J’aimais me faire appeler Luciano. Prétendre que je n’étais pas celui que tout le monde redoutait, que tout le monde détestait. J’étais le geeeentil Luciano, avec tant de bonnes idées.
Et puis, pour certaines personnes, j’étais Lucifer. Oh. J’adorais être Lucifer. C’était quelque chose d’unique, que personne ne pouvait essayer de copier, parce que personne n’était comme moi. Je savais que parmi mes démons, certains venaient du même endroit que moi, mais ils étaient si rares. Et si inférieurs à moi.
Je m’intéressais aux humains, pour pouvoir mieux les détruire, pour pouvoir mieux les massacrer un par un. Mais je n’oubliais jamais une chose : récupérer leur âme est ce qu’il y avait de plus jouissif.
Parce que Dieu s’en mordait les doigts, ou même, que c’est ce qu’il voulait.

Donc, devant cette fille, au nom tout particulièrement attrayant, je m’étais présenté sans chichis. J’étais Lucifer, tu sais celui qu’on invoque durant les Sabbats, même si vous ne faites plus vraiment de Sabbats de nos jours.
C’était une sorcière, c’était une albinos, et elle avait un potentiel de terminer en Enfer, parfaitement édifiant.
Donc. Je lui avait rendu visite.
Pas à l’Institut, pour ce lieu, j’avais un autre plan.
Non, j’avais attendu qu’elle soit en extérieur. Je l’attrapais par l’épaule :

- Heeeey ! Je suis content de te voir.

Pour m’amuser un peu ? J’étais toujours content de voir les insectes.

Cette fille était étrangement intéressante à sa façon. Outre le fait que j’étais persuadé que son âme m’appartiendrait un jour, elle avait cette façon de me voir comme « un ami », qui m’amusait. Cet insecte devait être persuadé que je pouvais l’apprécier, ou qu’elle avait le droit de trainer avec moi comme si on était potes. Enfin, je ne la détrompais pas réellement, bien qu’à mes yeux elle n’était rien de plus qu’un marche pied amusant à corrompre toujours plus.
Quand elle me demanda si j’avais des projets pour elle, je haussais les épaules :

- On peut toujours voir pour s’amuser tous les deux.

S’amuser avec moi sous-entendait bien évidemment bien plus que ça.

- Tu as des envies particulières ? Je peux te montrer des choses merveilleuses. T’apprendre par exemple comment transformer un humain en pantin. Avec les incantations que tu peux posséder, je suis sûr que ça pourrait vite devenir un régal.

Voir un humain se mettre à bouger contre sa volonté, le voir devoir faire quelque dont il n’a pas envie, et finir par sentir qu’il y prend plaisir à se laisser manipuler – tout y est beaucoup plus facile – était très amusant. Et si cette fille apprenait à maitriser des incantations pour le faire, alors ça pourrait toujours être un plaisir de le faire avec elle. Même si personnellement, je n’avais besoin que d’un coup d’œil et d’un geste de la main pour m’occuper de ça.  

Une fois que j’eus appris à celle qui me suivait, à s’amuser de l’esprit des humains avec une incantation, je me doutais qu’elle aurait sûrement un peu de mal. Sans me manifester réellement, je poussais ses pouvoirs vers le haut, pour être sûr de ne pas perdre de temps.
Je vis donc devant moi, un homme se mettre à hurler une stupidité avant de se mettre par terre et prétendre vouloir être un ver de terre.
Bien évidemment, la réaction ne se fit pas attendre, puisqu’immédiatement les gens autour de lui le regardèrent avec une surprise non feinte, et une certaine frayeur.
Seulement, je ne trouvais pas cela assez distrayant à mon goût. Nous étions dans la cour des grands, pas celle de récréation.
Agitant mon doigt, fixant son voisin de bureau, je le fis révéler toutes les horreurs qu’il avait pu faire dans sa vie. J’avais bien évidemment fait le bon choix, puisqu’il se mit alors à parler de sa cousine avec qui il avait couché, et qu’il rêvait de se faire sa propre mère, etc… Enfin, il attrapa son ordinateur, et l’envoya dans la tête d’une personne voulant l’arrêter, provoquant des étincelles d’électricités.
C’était cela, que j’appelais m’amuser. Semer la discorde, pas transformer quelqu’un en un stupide pantin idiot déblatérant des âneries.

- Continuons jusqu’à ce que le chaos soit le seul maître.

Je commençais alors à rendre fou toutes les personnes dont elle ne s’occuperait pas. Ceux qui n’y étaient pas encore passé, tentaient de fuir, mais à ce moment là je les faisais se jeter par la fenêtre.
Je m’amusais comme un fou.

Elle riait et je l’entendais. C’était parfait. Moi je m’amusais bien. Mais quand je paru prendre les rênes, elle sembla soudain s’arrêter. J’étais tellement pris dans mon truc que je mis un peu de temps avant de me retourner, et de la voir assise par terre à lire.
Je stoppais soudain ce que je faisais pour la soulever brusquement par le col :

- Quoi ? Tu ne t’amuses plus ? Qu’est ce qu’il y a ?

Je la regardais, tapotant sa tête :

- Tu veux voir ce que ça fait aussi ? Hein ?

Non parce que si elle me faisait perdre mon temps à s’ennuyer, je pouvais très bien la faire participer aussi.

- C’est trop pour toi ? Tu préfères que ça soit ridicule ? Je n’aime pas le ridicule. Ou pas longtemps. J’aime quand les humains s’encastrent dans une fenêtre plus que quand ils jouent plus les abrutis qu’ils ne le sont déjà

Je n’étais pas là pour faire le clown. J’étais là pour faire souffrir.

L’avantage de cette fille – tout du moins pour elle – était qu’elle n’avait strictement rien à faire du fait que j’étais Lucifer, et se comportait avec moi comme si je n’étais qu’une simple personne. Cela était tellement surprenant, que je la laissait faire, bien que je savais que si elle allait trop loin, j’allais en faire de la chair à pâtée.
Toujours est-il que cette fille s’emporta dans un discours légèrement étrange et distordu, que je compris sans peine. En gros, elle râlait. Soi-disant que ça allait trop vite. Ca pouvait aller vite si je le voulais. Et puis ça n’était pas comme s’il ne restait plus personne.
Je l’observais, amusé de voir combien cette humaine n’en avait rien à faire des autres qui l’entouraient. C’était plus cela qui m’amusait, que le fait qu’elle se plaigne de ne rien avoir à faire. J’avais l’impression qu’elle serait tout aussi douée pour jouer seule – avec mon aide quand même, sinon il n’y avait aucun intérêt –
- Bien, bien… Si tu le dis. Regarde, ils ne sont pas tous morts.
Je pointais du doigt des blessés, plus ou moins grave

- Je trouve juste que c’est une perte de temps que de passer d’abord par l’étape du ridicule. Les punaises et l’arrachage de peau, ça je veux bien. Mais un humain ridicule n’est pas forcément drôle.

Il est juste pathétique.
Je soignais des « pauvres victimes » et lui montrait celles-ci :

- Allez, vas-y, fait mumuse.

J’avais encore quelques personnes pour moi. J’en attrapais d’ailleurs une au vol, tandis qu’elle était entrain de mourir.

Je prenais des notes mentales sur cette fille qui paraissait alors s’offrir devant elle, un avenir glorieux une fois qu’elle terminerait en enfer. J’attendais avec presque impatience le jour où cela allait arriver.
J’observais le massacre qu’elle causa, avec cette homme qui tenta de s’arracher le cœur de lui-même. Je me délectais de la scène, de la souffrance qu’il devait ressentir, de ce qui se produisait autour. Je restais spectateur, la laissant arracher le cœur.
Je souriais. J’aimais ça. J’aimais ce que je voyais. C’était imaginatif, ludique et intéressant. Je riais tout autant qu’elle, pris d’une crise de fou rire que je n’arrêterais pour rien au monde.

Enfin, je me tournais vers elle, rapprochant très près mon visage du sien.

- Tu es sûr de ne pas vouloir rejoindre l’enfer maintenant ?

Je pourrais – et d’autres que moi – lui montrer tant de choses. Des choses attrayantes, de quoi raviver son esprit paraissant si imaginatif.

- Je pense qu’on s’est bien amusé. Ce pourquoi je dis ça. Maintenant…Même s’ils ne nous verront pas, il vaudrait mieux partir avant l’arrivée de la police. Sauf si cela te dit de les observer se débrouiller avec ce que l’on a provoqué.

Ils n’y comprendraient sûrement rien, et c’était ça, qui était bien.

J’étais quelqu’un de très clément, quand on y pense. J’aurais pu parfaitement arracher son âme, là maintenant, et l’embarquer avec moi pour aller voir ailleurs en enfer si c’était plus chouette.
Mais… Je lui laissais encore le choix. Pour le moment.

Quand la police approchait, elle me demanda ce qu’elle voulait faire. En somme, les gens ne nous voyaient toujours pas.

- Comme je te l’ai dit, on peut regarder la police s’amuser à retrouver le coupable, alors qu’on sera juste à côté d’eux et qu’ils ne nous verront pas…Ou bien, je peux te ramener là où je t’ai vu.

C’était elle qui voyait. Pour le coup, je lui laissais le choix, c’était toujours très chouette de ma part, non ?