Winter Ma nouvelle existence poursuivait son cours. Je ne connaissais pas encore énormément de gens à l'Institut, mais l'essentiel était que je me sentais particulièrement bien, je m'acceptais enfin moi-même, et cela faisait bien longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi sereine intérieurement.
Cependant, la solitude était toujours présente, ma timidité ne disparaissant pas uniquement parce que j'étais enfin acceptée en tant que sorcière. La vie n'était pas faite ainsi, les gens ne changeaient pas d'attitude uniquement parce qu'ils changeaient d'environnement. Moi, j'étais née avec une timidité maladive, qui faisait en sorte que je sois souvent isolée du reste du monde. Quelque part, cela me plaisait car au moins, je n'avais pas à faire attention à ce que je ressentais, et d'un autre côté, je me sentais vide, à croire que ma langue était rouillée à tel point que je ne pouvais plus parler à quiconque. Bien entendu, je faisais des efforts pour répondre en classe, ou avoir une discussion constructive avec mes professeurs, mais avec les élèves, c'était différent.  

C'est pourquoi, ce ne fut que lorsque la cour de l'Institut fut vide que je me décidais à pointer mon nez. Le froid était présent en ces temps-ci, mais était tout à fait supportable. Je m'avançais lentement alors que je me disais que j'étais pitoyable de ne pas pouvoir aller à des endroits où d'autres gens aimaient allés, lorsqu'ils y étaient. Et plus j'avançais, plus mes pas laissaient des traces de givre derrière moi, une petite tempête de neige déferlant sur le haut de mon crâne. Et puis, c'est là que me vins cette idée. Je décidais donc de me concentrer afin de faire tomber de la neige sur une petite partie de la cour, ainsi, je pourrais m'allonger dedans afin de ne plus avoir à réfléchir d'où j'irais. Je voulais me refroidir, ressentir le picotement glacé du froid me picorer les doigts. Je voulais que l'hiver soit là, encore, et je voulais sentir les flocons de neige parsemer ma peau avec douceur.

Allongée dans la neige, j'observais le petit nuage qui recouvrait mon corps. Il était beau ce petit nuage là. Il représentait mes émotions, il signifiait que j'étais vivante, bien là, physiquement présente. Et alors que je laissais échapper un soupir de plénitude, de mes membres, je traçais un ange de neige avec amusement.

Winter Sans que je ne m'en aperçoive, une autre forme de vie que la mienne était entrée dans la forteresse de solitude que je m'étais construite. Sa voix avait résonné dans le silence comme un lointain appel, me ramenant à la réalité.

J'ouvris les yeux brusquement, alors que le jeune homme s'était saisi fermement de mon corps afin de le secouer avec ardeur, tandis qu'il me demandait, ou plutôt m'ordonnait de réagir. Mes mains se posèrent alors sur les avants-bras du garçon, et instantanément, la neige que j'avais créé disparue en un instant, comme si jamais elle n'était tombée au dessus de nos têtes.

Mes yeux bleus électriques se posèrent sur les siens, et je devinais une certaine frayeur dans le regard du garçon, qui devait à peine être plus âgé que moi. C'était la première fois que je laissais quelqu'un m'approcher d'aussi près, et c'était même, la première fois, que j'entrai en contact avec un autre individu de mon plein gré. Il m'avait certes sortie de ma torpeur alors que je n'en avais pas conscience, mais mes mains elles, avaient toujours été sous mon contrôle.

Indécise, je ne savais pas encore s'il fallait que je lui demande de s'éloigner, ou si je devais me montrer aimable, agréable à côtoyer. Et puis je me rappelai que sans lui, j'aurais certainement finie suffocante dans la neige, morte de froid par mon propre pouvoir qui s'était inconsciemment retourné contre moi. Pouvait-on parler de suicide dans ces cas là ? Je n'en avais aucune idée, tout ce que je savais, c'était que j'avais eu le désir de ressentir ce froid intense, comme pour mieux me sentir vivante par la suite.

Et en cette heure matinale, j'étais étrangement agréablement surprise de découvrir que quelqu'un d'autre que moi était déjà debout. Je me relevais lentement sur mes jambes, puis observa le garçon en laissant apparaître un sourire sur mes lèvres bleutée par le froid.

- Ne vous inquiétez donc pas. Le temps au dessus de ma tête varie selon mes humeurs, il ne faut pas en tenir compte. Navrée de vous avoir inquiété.

Et alors que je réalisais que le jeune homme avait eu une once d'inquiétude pour moi, je sentie alors la culpabilité me saisir de plein fouet. Je n'avais pas l'habitude que l'on me remarque, or, ici, j'avais l'impression que ce serait le contraire. Et alors que je désirais voir le regard de mon interlocuteur s'adoucir pour montrer un soulagement palpable, un nuage se forma au dessus de nous, laissant s'abattre une petite pluie printanière au dessus de nos tête.

- Je suis réellement confuse...

Immédiatement, j'ôtais ma veste de mes épaules et me rapprocha du garçon que je devinais être étudiant, afin de nous protéger, lui et moi, de l'averse qui illustrait ma culpabilité qui s'était alors décuplée au centième. J'observais le garçon, tout en tentant de ma calmer. L'heure était alors à la discussion, maintenant qu'il l'avait engagée.

-  Blue James... Navrée pour cette pitoyable rencontre.

Winter Alors que le garçon posa sa veste sur mes épaules, mon côté fleur bleue refit subitement surface, m'annonçant avec excitation que cette rencontre sonnait comme le début d'un film romantique. Je me pinçais les lèvres puis laissa un léger sourire apparaître sur mes lèvres. Il était la première personne que je rencontrais mis à part les professeurs. Et alors que j'ouvris la bouche afin de pouvoir discuter de nouveau avec le garçon, celui-ci fit apparaître un parapluie.

Émerveillée, je laissais échapper un souffle d'excitation. Le jeune homme laissa l'objet se déployer au dessus de nos têtes afin de nous protéger de la création que j'avais produite avec mon pouvoir.

Suite à cela, le jeune homme se présenta, m'annonçant que cela ne faisait rien si j'avais causé une frayeur improbable à celui-ci. Je me pinçais de nouveau les lèvres. Jack, il avait un nom commun, mais cela lui allait si bien qu'il en devenait tout de suite plus intéressant.  C'est alors qu'il me demanda ce que signifiait la pluie.

Et alors que je réfléchissais à ce qu'elle voulait dire, à la culpabilité que j'avais ressenti peu de temps auparavant, je me rendis compte que finalement, suite à ce que le garçon avait dit, je ne me sentais plus du tout coupable. Je me sentais même plutôt bien, d'être acceptée ainsi. Alors qu'un sourire se dessina de nouveau sur mon visage, la pluie et le nuage disparurent pour laisser apparaître un halo de lumière si lumineux qu'il traversait partiellement les fibres du parapluie que le garçon avait dressé au dessus de nos têtes.

La tempête étant terminée, je me suis retirée de l'emprise du garçon afin de pouvoir profiter de cet instant de pur bonheur. Souriante, j'invitais Jack a faire disparaître son parapluie afin que lui aussi, puisse se réjouir des beaux jours.

- Eh bien... La pluie, c'est lorsque je suis triste, ou que je souffre de culpabilité, c'est très... enfin... c'est assez... particulier, il faut déchiffrer. Moi-même je subis mes émotions comme vous le voyez.  

Mais alors que le jeune homme écoutait ce que j'avais à dire, je marquais un temps de pause afin de replacer une mèche derrière mon oreille. Je plongeais dans la contemplation de ses iris.

- C'est la première fois que je rencontre un... jeune qui ne me repousse pas et qui comprend mon pouvoir.

Winter Alors que le jeune homme exprima l'idée qu'il pensait mon pouvoir incroyable, je ne pus m'empêcher de me dire qu'il avait probablement raison. Mon regard se plongea de nouveau dans le sien, et un sourire léger se dessina sur le coin de ma bouche.

Le garçon me mettait suffisamment à l'aise pour que je me détende quelques peu. Et alors que je regardais autour de moi, je m'aperçue soudainement que le jour se levait petit à petit, offrant alors une vue imprenable sur un ciel légèrement rosé. Le parc semblait sublime en cette clarté, les légers rayons du soleil s'immisçant entre les enchevêtrements de branches comme des milliers de petits diamants scintillants.

Et alors qu'un soupir de soulagement s'extirpa de ma bouche, et que mon regard se posait de nouveau vers l'imposant jeune homme, qui entrait si simplement dans mon champ de vision. Il semblait attendre ma réponse patiemment.

" Je... Vous trouvez ? Moi... Je... Enfin je trouve cela incommodant. "

En effet, aux yeux des simples mortels, mon pouvoir était perçu comme un affront à la nature. Ma capacité à changer le temps qu'il faisait venait à l'encontre de ce que les gens appelaient, l'humeur divine. Mes émotions étant plus forte que les fabulations, je pouvais aisément effacer les humeurs du tout puissant en les dissimulant sous les miennes.

Pendant un petit instant nous nous sommes tus, mais le silence qui s'était imposé entre nous ne me paraissait pas dérangeant. Je le découvrais du regard, me demandant si ce garçon était comme moi, ou s'il était un autre genre de personne.

Mais alors que je contemplais avec insistance le garçon, celui-ci ouvrit la bouche afin de me demander si j'avais froid. Je fis non de la tête tout en le remerciant de s'en inquiéter, puis il enchaîna par une question. Ainsi, il se posait la même question que moi, cependant, lui semblait être plus curieux, beaucoup moins réservé que moi.  

Et alors qu'un sourire se dessinait une fois de plus sur mes lèvres qui reprenaient légèrement de la couleur, mon pouvoir cessa d'apparaître au dessus de mon crâne, à présent que je me sentais à l'aise et en toute sécurité.

" Non, je ne suis pas de ce genre là... Je suis plutôt, une sorcière. Et vous ? "

S'il s'avérait qu'il était également un individu de type sorcier, et qu'il possédait sensiblement le même âge que moi, alors il était fort probable pour que nous soyons destinés à être dans la même classe à l'Institut, et donc, à nous revoir. Ce qui provoqua encore une fois un sourire sur mon visage. J'étais consciente que cela pouvait paraître étrange, un peu fleur bleue, mais loin de moi l'idée de tenter une approche intime, étant donné que ce n'était pas mon genre, et que, de toute façon, ce n'était pas le genre de choses que l'on faisait lorsque l'on venait de rencontrer quelqu'un, et de toute façon, je me maudissais d'avoir pensé à une chose pareille. Je souhaitais simplement faire connaissance avec quelqu'un que je serais amenée à revoir, me faire un cercle d'amis, être une personne parmi tant d'autres...

Winter Le jeune homme était alors lui aussi un sorcier... Je ne l'avais pourtant pas vu en cours... Il fallait dire aussi, que je ne faisais pas attention à grand monde ici encore, et je n'étais là que depuis quelques jours...

Le jeune homme m'enlaça alors, surprise, je ne sus quoi répliquer, je me laissais faire, profitant de cet acte d'intimité qui semblait alors si anodin, si innocent... Et il l'était... Vraiment. Jack m'attrapa alors les mains afin d'exprimer son sentiment de bonheur.

Et je ne pus m'empêcher de sourire, moi aussi, j'étais heureuse de rencontrer un sorcier... Il était le premier sorcier que je connaissais mis à part ma famille. Il était le premier sorcier de mon âge que j'étais en mesure de côtoyer.

Mais alors qu'il relâcha mes mains tandis qu'il les observait, il se releva afin d'épousseter son pantalon, et de m'annoncer que mes mains étaient froides, tellement froides que ça en avait l'air inquiétant. Je me relevais à mon tour, observant longuement le jeune homme, puis acquiesça d'une signe de tête. Un café, un chocolat, un thé, tant que c'était chaud, je me disais que ça en vaudrait la peine... Et puis, en si bonne compagnie, je me devais de me montrer agréable, et disponible afin de pouvoir continuer à discuter.  

Je dépassais le jeune homme afin de prendre la route et aller au centre de Jacksonville. Mon coeur s'emballait, c'était la première fois que j'allais sortir de l'Institut depuis que j'y était entré, et cela m'emplissait de joie. Et soudainement, un détail me marqua, le jeune homme m'avait tutoyé. Comme si la barrière entre nous s'était dissipée comme si d'un seul coup, nous étions de la même "famille".

" Je ne t'ai jamais vu ici... Tu ne vis pas à l'Institut ? "