A cet instant, il aurait été idiot de ma part, de prétendre que j’étais sûr qu’il allait enfin arrêter de jouer à l’imbécile.
Parce qu’il comptait bien continuer, et ne jamais s’arrêter.
Je le laissais brailler, essuyant sa plainte d’un simple sourire, peut-être presque vide, juste patient. Non, jamais personne ne m’avait tenu tête.
Sauf lui, parce qu’il était fait de la même trempe que moi.

Il me renversa au sol, et je l’observais, en fronçant les sourcils. Pensait-il me faire peur ? Sincèrement ? A moi ?
D’autant qu’il semblait me prendre pour un idiot.
Je savais que je ne pus m’empêcher de sourire, en l’entendant dire qu’il me respectait. Oh, ce n’était pas un sourire moqueur, bien au contraire.
J’étais satisfait qu’il me dise ça.
Je le laissais passer sa rage sur moi, songeant au fait qu’il avait de la chance qu’il fût lui et pas un autre.
Mais la douleur qu’il me procurait, je la prenais comme un plaisir.

Peut-être que j’étais content de le voir.
Et ce, même si lui, il ne semblait pas si ravi que ça. Mais ca m’amusait de constater, combien nous étions similaires.

- Tu sais pertinemment, que je ne sais pas faire attention aux autres.

Même quand il s’agissait de personnes aussi importantes que mes bras droits. Je n’étais plus fait pour ça. L’empathie.
Ca ne m’avait jamais rien apporté de bon, alors je m’en étais débarrassé.

- Et je suis satisfait de cet effet secondaire.

Et enfin, je le revis, ce frère si attaché à moi.
Je devais avouer, que j’aimais être aimé, parce que…Parce que ça me faisait me sentir puissant, quelque part.
Et la puissance, c’est que je préférais, maintenant.
Je le regardais et soufflais, rapprochant mon visage de lui :

- Tu pouvais rentrer, tu sais ? Je veux dire, je suis pas quand même con au point de refuser qu’un des meilleurs éléments qui compose ce lieu, ne puisse revenir. Je te l’ai dit. Il n’y a qu’au moment où….Tu m’as énervé que j’ai refusé que tu reviennes.

Je soupirais un peu, le regardant bien plus profondément qu’on pouvait le penser.

- Tu es un idiot aussi, c’est ce que je dis.

Enfin, il m’était revenu, et semblait toujours me respecter. Pour le reste, lui réexpliquer le fond de ma pensée nous ferait nous batailler, et bien que j’adorais le sang, le meurtre, la guerre, je n’avais, là, qu’envie d’autre chose, bien plus intéressant. Eh, y avait pas que la douleur en enfer. Faut pas déconner non plus.
Je regardais sa main qui me serrait, et mis un de ses doigts dans ma bouche, un air presque de défi dans les yeux, retirant lentement le doigt :

- Tu veux qu’on rattrape le temps perdu ?

Je devais bien avouer, que ce regard, je le  détestais autant que je l’aimais.
C’était celui que j’avais dû envoyer à la tête de notre père. Celui qu’il m’envoyait comme s’il voulait se séparer de moi.
Je le haïssais pour ça.
C’était comme s’il me disait « Mais tu sais, je n’ai pas besoin de toi, tu n’es pas important »

Et au fond de moi, quelque chose se mettait à bouillir.
J’imaginais ce que le Papy là haut avait du ressentir.
Et moi, qui était la Punition, moi qui était l’inverse du Pardon, comment pouvais-je punir un de mes plus grands alliés ? Devais-je même le punir quand j’aimais cette idée de rebellion ?

A cet instant, je crois bien que j’ai haï Bélial si fort que j’aurais pu soit baiser ce corps qu’il possédait, soit le tuer sans même y réfléchir une seconde.

Mais il disparu à l’instant même où j’étais prêt à agir, sans savoir si mon acte serait positif ou négatif pour lui.
L’enfer du trembler ce jour là.

Pourtant, je ne pu m’empêcher d’écouter parler de ses exploits, ou plutôt de ses massacres si vous voulez. De ce qu’il faisait.
Je savais que ce n’était pas pour moi.
Mais tant pis. Ca me faisait plaisir. Au moins, il n’était pas devenu un idiot mièvre, comme l’enfant que j’eus conçu comme une erreur. Revoir Roch me donnait envie de massacre, mais revoir Bélial me manquait.

Alors, il y eut ce jour, où j’étais allé sur Terre, m’occuper un peu, acheter quelques âmes, m’amuser, provoquer un incendie, entendre les hurlements.
Je ne m’attendais pas à le voir, et surtout pas sur mon trône. Mais à peine avais-je eut l’idée de sonder ses pensées, que sa réelle intention se déclara par sa bouche.
Je l’observais, silencieux. Une partie de moi devait être ravi de le voir, mais j’étais Lucifer, j’étais celui qui ne se laissait pas marcher sur les pieds même par un casse pied adorant tout autant que moi de se rebeller, et j’étais bien décidé à m’exprimer.

- Alors qu’est ce que tu fais là ? Si tu t’ennuies, retourne faire joujou sur terre, retourne loin de moi. Je n’ai pas besoin de toi. Je peux me passer de toi.

Des années auparavant, j’aurais voulu lui dire de rester, mais j’avais compris que c’était idiot. Je m’étais fait à l’idée qu’il ne supportait pas l’enfer, à l’idée qu’il ne supportait pas que j’agisse sur lui comme j’agissais sur les autres démons.
Et je ne supportais pas qu’il puisse me résister.

- Dégage. C’est mon trône.

Alors au lieu de l’accueillir à bras ouvert, j’étais prêt à le dégager à coup de pied au cul.

Je le laissais déblatérer que j’avais besoin de lui, quand je savais que c’était faux. Je n’avais jamais eu besoin de son imagination pour changer les choses, et « sa candidature » était pitoyable, quand il osa prétendre pouvoir rendre l’endroit moins ennuyeux alors qu’il s’ennuyait sur Terre.
En plus, il osait imposer ses conditions.
Comme s’il avait le droit de revenir, de squatter son cul sur mon trône et de prétendre pouvoir m’aider.

Je croisais les bras, l’observant faire mumuse sur mon trône.
L’écoutant réclamer que jamais on ne lui marche dessus. De toute façon, une chose est sûre, cette condition, j’étais bien obligé de l’accepter, puisque Bélial se débattait sans cesse en refusant tout ce qu’on pouvait lui ordonner.
J’eus un sourire en coin quand il me désigna comme la personne qui s’imposait.
C’était mon travail, après tout.
Et mon devoir de grand frère non ?

Je le sondais, tandis qu’il se pensait malin et mystérieux.

- Tu penses pouvoir revenir, t’installer, et prétendre être de la plus grande utilité au monde, juste comme ça ?

Je savais que ma voix n’avait rien de sympathique. Mais je m’en fichais.

- Dis moi, Bélial, si tu t’ennuies tant sur la Terre et en Enfer, pourquoi tu ne retournerais pas au Paradis ? Là-bas, je connais un papi sûrement ravi de te faire un poney comme tu le désires.

Je me mis bien à sa hauteur, alors qu’il se marrait sûrement bien :

- La seule condition que je peux accepter, est celle qu’il m’est impossible de refuser. Après tout, je ne peux pas faire en sorte que je ne m’impose pas à toi, puisque tu n’en fais qu’à ta tête.

Je soupirais :

- Et bien que ça ne me déplaise pas totalement, je comprends parfois ce que l’autre là-haut à du ressentir quand on lui a dit qu’il était con. Toujours est-il que je ne te créerais rien du tout. Sauf peut être ton poney. Je vois déjà des poneys empaler des abrutis.

Je finis par conclure :

- Mais ne pense pas que j’ai besoin de toi. Je pourrais très bien te remplacer. Je connais même un démon qui serait ravi de ce fait.

Je songeais à ce démon, Paimon, qui ne cessait de me rendre service, et me cirer limite les chaussures.

Bélial se laissa tomber sur moi. J’aurais du le repousser. Du moins, j’aurais pu. J’aurais voulu. Il aurait été n’importe quel démon, que j’en aurais profité pour mettre fin à sa vie pour insubordination. Mais il était un de mes bras droits, et même le diable se retrouvait à offrir des traitements de faveur.
Je n’étais pas idiot au point de massacrer un de mes atouts principaux.
Mais je ne faisais pas non plus semblant.
Ce genre d‘émotions étaient désagréables. J’aurais préféré rester dans mon nuage de mal, de torture, de méchanceté, de cruauté, de vilénie.
Pas à me radoucir parce que j’avais un frère auquel je tenais.
Je l’écoutais se plaindre, de comment je pouvais le décrire. Et j’avais envie de lui hurler qu’il se trompait et qu’il n’était qu’un idiot, mais il l’avait dit lui-même.
Je ne choisissais pas mes bras droits au hasard. Encore moins lui, qui était le premier. Et c’est moi qui avais voulu le remplacer.
Mais j’étais en colère, j’étais vexé qu’il me traite ainsi. Il voulait du respect, quand j’avais l’impression que je n’étais rien pour lui.

Je l’écoutais encore se plaindre, et pourtant, je me sentais heureux.
Parce que là, il sembla enfin… Dire qu’il m’aimait juste un peu. Et bordel, pour quelqu’un qui avait un égo surdimensionné, cela faisait toujours du bien, non ?
Et plus si affinité. Je savais qu’il n’y avait pas que mon égo qui jouait, mais ça, personne n’avait besoin de le savoir, et surtout pas moi.
Je détestais les sentiments. C’était idiot. C’était une chose dont j’avais cru être débarrassé à force d’être le feu de l’enfer. Cela faisait de moi plus faible que jamais.
Je détestais tellement ça.

- Oui, tu es un idiot. Je te respecte. Tu n’es pas un pion. Et tu sais très bien que pour que je respecte quelqu’un… Mais toi, toi, on aurait dit que tu n’en avais rien à foutre de moi. Tu faisais ta crise. J’aimais ça autant que je le détestais. Mais tu continuais.

Je ne poursuivis pas, alors que j’aurais pu dire tant de choses. Mais plus encore qu’en avoir, je détestais exprimer mes sentiments.

- Donc arrête de faire l’andouille. Tu es à mes ordres si tu veux, ou si c’est vraiment important. Tu l’as dit toi-même. On retient pas la révolution. Contente-toi de soulager de temps en temps mon égo.

Je fis un silence :
- On peut s’envoyer en l’air, maintenant, où tu vas encore partir comme un con ?

Et soudain, au lieu de continuer, il se tait.
J’en ressens un soulagement, et ne me préoccupe pas plus que ça du reste. Et en même temps, je ne trouve pas ça normal. Il ne faut pas croire que je suis juste un roi qui ne s’intéresse pas à ses sujets, et encore moins à celui qui n’est même pas tant un sujet, qu’un atout majeur à tout ce que je pourrais construire.
Je l’observe se déshabiller et bien que j’en profite pour le mater, et me donner envie, je le plaque aussitôt contre le sol, me mettant au dessus de lui.

- Je n’aime pas quand tu penses que tu n’as aucune importance pour moi et que tu piailles. Mais je crois que j’aime encore moins quand tu te plies comme ça.

Je l’observe de long en large. Et pas que physiquement.

- Même si j’ai très envie de te prendre là maintenant. Mais pas comme ça, merde.

Je pourrais pourtant le violer sur place, je le faisais parfois, avec des démons. Mais des démons que je méprisais, que je n’aimais pas. Ou des humains, en général, vu que je ne les aimais pas de toute façon. Pas avec lui, il n’y avait aucun plaisir à ça.

- Tu fais chier Bélial. Si j’avais voulu que tu sois à mes ordres, ça ferait longtemps que je serais venu te chercher. Mais t’es un de mes bras droits, alors tu fais bien ce que tu veux, vu que je te fais confiance. Juste que… Ouais, j’ai pas aimé que tu partes comme ça.

Je ne le touchais pas plus, me relevant. Tout le désir que je pouvais avoir était redescendu direct. J’avais envie de prendre mon pied moi. Pas qu’il se soumette comme ça.

- Mais la prochaine fois, demande des trucs plus probables et moins chiants.

Là je sous-entendais que ces conditions m’emmerdaient, voilà tout.