Avoir abandonné sa maison ? Krysten s’en moquait bien. Elle n’était alors qu’un squelette vide d’âmes lorsqu’il l’eut quitté pour la dernière fois, sans savoir qu’après que ce claquement de porte, il n’y reviendrait plus. Inconscient. Saoul. Drogué. Par ses médicaments. Par son verre d’alcool. Par ce mélange. Par lui-même. Une sombre personne avait appelé la SPA et pendant l’une de ses absences inconscientes, on lui avait tout pris. Chacun de ses chiens. Ses chats. Peut-être pas tous, car habitués à être en cavale la journée.

Mais même avec de nombreuses modifications de sa mémoire, Krysten ressentait un manque. Ses bêtes. Il ne les avait pas oubliés. Et s’il n’avait trouvé la trace d’aucun de ses amis dans son ancien refuge, il savait qu’il avait encore une chance de croiser l’un de ses félins. Son entrainement de la journée s’était terminé, il en était épuisé. Il avait pris de nombreux coups, faisant d’ores-et-déjà apparaitre de nombreux bleus et de nombreuses brûlures sur son visage et ses bras. Le mutant avait été trop évasif, trop pensif, durant ces heures. Il en avait été puni.

Quand enfin, cet enfer prit fin, Krysten décida de retourner dans son ancienne maison. Pour voir si ses désirs pouvaient se réaliser. Pour voir si sa chambre au Projet Shadow –qui lui suffisait bien amplement- pouvait trouver d’un peu de son ancienne vie. Rien qu’un peu.

C’est en début de soirée que Krysten sortit du batiment du Projet Shadow, chaudement vêtu, suite à une surveillance plutôt affligeante sur sa personne, ses pas le dirigeant avec un certain automatisme vers son ancienne maison. Il en était loin. Peut-être à trois quarts d’heures de marche peut-être, mais la marche ne lui avait jamais fait peur, au contraire.
C’est le cou rentré entre ses épaules et ses mains enfouies dans les poches qu’il arriva devant sa maison. Ses pensées n’eurent nullement envers son voisin, malgré sa mémoire également intacte à ce niveau. Intacte car complète, mais modifiée. Beaucoup d’informations erronées complétaient le dossier mental que Krysten avait sur certainement son plus proche ami. Trop erronées pour qu’il ne prête attention à cet homme. Krysten ouvrit la porte de son ancienne maison et referma derrière lui après avoir allumé le premier interrupteur.

Rien ici ne le retenait. Il n’avait aucune envie de ramener un seul objet avec lui. Pas un seul cadre, pas une seule photo. L’inerte était artificiel. Ce qu’il cherchait était la vie. La vie animale surtout. Il visita chacune des pièces de la maison, le cœur serré par cette absence de bruits, jusqu’à sursauter. Un bruit. Justement. Un sourire s’afficha sur son visage. Peut-être que devant la lumière et devant le bruit, un chat s’était glissé par la chatière ? C’est ce à quoi il pensa avant de descendre les escaliers et de se figer sur l'une des marches.

"Que fais-tu ici?" lança Krysten à son ex voisin, d'une voix sèche et sans émotions.

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Autant dire que le sourire qu'avait ressenti Krysten sur son visage s'était effacée d'une manière nette en voyant Answald. Il n'était pas le bienvenue ici. Comme quiconque d'ailleurs. Ses mains sur la rambarde de l'escalier, il le fixa. En fait sa question n'en était pas une. C'était juste une phrase pour lui dire qu'il n'avait pas sa place ici. Et son cher voisin avec son sourire idiot répondit avec une certaine crétinerie dans son ton et ses mots. Un simple homme. Rien d'autre. Un benêt de l'institut après tout. Quoi de plus normal.

"On dirait bien oui..." répéta Krysten après Answald dans un soupir affligé. "... mais pas pour longtemps" rajouta-t-il a sa propre attention comme pour se rassurer lui-même. Il ne ressentait pas le besoin de retourner ici. Ni l'envie. Elle était abandonnée et ne ferait que se dégrader au fur et à mesure des années. Tout comme son propriétaire.

De l'inquiétude ? Comme cela était touchant. Ou plutôt, éreintant pour Krysten qui suivit Answald du regard. Jusqu'à ou son voisin allait-il se rapprocher ? Le mutant n'avait jamais apprécié d'être trop proche physiquement de quelqu'un. S'il y avait des exceptions auparavant, il n'était plus question d'en avoir aujourd'hui. Ni physiquement ni mentalement. C'est pourquoi en voyant la distance qui les séparait, réduite à quelques marches, que Krysten recula lui meme dans l'escalier pour retourner sur le plancher. En même temps, ses yeux prirent une couleur sombre, tout comme les escaliers qui se revêtirent de boue, empêchant la progression trop facile d'Answald vers sa personne.

D'un clignement a l'autre, ses yeux reprirent leur couleur naturelle tandis qu'un air contrarié s'était dessiné sur son visage.

"Mêle-toi de tes affaires. Je n'ai pas besoin de chaperon, encore moins d'une personne comme toi."

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Krysten commençait d’ores-et-déjà à détester cette situation. S’inviter dans sa maison n’était pas assez suffisant, il fallait qu’en plus, Answald intègre de trop près son espace vital et fasse user de l’énergie à son ancien ami ? Utiliser ses pouvoirs était lourd pour le mutant, surtout suite à l’entrainement plutôt violent de cette journée. Lui qui pensait pouvoir venir tranquillement dans son ancienne maison, trouver une de ses bêtes puis repartir sans utiliser l’un de ses dons… C’était raté.
Il observa son ex-voisin du haut de l’escalier, ne bougeant pas plus pour le moment, le toisant avec dédain. Celui-ci semblait encore trop courageux pour continuer sa montée vers son ami, enchainant des questions inquiètes, barbantes pour le plus jeune des deux mutants. Le Collins fronça les sourcils, agacé par la motivation d’Answald et par la distance qui diminuait encore.

« Disons que quelqu’un m’a gentiment recueilli quand je n’étais pas bien. Contrairement à mon entourage qui m’a peu à peu laissé tomber.» dit-il avant de croiser les bras sur la rambarde des escaliers du haut, se frottant les yeux d’épuisement. Abandonnée à son triste sort, sans le soutien de son créateur, la boue commençait déjà à se durcir, abandonnant son côté spongieux et difficile à gravir. Krysten l’entendait rien qu’aux craquements qu’émettaient les pieds d’Answald sur les escaliers boueux. Il n’oserait pas continuer sa progression ? Cette idée déplaisait à l’agent du Projet, qui paniquait intérieurement tout seul.

« Je crois t’avoir dit ne pas avoir besoin de ton aide. N’avance pas plus. Recule même. Sors d’ici. Tu n’es pas le bienvenue. » enchaina le mutant dans une grimace et un soupir d’insatisfaction, désireux de retrouver sa solitude et pour repartir le plus tôt possible… Ou pour se reposer quelques minutes sur son canapé.

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« CA SUFFIT ! »

La fatigue et l’agacement combinés offraient un Krysten à fleur de peau. Il en avait marre. Il se sentait bouillir de l’intérieur, l’envie égoïste de lui faire du mal pour qu’il comprenne la leçon. Son égoïsme à vouloir être seul, à le détester. A part lui-même et son cher voisin, il n’y avait pas âme-qui-vive ici. Krysten pensa à balancer peut-être une décharge électrique à cet idiot. Pas trop forte afin de ne pas le tuer, son intention n’en était pas encore là. Mais assez forte pour le faire réagir, pour le faire fuir, pour qu’il le laisse enfin seul après le lui avoir demandé de trop nombreuses fois en l’espace de quelques minutes. Mais ce fut impossible.

La batterie qu’il était s’était déjà déchargée durant l’entrainement. Il n’aurait plus accès à cet élément pendant encore de nombreuses heures. Il l’avait oublié, s’en apercevant en voyant les légères étincelles qui avaient commencé à parcourir sa main avant de s’évanouir totalement. Son agacement et sa faiblesse s’illustrèrent à travers un regard sombre vers ses mains, sourcils froncés.

Ses mains se serrèrent sur la rambarde de rage. Il ne savait plus quoi faire pour le faire partir. Pas question à lui de partir en premier, pas question de partir bredouille sans aucune âme à ramener avec lui dans sa nouvelle habitation. Plus question de vivre encore seul…

Plongé dans ses illusions, la soudaine brillance du bois sur lequel il reposait attira son regard. La rambarde était gelée jusqu’à un certain niveau de l’escalier. Observant ce changement de teinte, il ne fallut que quelques secondes supplémentaires pour noter la soudaine différence de température avec des yeux d’un bleu beaucoup plus scintillants qui semblaient rester sur cette couleur. Le souffle de Krysten devint une fumée.

« S-sors d’ici Answald… » prononça le mutant d’une voix tremblante, trop gelé et affaibli par l’élément glacé pour parler plus fort, sur un ton plus en colère.

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Au fur et à mesure que les secondes passées, accompagnées par les craintes et les demandes d’Answald, le reste de la maison continuait d’être recouvert d’un voile scintillant. Petit à petit, mais sûrement, entrainant une chute dans la température de la maison, déjà fraîche car n’ayant pas connu de chauffages depuis plusieurs semaines déjà. Le corps de Krysten connaissait cette même chute, devenant livide face à cela. Les mains du mutant quittèrent à leur tour la rambarde de l’escalier, pour se positionner en croix contre son torse pour essayer de sauver les quelques degrés qui refroidissaient. Il paniquait. Il avait certes l’habitude d’être surpassé par cet élément, mais il était accompagné dans 95% de sa journée par sa binôme ou bien encore par Gregory, même si ça restait rare. Là, il était seul. Answald était là mais… Il ne voulait pas être aidé par son ancien ami. Même si ça lui couterait la vie. Il se débrouillerait seul.

N’ayant pas non plus oublié les pièces de sa maison, Krysten recula sans tourner le dos une seule fois à Answald et finit par s’extirper dans les première chambre venue : Celle qu’avaient partagé Anna et Kirsten il y a de cela plusieurs mois. Ses pas le menèrent vers l’un des recoins de la pièce, où était installé un radiateur. Sans plus attendre, le mutant décolla une de ses mains de son torse et l’alluma, poussant le bouton à fond pour essayer d’en extirper le maximum de chaleur. Finissant assis dans le coin contre l’appareil electrique, la même main s’empara de son téléphone et chercha le numéro de sa binome. La conversation de « Willow M. » apparut sur le téléphone tandis que ses doigts pianotèrent sa détresse à travers le message suivant « Venez me chercher chez moi.», avant de lâcher l’appareil par terre et de re-protéger sa main contre son torse, sa tête collée contre l’appareil chauffant qui n’émanait que très peu de degrés pour l’instant.

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La chambre à son tour devint scintillante, la source de gel partant de Krysten pour s’étaler petit à petit dans la chambre. Seul le radiateur semblait connaitre un peu de résistance et narguer le pouvoir, commençant à offrir petit à petit un certain cumul de chaleur. Loin d’être suffisant mais assez pour mener un combat contre les températures négatives du corps collé à lui. A peine. Mais un minimum. Fermant les yeux et tremblant de tout son corps, il se laissa aller. Le froid l’engourdissait, lui faisant perdre le moment présent. Les quelques secondes ou il s’assoupit auraient pu être des minutes ou des heures pour son subconscient qui bientôt se réveilla légèrement en sentant une douce chaleur contre lui.

« Willow… ? » demanda-t-il comme pour qu’on lui confirme sa présence. Mais ouvrant ses paupières, il croisa Answald dans son champ de vision. Ses paupières se refermèrent aussitôt, ayant cru que l’un de ses co-équipier était arrivé. C’était raté. Combien de temps s’était-il écoulé ? Il ne savait pas et s’en fichait. Il voulait juste se rendormir lentement et oublier ce froid qui le martyrisait, tandis que son portable vibra plusieurs fois sous quelques messages qui s’enchainèrent.

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Des bribes de mots venaient interférer dans les rêves de Krysten, qui fut bientôt la seule âme qui vive dans la maison. Qui vive. Si on pouvait dire ça ainsi. Les vibrations de son téléphone continua de longues minutes, jusqu'à ce qu'une seconde âme se téléporta dans la pièce. Dans la plus pure des inconscience, Krysten fut rejoint par cet homme en tenue qui l'observa longuement avant de le soulever et de disparaître sans ajouter quoi que ce soit. Mis à nouveau en soins intensifs, le Projet Shadow se chargera du mutant, lui enlevant à nouveaux certains souvenirs, certains êtres de sa vie. Pour son bien. Pour la sécurité du Projet Shadow. Pour ne plus devoir le retrouver chez lui, gelé. Pour ne plus qu'il tente de retrouver l'une de ses bêtes. Une de ses bêtes ? Lesquelles déjà ? Krysten ne s'en souviendra même plus à son réveil.

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