Faisons une pause, sans sentinelle ou autre

Emily et Sytry

Il n’y avait pas à dire, fermer la librairie le samedi midi avait toujours quelque chose d’agréable. Emily adorait son boulot, mais elle adorait tout aussi bien le week-end et la perspective de pouvoir se reposer sans devoir se dure qu’il fallait forcément se lever tôt demain.

Il y avait toujours bien des choses à faire avant de fermer la boutique bien sûr. Attendre que les clients partent, pour commencer. Puis régler les derniers colis des fournisseurs, les biper, les mettre dans les stocks, voire les rayons, si elle en avait assez le courage. Et puis, peut-être passer certains coups de fil à des collègues et préparer ce qu’il fallait pour ne pas se retrouver en catastrophe le lundi matin.

Ce fut peut-être pour ça qu’Emily mit un peu plus de temps à sortir que prévu, et que vingt bonnes minutes étaient déjà passées depuis l’heure de la fermeture. Après, cela ne la dérangeait pas tant que ça. A ses tout débuts, elle mettait plus de temps, et maintenant, c’était plus devenu une routine qu’elle avait accepté au fur et à mesure.

Puis, elle n’avait eu aucun imprévu, et Emily en avait profité pour vite manger un bout. Elle se l’était préparée chez elle, et elle ne le regrettait pas vraiment puisque cela allait lui permettre de faire une promenade en ville. Quitte à s’acheter certaines choses si nécessaire, mais elle n’avait pas non plus quelque chose de réellement indispensable à se procurer, aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, elle finit finalement par sortir de la librairie et ce fut après qu’elle eut fermé la porte qu’elle tomba nez à nez avec une certaine connaissance. A dire vrai, elle n’eut pas vraiment de mal à le reconnaître : après leurs péripéties avec le vieux fou, et surtout les trucs bizarres qui s’étaient passés en ville sans prévenir – l’Institut avait parlé de sentinelles, mais cela restait quand même étrange –, elle n’était pas prête de l’oublier. Un sourire vint d’ailleurs apparaître sur ses lèvres, signe pour Sieghart qu’elle l’avait reconnu sans mal et elle prit la parole sur un ton quelque peu jovial et malicieux.

- Alors, tu n’as reçu aucune plainte de la police après notre soirée apocalyptique ?

Avec toute cette histoire, ils avaient quand même volé une voiture, et pire, ils l’avaient remplie d’eau avec le car wash. A l’intérieur. La faute au toit de la voiture alors qu’ils étaient bloqués dedans.

Ah, et ils avaient brisé le pare-brise aussi.

Tout était allé bien dans le meilleur des mondes quoi.

- Qu’est-ce que tu fais là ? lança-t-elle en souriant. Si c’était pour la librairie, considère que je n’ai pas les clés, d’accord ?

Après, il n’avait rien commandé non plus récemment (ou elle aurait vu son nom à un moment ou un autre), et de toute manière, il devait bien se douter qu’il arriverait en retard, si pas tout juste. En tout cas si telle avait été son intention. Pour le reste, il pouvait bien être ici tout à fait au hasard.

- Alors, qu’est-ce que tu comptais faire de beau ?

Faisons une pause, sans sentinelle ou autre

Emily et Sytry

A l’en croire, Sieghart n’avait pas rencontré de nouveaux problèmes comme ils en avaient rencontrés, ce fameux soir étrange, où, il fallait le dire, elle n’avait rien compris à sa vie. Après, c’était tant mieux. Elle non plus n’avait rien eu, mais ils auraient encore pu avoir quelques soucis l’un et l’autre vu les phénomènes bizarres qui s’étaient produits dans toute la ville. Maintenant, cela s’était calmé…  Le tout était de voir jusqu’à quand. Une ville remplie de mutants, de sorciers, et même de démons, le directeur en avait bien parlé, n’allait pas donné un coin calme et idyllique. Loin de là même.

Néanmoins, Emily secoua la tête dans un geste rassurant.

- Je n’ai rien eu après. Et je ne m’en plains pas. Les Destinations Ultimes, ce n’est bien, mais qu’en film, lança-t-elle avec un sourire.

Elle l’écouta ensuite évoquer l’idée de « cambrioler » la librairie, et la jeune femme leva les yeux au ciel. Bien sûr, il en aurait été capable, mais la clairvoyante ne le savait pas. Comme elle ignorait au fond sa vraie nature, mais ce n’était pas comme si le mot « démon » était inscrit sur les fronts de toute les individus de cette espèce.

Quoi qu’il en soit, il était visiblement de passage et avait décidé de faire un tour, mais de manière un peu juste apparemment. En tout cas pour s’acheter un livre.

- Je croyais que tu connaissais les horaires, pourtant, fit-elle avant d’hausser les épaules. Repasse quand tu veux, les nouveautés ne disparaîtront pas tout de suite de toute façon

Sieghart lui demanda ensuite si elle avait quelque chose de prévu, et il lui révéla même qu’un de ses livres allaient être publié. Oh ? C’était intéressant, ça, et une lueur d’intérêt s’alluma dans les yeux d’Emily. Les livres, après tout, c’était son dada.

- Alors tu as pu te faire un chemin dans le monde de l’édition ? Rien que ça, ça mérite le champagne ! lança-t-elle. C’est un livre qui porte sur quoi ?

Et dans quelle édition, faillit-elle lui demander aussi. Sa librairie était généraliste, donc cela était possible que son stock finisse par avoir le livre de Sieghart… Après, il fallait voir le domaine dans lequel il s’était lancé.

Quoi qu’il en soit, Emily baissa légèrement la tête, surprise lorsqu’un chat feula, et si le félin l’évita adroitement, ce ne fut pas le cas de Sieghart puisqu’il passa pile entre les deux jambes. Ce fut lorsqu’elle releva son visage qu’elle fronça les sourcils. Elle avait des hallucinations, maintenant, ou l’homme devant elle avait eu l’espace d’un instant les yeux tout noirs, et un visage, disons, plus fermé l’espace d’un instant ?

Elle aurait pu ne rien dire, bien sûr. Parfois, cela la prenait de se taire.

Et d’autres fois non.

De sorte qu’elle y alla sans ambages dès que Sieghart eut fini de prendre la parole.

- Dis. C’est moi ou… Hum, comment devait-elle le dire ? C’est moi, ou tu as des soucis ? reprit-elle. Tu as acheté des lentilles noires ? Non parce que, je ne crois pas que ça existe vraiment, en fait, malgré tous les efforts des opticiens. Et à un moment, tu as eu un regard assez bizarre…

Ce n’était pas une critique, ce n’était pas un jugement, juste une constatation. D’ailleurs, Emily avait une mine assez interrogative, et elle jeta un coup d’oeil par là où le félin avait disparu.

- Tu as peur des chats ?

Ce serait… assez étonnant de la part de Sieghart, mais elle n’allait rien dire.

- Et tu as des trucs bizarres vers le cou on dirait. Tu es sûr que tu ne veux pas aller chez le médecin ?

Quoi qu’il en dise, c’était assez d’éléments pour ne pas qu’il évite ses questions avec un simple prétexte comme « Non, non, ce n’est rien »..

Faisons une pause, sans sentinelle ou autre

Emily et Sytry

Au moins, ils étaient tous les deux d’accord : les ennemis invisibles, où tout leur tombait dessus sans prévenir, c’était quelque chose qu’ils préféraient éviter tous les deux. D’ailleurs, Emily n’avait pas cherché à se renseigner sur d’éventuels échos quant à la voiture qu’ils avaient « empruntée » pour fuir les lieux. A dire vrai, ils l’avaient plutôt pétée qu’autre chose avec le car-wash… Alors bon, pas de nouvelles disait bonne nouvelle, en un sens.

Quoi qu’il en soit, Sieghart lui dit simplement qu’il perdait un peu le nord ces derniers temps avec tout ce qu’il avait affaire et Emily haussa un sourcil.

- Oh ? Alors tu ne seras pas contre pour oublier tes soucis cette soirée-ci ? lança-t-elle malicieusement, mettant les clés de la librairie de sa poche avant de croiser les mains derrière son dos et de reprendre. Sauf si on s’en tape encore plein la tronche. Mais alors je déclare qu’on est maudit par le destin.

Enfin, qu’il ait sorti un livre, ça inaugurait déjà bien les bonnes nouvelles. Tant mieux. Il dut remarquer qu’elle était intéressée, d’ailleurs, mais elle claqua la langue d’un ton faussement désapprobateur lorsqu’il envisagea qu’elle paye le champagne.

- Mais tu as oublié les bonnes manières, mon cher ? Et où est ta galanterie ? Si champagne il y a, c’est toi qui payeras ! le taquina-t-elle en se mettant en marche dans la rue.

Elle ne tarda pas à enchaîner sur le bouquin, qui portait sur les démons. C’était donc pour ça, ses recherches… Il avait peut-être dû chercher pour se trouver un éditeur, ce n’était pas un sujet si commun que ça d’habitude. Encore que… L’occulte pouvait être prisé par pas mal de monde. Et si c’était un roman, ce serait peut-être plus facilement abordable.

- Je peux lire, si tu veux, mais je ne sais pas si j’aurai un avis objectif. Les démons, ce n’est pas vraiment le sujet sur lequel je suis experte, avoua-t-elle.

Elle savait, bien sûr, que Lucifer et cette espèce existait : force avait été de le constater suite à l’annonce de Richard Parker, qui avait annoncé une alliance entre les démons et les mutants. Et puis, il avait été clairement annoncé à son arrivée que l’Institut était protégé de la race démoniaque… Mais ça changeait de la croyance où les démons étaient « invisibles ».

Enfin, techniquement, Emily n’avait rien contre eux, mais elle pensait aussi n’en avoir jamais vu. Ce qui était faux puisque de base, Phen en était un, et que Sytry même faisait partie des démons.

Tout cela, elle ne le savait cependant pas, ou pas encore, et ce fut donc avec une certaine surprise et/ou naïveté qu’elle lui posa la question sur ses yeux. Qu’il ait sursauté à la présence d’un chat ne lui posait pas souci. Par contre, que ses pupilles soient passées d’un bleu à un noir complet… C’était un peu plus perturbant.

Pourtant, il lui dit qu’il n’avait pas de soucis et Emily lui lâcha un « hm » songeur. Il n’en restait pas moins qu’il s’était figé et que pendant un instant, sa gaieté s’en était allée.

Emily ne répondit pas à sa remarque sur les chats, et finit par hausser les yeux au ciel quand il lui parla de la varicelle. Des tâches comme ça ? De la varicelle ? Un sourire narquois, mais plutôt taquin apparut sur ses lèvres et elle eut un ton un peu moqueur.

- Sieghart ? De la varicelle ? Ca ? Ca se voit que tu n’en as jamais eu ! fit-elle sans cacher son amusement. Si c’était ça, je te promets, t’aurais des boutons partout et tu serais prié de rester au lit sans bouger, à te faire chouchouter.

Elle ne savait pas par qui, par contre, mais ça, ce n’était pas son problème.

- Et pour me contaminer, c’est un peu tard, je l’ai déjà eue, sourit-elle. Mais bref, ce n’est pas ça. Tu es sûr que tu ne t’es pas brûlé ? demanda-t-elle avant de reprendre, plus pour elle-même. Mai au col, c’est un peu compliqué…

Difficile pour elle d’imaginer que Lucifer avait fait un pacte avec Sytry et qu’il pouvait donc le torturer. Il ne valait mieux pas qu’il lui dise, en fait, sinon, elle allait l’engueuler.

- Tu es sûr que tu n’as pas été frappé ? poursuivit-elle, avant de s’interrompre quand il l’invita à ne pas jouer les détective. Une légère moue sceptique apparut sur son visage, signifiant puisqu’autre chose « qu’elle n’enquêtait pas, elle demandait juste », mais elle se laissa prendre au jeu et lui donna son accord pour qu’ils s’arrêtent à un café où ils pourraient aller.

Ils s’installèrent donc et elle réfléchit un instant quand il lui demanda quelles étaient les nouvelles de son côté.

- Huuum, des allers retours entre la librairie et l’Institut surtout. J’ai finalement une chambre là-bas, avec une amie… Mais je ne sais pas si je t’ai dit que j’étais à l’Institut Parker, fit-elle en le questionnant du regard.

C’était vrai qu’au début, Sieghart avait été un simple client, loin d’être suffisant pour lui raconter sa vie plus privée. Après, ils s’étaient revus quand même et leur amitié s’étaient plus développée.

Sinon,reprit la clairvoyante, l’atmosphère est assez étrange avec cette menace que représentent les sentinelles. Apparemment, ce sont elles qui ont indirectement créé le chaos de l’autre soir où on s’est croisé. Je ne sais pas comment tout ça va se finir… Et avec l’alliance entre Lucifer, les démons et les mutants, c’est assez spécial. Je ne suis pas sûre qu’il était ravi de cette idée.

Emily s’interrompt brusquement. Elle lui avait parlé normalement, mais de fait, elle ne savait absolument pas si Sieghart était concerné par les mutants, l’Institut ou même les démons. Si ça tombe, il était tout simplement un humain… Et si c’était le cas, elle devait passer pour une folle de première avec tout ce qu’elle avait dit.

- Si jamais je t’ai perdu, je te précise quand même que je suis tout à fait saine d’esprit par rapport à notre client fou, parti à la recherche de Sauron.

Elle avait dit cette phrase sur un ton tranquille, mais il n’aurait pas été faux de dire qu’elle guettait sa réaction pour voir comment il réagissait à ce qu’elle venait de dire un peu abruptement. Parce que bon, elle ne voulait pas le voir fuir en courant, mais d’un autre côté, elle ne voulait pas non plus qu’il lui propose d’aller à l’hôpital psychiatrique.

- Sinon, pour ton livre, je serai ravie de l’avoir et de le découvrir.

Un moyen de changer de sujet. Au cas où.