Le temps passe lentement entre ces murs quand il n’y a pas cours, je m’ennuie. Et qu’est-ce que je fais quand je m’ennuie ? Je mange. Seulement, mon armoire est désespérément vide de nourriture. Il va falloir que j’aille m’acheter de quoi me restaurer. Je soupire longuement et retourne à mon bureau pour ranger mon journal intime et mes croquis. Je ferme à clé le tiroir et glisse la clé autour de mon cou. Un collier reste un collier après tout. Qui cela intéresse ? J’enfile une tenue plus décente composée d’un jean Skinny et d’un col roulé ayant appartenu à mon défunt fiancé. Je prends mon carnet de notes, au cas où quelqu’un souhaiterait me parler, et sors de ma chambre. Les couloirs sont presque vidés de leur monde. Il y a des filles qui commèrent, des garçons qui testent leurs virilités et puis il y a ceux que j’appelle les autres : les couples d’amoureux. Je ne sais pas si c’est de la jalousie que je ressens à leur égard, ou bien si cela me rappelle mon tendre amour. Dans les deux cas, je n’aime pas ce que je ressens. J’accélère le pas et me retrouve rapidement à la cafétériat. Il n’y a personne et c’est tant mieux. Je m’approche du comptoir et remplis mon assiette de diverses choses. Des légumes, des frites, des pâtes et de la viande. Sans oublier la sauce mayonnaise que j’affectionne tout particulièrement. J’ai chipé un soda au passage, j’espère que l’on ne m’en tiendra pas rigueur. Je commence à manger, me perdant progressivement dans mes pensées les plus sombres. J’ai failli tuer Théophile l’autre fois et je culpabilise comme jamais. J’irais le voir après le dîner pour savoir comment il va. J’espère sincèrement qu’il va bien. Mon assiette s’est vite vidée et je la débarrasse avant de revenir à ma place. Je sors mon carnet et fais quelques gribouilles avant que l’on vienne me déranger : Hey ! C'est toi qui est muet par choix, hein ? Dis, pourquoi tu es muet ? C'est idiot comme choix de vie, si tu veux mon avis. Ça va mal s'exprimer. Comment tu fais pour dire quelque chose ? Ou bien répondre aux questions des professeurs ? T'as pas envie de parler parfois ? Moi, je trouverais ça vraiment dur pas parler pendant rien qu'une heure alors toi ! Tu es vraiment courageux de faire ça. J’ouvre de grands yeux ronds. Ce gamin a un débit de paroles impressionnant. Je n’aime pas quand on me pose des questions mais, je ne vais pas non-plus le refouler. Ce n’est qu’un gosse, et les gosses sont généralement très curieux. Je soupire un moment puis commence à noter les réponses à ses questions : Les psychologues disent que c’est une sorte de défense qui s’est établie. C’est dans ma tête. Il ne me semble pas t’avoir demandé ton avis à ce sujet, je pense que chacun est libre d’agir comme il l’entend. Néanmoins, c’est normal que tu te pose ces questions, tu es visiblement un garçon très bavard et curieux, ce qui est bien pour ton âge. Quand je veux dire quelque chose, je l’écris ou alors, je fais ça… Je lui tends mon carnet et fais apparaître dans la paume de ma main le mot “BOUH !” en lettres de feu. Je souris au jeune garçon et réponds à sa dernière question quant à mon envie de parler un “NON” toujours en lettres de feu.