voulu sortir de sa bouche, mais ne pu pas l'arrêter :

- Et même si je laissais ma puissance - soi-disant - venir, en quoi je serais tranquille ? Je ne vois pas pourquoi je devrais toujours répliquer avec brutalité. Je n'ai jamais trouvé que la violence était nécessaire.

Il fit une pause. Il était encore assis. Il se détestait de rester assis.

- Même si ces temps-ci j'ai l'impression que tout le monde me pousse à l'être. Violent.

Peut-être que c'était la solution. Il n'avait jamais essayé, parce qu'il avait toujours fui les conflits. Sauf qu'il avait cette impression que maintenant, il allait devoir affronter toujours plus de merdes, et que s'il voulait s'en sortir, il allait devoir arrêter de jouer à l'imbécile, et qu'apprendre à être plus fort et à se défendre, serait peut-être la solution idéale.
Il n'avait juste jamais vraiment essayé.
Ce qui le bloquait ainsi un peu. Parce qu'il n'avait aucune idée de quoi faire.

- Je ne te connais pas. Alors dit moi, est-ce que la violence a vraiment toujours résolu tes problèmes ?

Il testait. Et Théophile n'était pas sûr que ça soit une bonne idée.

Plus que parler de lui, Gregory renchérit le sujet sur Théophile qui fronça les sourcils. Ca n'était pas la première fois que le sorcier lui disait qu'il se restreignait. En fait, depuis qu'il s'était mis en tête de lui avoir donner des cours, Théophile savait que l'homme n'avait cessé de lui répéter ça. Mais ça l'avait énervé, parce que le fait qu'il avait un potentiel, tout ça tout ça, ça ne l'intéressait pas.
Mais ça c'était avant, qu'il s'en prenne plein la figure, en ne faisant que fuir. En comprenant qu'à force de fuir, il n'avait pas appris à se lâcher correctement.
Théophile garda le silence, et au lieu de se dire que son ex professeur ex employé, ex tout, mais surtout, éternel tortionnaire, avait tort, il lui donna raison. Peut-être que c'était vrai, et que l'heure n'était plus à la fuite, mais au conflit.

Il commençait à boire ses paroles, comme s'il s'accrochait à un espoir auquel il ne croyait plus. Se défendre, pour avoir la paix, se défendre, pour être tranquille, quitte à faire mal. La liberté semblait se tendre devant lui, et il avait envie de l'attraper.
Il regarda Gregory, en sentant quelque chose lui attraper le coeur pour le secouer dans tous les sens. Il oublia qu'il venait de passer deux jours dans une cave.
Se penchant presque vers celui qu'il haïssait, il semblait le voir comme une porte de secours.

- Et tu pourrais m'apprendre ça ? Réellement.... Pour que je puisse.... Arrêter de m'en prendre plein la gueule sans pouvoir rien faire ?

A cet instant, il aurait pu presque avoir les yeux brillants d'un espoir auquel il avait envie de s'accrocher. Si le choc de sa claustrophobie ne lui tordait pas encore les boyaux.

- Je te déteste, profondément, tu dois être la personne que je hais le plus, mais.... Tu pourrais m'apprendre ça ? Tu penses vraiment que je saurais me défendre ?

Dans sa voix, il y avait comme un ton de celui qui cherchait la liberté, et il était prêt à tout pour écouter la suite.

Il lui avait suffit d'un oui, pour que le trouble traverse ses yeux, mais que l'espoir lui saisisse comme jamais les tripes. Il eut l'impression de s'arrêter de respirer, pour mieux reprendre son souffle ensuite. Il y croyait maintenant, à ça, à ses paroles. Parce qu'il en avait besoin, en fait. Désespérement besoin. L'influence positive qu'avait sur lui, Antonella, n'agissait plus tant, n'agissait pas assez. Il lui fallait autre chose, pour se sentir plus libre de voler dans le ciel, pour se sentir à nouveau avec des ailes.
Etre réellement libre.
Dire cela à un oiseau qui se sentait enfermé, c'était comme lui donner la clé et le laisser dans un ciel béni et infini.

- Y mettre du mien...Si ça veut dire te supporter, je commence à m'y habituer, je pense pouvoir y arriver.

Maintenant il jouait du défi, et oubliait les conséquences, on lui avait parlé de liberté, alors à quoi bon les conséquences ?

- Je ne vois pas de quoi j'aurais besoin d'autre. Quitte à devoir te supporter, et à devoir t'écouter, du moment qu'à la fin...Je peux être réellement libre. Alors je t'écouterais.

Oui, l'oiseau s'accrochait pour s'envoler plus haut que jamais.
Sans savoir ce qui l'attendait, sans savoir ce qui se terrait au fond de lui, de cette futur force endormie qui s'apprêtait à se réveiller.