J’aimais le silence. J’aimais aussi beaucoup parler, mais mine de rien, le silence à écouter c’est très agréable. Parce qu’il n’y a rien d’autre que votre souffle, et celui du type dans la chambre à côté qui pionce.
Je n’étais pas chez moi, parce que chez moi, je vis seule. J’étais chez quelqu’un d’autre. J’étais venu chez lui aujourd’hui, et bon sang, non seulement sa tarte aux pommes était super bonne, mais en plus, il avait un super tableau. Pas que j’adorais l’art, mais juste que je savais que je trouverais des gens qui tueraient pour avoir ce tableau. Et voir des gens s’entretuer, ça peut toujours être quelque chose d’amusant à regarder, avec du pop corn dans les mains – avec double dose de sucre, s’il vous plait. –

J’étais des plus discrètes, savourant ce silence, attentive au moindre bruit, prêt à disparaître. Je songeais au fait que vu que le type dormait bien profondément, je pouvais toujours en profiter, et me dirigeait vers sa cuisine. Restait-il un peu de tarte aux pommes ? Avant de partir de chez lui, tout à l’heure j’avais vu qu’il en restait des morceaux. Avec un peu de chance il n’avait pas mangé le reste. J’ouvrais le frigo, plissait les yeux. Mon dieu, ce type n’avait aucun goût. Il y avait bien trop de salade, de légumes, de salade, et de fruits dans ce maudit frigo.
Mais. Il restait de la tarte aux pommes. Parfait. Je me saisis de celle-ci, et l’enfournait dans ma bouche. Bon. Maintenant le tableau… Où se trouvait-il déjà ? Ah oui, dans le salon.

Je rentrais donc dans celui-ci, et alors que j’allais vers le tableau, un morceau de tarte dans la bouche, j’entendis quelque chose. Je me tournais instinctivement vers le bruit, et vit une silhouette pénétrer dans la pièce.
Oh non. Voilà qu’une autre personne s’étais mise en tête de cambrioler la baraque. Même si personnellement, je voulais juste le tableau.
Je retirais le morceau de ma bouche.

- Mais c’est pas vrai ! C’est déjà occupé ici. Allez ouste.

Je n’avais pas été très poli, mais tant pis. S’il voulait je pourrais lui indiquer où se trouvait le frigo. Mais c’est tout ! Pas question que je partage le tableau.

En plus de venir marcher sur mes plates-bandes, ce type osait me répondre comme à un chien. Oh ! Qu’il était odieux ! Okay, je l’avais été aussi, mais c’était pas une raison pour l’être avec moi ! J’avais fortement envie de lui faire comprendre qui avait l’avantage ici. Il avait de la chance que la tarte aux pommes calme mes pulsions, sinon, cela ferait longtemps que je l’aurait fait cramer. Même si je trouvais ça parfaitement peu intéressant à regarder. Je songeais à fouiner dans ses pensées pour trouver un truc croustillant à lui dire. Mais avant que je puisse m’y atteler et m’amuser un peu, ce cambrioleur de mesdeux décida de m’annoncer que lui, il voulait une balle de base-ball.
Je lui ris au nez. Une balle de base-ball. Qu’est ce que c’était minable. Enfin, cela dépendait pour qui. Mais ça voulait dire que ce crétin ne désirait pas se procurer le tableau que je convoitais :

- Pff… pouffais-je encore de rire : Prends toutes les balles que tu veux, gamin.

Je m’approchais à nouveau du tableau qui m’intéressait. Personnellement je le trouvais laid à mourir. J’ignorais ce que les gens avaient à adorer l’art « contemporain », comme ils disaient. J’étais né lors de l’avènement des belles peintures, et bien que je n’aie jamais vécu en France où ça y allait avec les peintures des grands maîtres, je devais reconnaître que j’adorais les anciens mouvements artistiques. Beaucoup plus représentatif de quelque chose que cette vieille croûte qui se tenait face à moi.

- Et sache, sale morveux qui vient empièter sur mes plates bandes, que ce ne sont pas des simples dessins.

Je me saisissais du tableau. Il n’était pas léger, mais je n’étais pas humaine. On se compensait parfaitement tous les deux, n’est-ce-pas ?
Sauf qu’au moment où je le fis, j’entendis un bruit. Oh non. A râler après ce jeune impétueux venu m’embêter quand j’étais tranquille, on avait réveillé toute la maisonnée. Enfin, la maisonnée qui ne contenait qu’un type mal luné bien que poli.

- Punaise ! Gamin, le proprio va débarquer, t’as intérêt à jouer au ninja !

Moi, je reposais le tableau, et me téléportait dans le placard juste à côté. Comme j’aimais ce pouvoir quand je commettais un vol. Il me suffisait parfois de mettre ma main dans une poche, de me saisir d’un bien, et pouf. Je disparaissais de la vue de son propriétaire.
En parlant de proprio, celui-ci sembla entrer dans la pièce. Je ne savais pas si l’autre avait eut le temps de se cacher.

Qu’est ce que les humains avaient avec le fait d’être traité de gamins ? Ils étaient des gamins, ils étaient tous plus jeunes que moi ! Bon sauf s’ils étaient immortels, mais ça cours pas les rues, alors… Tant qu’ils avaient moins de 156 ans, pour moi, c’étaient des gamins, point. Enfin bref, voilà que ce morveux osa juger de mes merveilleux gouts en vol. Cela se voyait qu’il n’y connaissait rien. Honnêtement, je m’en moquais de cette croûte, moi je voulais voir la discorde se créer avec elle. Et bien sûr que non que ce truc n’était pas pour moi. Pour le coup, j’étais un peu d’accord avec lui. Même s’il ignorait sûrement le prix de ce tableau.

Enfin bref, voilà que monsieur le propriétaire avait décidé à se réveiller, et que j’avais terminé dans le placard. Par curiosité j’observai où pouvait se trouver l’autre, et était surpris de ne pas le trouver. Hum. Il n’avait rien d’un démon pourtant. Peut-être était-il vraiment un ninja finalement. Ou était-ce un mutant avec un pouvoir d’invisibilité. C’était possible aussi. J’avais remarqué qu’à Jacksonville, les mutants et les sorciers étaient là en profusion. Faudrait d’ailleurs que je résolve cet étrange mystère.

J’observais ce crétin tenter de trouver l’origine du bruit. Je m’amusa à lire dans ses pensées. J’y perçu un doute, et quand je compris qu’il allait pour comprendre qu’il y avait des voleurs chez lui, je me décidais d’agir. Oh, je n’allais pas le cramer. Ca serait bien trop dommage : il voudrait sûrement récupérer son tableau, donc, plus tard, il deviendrait bien amusant.
A la place, j’ouvris violemment le placard quand il passa devant. Cela suffit à l’assommer sur le coup. Je souris, fière de moi, et sortit de ma cachette.

- Bien fait. T’avais qu’à pas avoir de doutes.

Je ne savais pas où était le gamin, mais je m’en fichais bien. Je tapais dans mes mains, satisfaite de mon travail, et retournait à mon tableau. Je sentais que l’autre voleur était encore là, et j’aimais bien causer :

- Ce tableau vaut sûrement plus que ta minable petite balle. Mais que veux-tu, les gamins aiment jouer à la baballe, et les grands aiment embêter les autres grands.

Je souris. J’allais vraiment m’amuser avec mon plan. Je soulevais à nouveau le tableau.

- Mais c’est bien que tu préfères les balles. C’est bien. Ca t’évite de m’énerver.