Si Jacksonville pouvait avoir un certain mérite, c’était qu’elle était toujours animée de jour comme de nuit. Certains quartiers étaient plus calmes, évidemment. Mais il y avait toujours quelque chose à faire au bout du compte. Il fallait juste savoir où chercher… Et Claunech avait jeté son dévolu sur un quartier mi-urbain, mi-rural, aujourd’hui. D’un côté, on pouvait voir un espace plus commercial avec toute sorte de magasins. Et de l’autre, on pouvait voir peut-être un milieu plus sauvage avec des parcs qui parsemaient de temps à autre Jacksonville.

Quoi qu’il en soit,  Claunech avait profité du coin commercial pour faire un détour vers un magasin où l’on pouvait acheter des portables. Techniquement, le sien marchait toujours, mais société de consommation oblige, ils étaient loin des tous premiers gsm bien résistants même s’ils tombaient par terre. C’était la même chose pour la batterie, d’ailleurs. Et autant cela faisait ses affaires, car cela obligeait les humains à acheter toujours plus, autant le démon n’aimait pas avoir des objets de basse qualité quand cela le concernait. Aussi, il avait été faire un détour… Et s’était finalement retrouvé avec une « offre du magasin », un portable moins performant que ce qu’il s’était procuré, mais quand même de bonne qualité. Le problème était qu’il n’en avait pas grand-chose à faire, à l’heure actuelle, et il était en train de chercher ce qu’il pourrait en faire quand il remarqua un adolescent proche de la vingtaine.

Il était un asiatique, un peu comme lui, d’ailleurs, et il semblait parcourir la ville sans de véritable destination précise. S’était-il perdu ? Le jeune homme ne semblait pas vraiment effrayé, pourtant : c’était même plutôt le contraire, et le démon avait l’impression qu’il regardait tout avec curiosité. Qu’il s’agisse des magasins, ou même des hauts buildings propre à Jacksonville, d’ailleurs. Claunech allait s’en détourner quand un bruit le fit retourner à nouveau dans la direction du jeune asiatique. Celui-ci semblait avoir heurté un étal de pommes et si le bac en bois n’était pas vraiment tombé par terre, ce n’était pas le cas de fruits dont certains étaient tombés et roulaient sur le sol. Jetant à peine un coup d’œil au commerçant qui ne serait sans doute pas content pour un sou, le bookmaker regarda une pomme qui avait glissé jusqu’à lui. Il la ramassa, la fit sautiller une seconde dans sa main, puis se décida. Ignorant le garçon, il s’approcha directement au commerçant qui se penchait déjà pour sermonner le jeune homme et ramasser ses produits.

Lui lançant la pomme qu’il avait en main, il ouvrit la bouche en désignant certains des fruits.

- Ce garçon est avec moi. Combien, pour quelques pommes ?

Il avait vraisemblablement pris le vendeur de court, et quand celui-ci balbutia sa réponse, Claunech lui lança l’argent sans se préoccuper plus du commerçant. Il se contenta juste de lui lancer un regard univoque quand l’homme voulut se plaindre à nouveau du garçon et il lui coupa définitivement le claquet en lui lançant une autre piécette. De quoi le faire taire pour qu’il arrête de geindre sur place, et Claunech se tourna à demi vers l’asiatique qu’il avait aidé en lui faisant signe de se relever.

- Allez, viens, on n’a pas toute la journée pour glander ici.

Sauf s’il voulait rester avec le commerçant ronchon bien sûr. Mais Claunech parierait plus qu’il pencherait plus sur la seconde option, celle de filer en catimini pour ne plus avoir les foudres du vendeur devant lui.

Quoi qu’il fasse, de toute façon, le démon s’était déjà remis en route, se demandant s’il ne lui remettrait pas éventuellement le portable qu’il avait en trop. Il fallait bien qu’il serve à quelque chose de toute façon…

[Voilà, j’ai pris quelques libertés, donc dis-moi si ça te va ^^]

Tout en marchant sans de véritable destination, Claunech réfléchissait, son sac de pomme dans une main. Pourquoi il avait secouru l’adolescent ? Si on pouvait appeler ça secourir. Au fond, le jeune homme aurait sans doute été bien gêné, mais il était fort probable aussi qu’il aurait réussi à s’en sortir après mille excuses et peut-être un coup de main au marchand pour ramasser ses fruits. Le démon aurait donc pu continuer son chemin… Mais il n’avait pas vraiment réfléchi et fait l’inverse. Soit. Tant pis. Après, le marchand l’avait cru, et d’une certaine manière, peut-être qu’il les avait associés à la même famille. Ils étaient tous deux asiatiques, au fond, et pour le peu que le vendeur en avait vu, il avait dû facilement se tromper sur leur compte.

Résultat, Claunech se trouvait maintenant avec un jeune homme derrière lui, et il se demandait ce qu’il en allait en faire, à présent. Il ne répondit ceci dit pas à son premier merci, et se contenta de s’éloigner de l’étal pour commencer. C’était mieux pour s’éviter les regards furieux ou indiscrets. Et mieux aussi pour engager une conversation proprement dit.

Malgré tout, Claunech ne put s’empêcher d’avoir un sourire narquois lorsque l’adolescent lui lança qu’il était dans une situation critique, et il se retourna à demi pour le regarder avant de prendre la parole.

- J’ai vu ça. D’ailleurs, j’espère que tu aimes les pommes. Je ne compte pas en manger pendant dix ans.

En tout cas sachant que le vendeur n’avait pas perdu le nord et lui en avait mis un beau paquet. Claunech le lança d’ailleurs en direction de l’adolescent, le laissa le rattraper, et l’observa un instant, tout en écoutant la suite de son discours. Dire qu’il lui avait sauvé la vie était peut-être un peu risqué pour le jeune homme, sachant que lui-même était démon. Par contre, pour le peu qu’il pourrait lui donner niveau argent… Ca ne l’intéressait pas vraiment. On allait dire qu’il avait fait un bon geste totalement gratuit, aujourd’hui, ce qui n’était pas vraiment donné, habituellement.

- Oublie pour l’argent, je saurai largement récupérer ça avec des amis s’il le faut.

Enfin. Avec des humains ou des démons qui n’aimeraient pas qu’il se ramène à l’occasion. Si pas, ses propres paris feraient le reste… Et ce n’était pas un achat de pommes qui allait le ruiner de toute façon.

- Mais sinon, puisque tu considères que je t’ai sauvé la vie, considère juste que tu m’es redevable à l’occasion. Si on devait se recroiser encore.

Parce que vu la taille de Jacksonville, ça pouvait très bien ne pas se reproduire. Cela dit, Claunech avait beau parler sur un ton léger, il était quand même sérieux. Des services, c’était toujours bon à prendre et il prendrait peut-être au mot sa prochaine réponse.

- Si tu me disais ton nom pour commencer ? fit le démon en reprenant sa marche. Ou ce que tu fais ici, par exemple.

Qu’il s’agisse du centre commercial ou même de sa présence à Jacksonville. Sachant que cette dernière était quand même pleine de surprises, avec toutes les races qu’on pouvait trouver en son sein ou au détour d’une rue.

- Et au fait. Comment tu as fait pour te cogner contre un étal qu’on voit à dix kilomètres à la ronde ?

Sa voix était devenue légèrement moqueuse, mais il fallait dire que la situation avait été un peu pittoresque. Il reprit néanmoins un peu son sérieux et regarda l'asiatique.

- Tu étais tellement fasciné par le paysage que tu n’as rien vu avant de le toucher ?

Claunech avait légèrement ralentit le pas pour laisser le jeune homme le rattraper. Il n’avait pour le moment jeté qu’un léger coup d’oeil aux magasins autour d’eux. A voir ce que l’adolescent ferait, et s’il le suivrait ensuite, d’ailleurs.

Le jeune homme le suivait, toujours portant le sac de pommes, et il sembla bien qu’il ne tarda pas à en prendre une pour remplir son estomac. Claunech le laissa faire sans vraiment intervenir ; ce n’était pas comme s’il était fou des pommes, et de toute façon, s’il le voulait, il pouvait s’en procurer sans problèmes. Raison pour laquelle, sans doute, il avait simplement dit au jeune homme de ne pas le rembourser. Après, si l’adolescent avait su qu’il gérait l’argent des Enfers… Il n’aurait probablement même pas envisagé de le lui donner des sous. Il aurait peut-être plutôt fui comme un fou, ou alors, il aurait aussi pu le prendre comme quelqu’un tout droit sorti de l’hôpital psychiatrique. Par le passé, les humains croyaient à l’existence des démons; maintenant, avec la rationalité de l’homme occidental, ils étaient tout au plus considéré comme un mythe, ou comme une légende que des gens trop naïfs ou trop « endoctrinés » avaient cru dans les siècles passés.

En fait, il s’agissait surtout des mutants et des sorciers qui connaissaient leur existence, ou qui au moins en avaient entendu parler. Du reste, ils étaient libres de croire qu’ils existaient ou non, et Claunech se demanda un instant ce qu’il en était du jeune homme. Mais il n’allait pas engager ce sujet tout de suite ; vu leur conversation, ç’aurait été un peu malvenu.

Par contre, il n’allait pas se priver pour en apprendre un peu plus sur lui, et après que le jeune homme lui ait reconnu qu’il lui devait une faveur – ce dont le démon prenait quand même bien note -, il le regarda en train de manger sa pomme, et surtout en train de réfléchir à ce qu’il allait lui dire apparemment. Il semblait quelque peu mal à l’aise, en tout cas suffisamment ennuyé pour qu’il ne s’empêche de se triturer les mains.

Du coup, allait-il lui dire la vérité ou être très vague comme savaient le faire la plupart des gens qu’il rencontrait ?

Le jeune homme sembla opter pour la seconde solution et Claunech le regarda sans faire le moindre commentaire. Il avait légèrement ralenti sa marche, de sorte qu’il était presqu’à hauteur de l’adolescent. S’il était nouveau dans le coin, alors il pouvait être un simple nouveau résident, ou alors un nouveau venu expressément là pour l’Institut. Sa présence avait beau faire rager Lucifer, l’établissement avait quand même son succès, il fallait le reconnaître, et il serait peut-être temps de découvrir ses points faibles.

- Quelques semaines ? Alors tu dois avoir un avis sur la ville non ? Tu y es venu pour y faire des études ? Ou parce que ta famille s’y trouve ?

Une manière détournée de se rapprocher doucement du sujet de l’Institut, et surtout de mieux cerner l’individu qu’il avait devant lui. Il pouvait très bien s’agir d’un humain très banal après tout.

Et sa manière de se comporter était quelque peu amusante, typiquement japonaise, à vrai dire. L’adolescent finit par révéler son prénom et Claunech haussa un sourcil, cherchant éventuellement où il pourrait l’avoir entendu. Pas récemment. Mais par le passé, il lui semblait peut-être avoir connu ce nom, au point d’y avoir porté un certain intérêt. Si on pouvait appeler ça comme ça.

Ses réflexions furent néanmoins interrompues quand Akio lui retourna la question et il ne put retenir un sourire ainsi qu’un léger ricanement lorsque le jeune homme  lui sortit que la pomme était bonne.

- Tu sais, les marchands ont peu d’intérêts à donner des pommes pourries à leurs clients. Alors c’était dans son intérêt de me donner des bons produits.

En tout cas, Claunech n’aimait pas qu’on lui fasse un pied de nez, en pensant qu’on pouvait le berner facilement. Ledit marchand l’aurait peut-être senti passer s’il avait fait demi-tour plus tard dans la journée.

- Liam Taylor. Tu peux m’appeler ainsi, fit-il avant de reprendre sa marche.

Il n’avait pas d’intérêt à lui donner son vrai prénom, pas alors qu’il venait de le rencontrer il y a à peine quelques minutes.

- Si tu viens du Japon, qu’est-ce que tu fais ici ? reprit-il, tout en faisant sautiller dans sa main une pomme qu’il avait prise. Tu comptais visiter la ville au hasard comme tu étais parti là ?

Il disait ça, il ne disait rien, mais ils commençaient à arriver à la fin du marché, alors si le jeune homme voulait aller dans un endroit précisément, c’était peut-être le moment de choisir sa destination.

Face à sa précédente question, Akio lui répondit simplement qu’il était venu pour des études. « En quelque sorte ». Cela lui attira un regard en biais du démon, mais il ne releva pas pour autant, préférant le laisser finir tout à son aise. En un sens, ce n’était pas ses affaires, et puis, il aurait été un peu malaisé de sa part de l’interrompre ici. Pour autant, le jeune homme fut quelque peu évasif. Un « c’est compliqué » sorti de ses lèvres, mais il lui révéla au moins qu’il n’avait pas de famille ici. Il était donc seul… Pour un erasmus, peut-être, comme on était en février. Cela pouvait toujours arriver que des étudiants aillent d’une ville à une autre. Même si celle où ils résidaient n’était pas la plus paisible ni la plus reposante non plus… Puis, il y avait l’Institut, bien sûr, mais ç’aurait peut-être un peu rapide de rattacher l’adolescent à cet établissement.

- Tu as voulu retourner aux sources ? lança Claunech. En même temps que faire tes études ?

Cela pouvait être le cas, surtout si ses parents lui avaient mis la pression pour qu’il y retourne. Dès fois, les humains étaient habitués à certains lieux et avaient dû mal à s’en détacher. Alors si les parents en avaient des bons souvenirs, et que par exemple, ses aïeuls étaient demeurés là, peut-être que le poids familial avait joué.

Manifestement, Claunech n’avait pas tout à fait tort, même s’il devait ne devait pas avoir tout deviné non plus. Si Akio avait été obligé par ses parents à venir ici, il ne devait pas forcément être là de gaieté de cœur. Ou en tout cas, il ne devait pas forcément être à l’aise dans cet espace inconnu. Et apparemment, c’était la première fois qu’il mettait les pieds ici, comme c’était beaucoup plus grand que de là où il venait…

- Eh bien, c’est l’occasion de te montrer tout ce que tu n’as pas pu voir de ton lieu d’origine. Ou est-ce que tu habites, au fait ? Du Japon ?

A l’entendre, il ne devait pas venir d’une grande ville aussi imposante que celle où ils étaient. Il demeurait peut-être à la campagne… Dans ce cas-là, il allait peut-être être surpris par tout ce que lui proposait la métropole.

A sa remarque que son nom n’était pas asiatique, Claunech esquissa un sourire. Il avait eu le temps de prendre bien des noms par le passé, et  celui-là n’en serait sans doute qu’un de passage comme tous les autres.

- On peut dire que je viens d’ici. Ou d’ailleurs. J’ai eu le temps, beaucoup le temps de voyager un peu partout.

Il allait lui épargner qu’il venait de l’Enfer, le jeune homme risquait de peu apprécier la nouvelle. Ah, et qu’il avait plus de mille ans, aussi.

- Quant à mon nom,fit le démon, avec un sourire en coin, certains amis m’appellent aussi Claunech. Je t’en laisse trouver l’origine.

Il y avait peu de chances qu’il le sache, et de toute manière, là n’était pas le sujet principal. Par contre, Claunech en profita pour s’arrêter et regarder le jeune homme.

- Ton nom, Takenaga, me dit quelque chose par contre. C’est quel membre de ta famille qui est venu dans le coin ?

Peut-être que ça lui parlerait ou lui donnerait une piste. Qu’il s’agisse de quelqu’un qu’il avait simplement croisé une fois, ou, au « pire », qu’il avait tué à l’improviste une fois.

Ou ce nom avait été l’occasion parler par certains humains ou démons. Les deux étaient possibles, mais Claunech partait plus du principe qu’il l’avait déjà croisé à un moment ou un autre. Et il se trompait rarement, à ce niveau-là. Il maîtrisait l’argent, après tout, et il était toujours mieux de savoir le nom de ceux qui voulaient lui lécher les bottes. D’une certaine manière, connaître les noms revenaient à avoir du pouvoir, qu’il s’agisse de savoir comment se comporter ou comment agir en fonction des individus qui se trouvaient face à lui.

Quoi qu’il en soit, Akio lui avait fait remarquer qu’il connaissait la ville bien plus que lui, et ça devait effectivement être le cas. Il aurait pu jouer le guide, mais le démon ne savait pas ce qu’il avait déjà visité, et ce n’était peut-être pas le meilleur pour jouer au protecteur. Enfin, Akio risquait au bout d’un moment d’avoir une mauvaise blague. Pas tout à fait innocente.

De toute manière, Claunech n’eut pas trop le temps de lui proposer quelque chose que son portable vibrait dans sa poche. Il le saisit en laissant Akio à ses pommes, puis fut vite mis à jour de ce qu’il se passait.

- J’ai un client qui voudrait que je passe le voir. Il n’est pas loin visiblement. Tu veux venir ? Tu serais mon porteur de pomme.

C’était une proposition cash de sa part, mais ce serait peut-être intéressant pour voir si l’adolescent n’avait pas les chocottes. Il ne garantissait pas que ça lui plairait, par contre, mais c’était toujours un pari à prendre… De toute façon, il s’agissait juste d’un type pas très net qui lui avait déjà emprunté de l’argent et qui le « sommait » de le voir maintenant. Soit qu’il était mécontent ou qu’il en voulait encore plus.

Sauf qu’on n’ordonnait jamais quelque chose à un démon et l’homme ne s’en était pas (encore) rendu compte.

- Je peux aussi t’emmener dans un lieu qui t’intéresse après si tu veux. Ou auquel tu as besoin de passer. Qu’est-ce que tu en dis ?

C’était une sorte de deal, à voir si Akio allait marcher ou non.

[Aloooors. Faut que je te dise deux trucs.

Un, j’ai pas arrêté de parler à une copine à côté, donc j’espère que c’est cohérent et que ça te va XD
Deux, pour la fin, je me suis dit que ca pourrait être intéressant que Claunech l’emmène dans son boulot que de dire : « Oooooh tu veux visiter quelque chose. Huuum, on va trouver un lieu intéressant ». Donc vouala, on peut trouver un lieu plus spécial si tu veux (je sais pas, un parc d’attraction ou un truc qu’Akio ne connait pas, étant japonais ? Ca pourrait aussi être cool). Ou partir sur ça. Ou faire autre chose. Enfin, Akio peut refuser quoi  ^^  Même si Clau protégera Akio. Pour le moment :p

Voilà voilà ]