Morgane vit sa mère s’emparer amicalement du bras de Judith, l’éloignant vers une table propre. Bien sûr, tout le groupe y était convié, mais la maitresse de ces lieux voulait s’attarder spécialement sur cette jolie rouquine qu’elle semblait déjà apprécier, surtout quand elle rajouta avec une touche d’humour qu’elle sauverait son fils à chaque fois. Rassurée de voir les deux femmes semblant bien s’entendre -en même temps, entre une mère cuisinière apeurée pour son enfant et une sauveuse aimant la patisserie-, la blonde lâcha un long soupir, le dernier d’une après-midi compliquée. Voilà un beau rayon de soleil pour débuter la seconde partie de cette journée. Elle sentit le regard de son ainé sur elle et alla lui répondre en lui rendant son sourire.

« Tu es autant le bienvenu ici que Judith. Plus même ! » ajouta-t-elle en rigolant. Le chauve se joignit au duo, offrant une tape amicale dans le dos d’Answald.

« Après vous Answald. Et excusez-nous, nous ne nous sommes pas présenté. Je m’appelle Hervé et ma femme Lola. Si notre fils n’a jamais parlé de nous, au cas ou. Venez, dégustation pour vous trois. Par contre fiston, évite de raconter de quoi cette petite demoiselle t’a sauvé, tu connais ta mère. »

Morgane hocha sagement la tête et vit son père s’éloigner vers les cuisines pour aller chercher de quoi gouter. La blonde se permit d’attraper le bras d’Answald amicalement pour le mener donc vers les deux plus vieilles femmes du restaurant, ne lâchant son ami qu’une fois installée sur la banquette. La plus jeune n’était pas revenue ici depuis longtemps et ses doigts vinrent gratter puis caresser le tissu en velours qui recouvrait la banquette, comme lors de son enfance. Petit tic datant de toujours à cause de son hyperactivité et de ses nombreux moments de stress, comme à ce moment-là, même si le pire était passé. Essayant de comprendre le sujet de conversation entre sa mère et Judith, il semblait que la blonde avait déjà demandé de quoi la rousse avait sauvé son fils et son ex beau-père. Bientôt, le regard identique que partageait Morgane et sa mère se croisèrent, avant que celui maternel ne se dépose sur les nombreuses écorchures de son fils, observant ensuite Answald.

« D’autres blessures à déplorer ? Heureusement qu’il y avait Judith hein ! Non mais quelle idée de se balancer en enfer. Je ne peux même plus t’envoyer acheter du pain maintenant ? Tu vas me faire avoir des cheveux blancs Morgan. » se plaignit Lola avec un air excédé mais terriblement apeuré, prenant son visage entre ses longs doigts fins et ridées. Ce a quoi Morgane essayait de répondre par un sourire forcé et gamin, tentant d'amadouer la sévérité de sa mère.

Vu le regard que lui lança sa mère, le visage de Morgane se fadât rapidement, rentrant sa tête dans ses épaules avant de s’enfoncer dans son siège, ses yeux partant à la recherche de son paternel. Elle ne pouvait rien ajouter d’autre. A part un sourire et un regard à l’encontre d’Answald devant son compliment. Elle en aurait presque pris des couleurs si elle ne les avait pas déjà à cause des remontrances de sa mère. Puis arriva Judith. Avec ses grands sabots.

« Retrouve-toi dans l’institut entourée de mutants et de sorciers qui veulent ta peau. On verra après. »

« Morgan ! »

« Mais quoiiii ? … Ouais, pardon, c’est les hormones. » sortit-elle comme excusant, s’enfonçant toujours plus dans le siège, montrant clairement qu’elle en avait déjà marre. Merci Judith, trop sympa. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, c’était une démone après tout. Et elle lui devait bien ça. Enfin, elle lui devait les gateaux. Ah, en parlant de ça, le crane chauve d’Hervé arriva dans le champ visuel de son enfant avec un plateau présentant un gateau multicolore par la présence des M&M’s et par celle de la licorne à la chevelure arc-en-ciel faite en pate à sucre. Par un automatisme remplit de gourmandise, le corps de la blonde se releva légèrement avec un petit rire.

« Woah, papaaaa ! Tu t’es gavé ! » s’exclama Morgane en tapant dans ses mains, comme si les engueulades de sa mère étaient déjà passées à la trappe.

« Vous ne m’avez toujours pas répondu jeune homme. » s’exclama Lola avec un regard à nouveau sévère, parlant à son « fils ». La ciblée grimaça, essayant d’observer son dos, puis Answald.

« Ouais, on est un peu… »

« On les soignera après Lola, ils sont en vie, tout va bien, ils veulent juste manger et se reposer. »

« Ca peut attendre pour moi, j’ai que des égratignures. Et toi Ans’ ? »

Hervé découpait déjà le gâteau, servant les parts à chacun. La licorne alla dans celle de Judith que Lola tendit. Parts distribuées bientôt, mais Morgane attendit sagement la réponse de son ami pendant que le dernier mangeur s’installait à table, commençant à manger la merveille chocolat-framboise.

Morgane accueillit la réponse d’Answald avec une moue assez discrète, joignant un froncement de sourcil léger. Ils avaient morflé. Ils le savaient. Essayant d’empêcher son regard de montrer son inquiétude, elle lui sourit calmement avant de s’emparer d’une cuillère mise à disposition et d’entamer ce qu’elle adorait le plus au monde : les gâteaux de son cher paternel chauve. Le visage sage de la blonde s’éclairait quelques instants avec les diverses réactions de Judith pendant qu’Hervé rigolait bêtement de la même manière que Morgan quand il faisait l’idiot. Tel père tel fils. Lola, elle, avait fini par laisser le dernier mot à son mari -pour une fois- et décida de manger le gateau en offrant des milliers de sourires à Judith, n’attendant qu’une chose : que son assiette soit vide pour la resservir. La véritable petite famille du bonheur, dans ses plus beaux jours si on oubliait les égratignures et le silence des deux rescapés. Morgane essayait de ne pas casser l’ambiance, mais il fut difficile pour elle de garder sa pseudo bonne mine quand Answald parla de partir. Elle s’arrêta de déguster ce pseudo gouter en l’observant silencieusement, avant d’avaler ce qu’elle avait en bouche.

« D’accord, je comprends. Hm. Moi-même je… Retournerai à l’institut après. L’infirmière ou l’infirmier de l’école pourra me soigner ça sans souci. Ne t’en fais pas maman ça ira. » prévint-elle alors que la blonde commençait déjà à ouvrir la bouche pour obtempérer. Mais elle savait que finalement, la magie serait celle qui apporterait les meilleurs soins, meilleurs que les soins maternels. Elle finit par hocher la tête et observa Judith avec un grand sourire.

« Dites-moi Judith, Morgan m’a dit que vous étiez une démone ! Comment ça se passe, d’être une femme, en enfer ? »

« Pitié maman… »

« Quoi ? Je demande, je m’intéresse à tout ce qui nous entoure ! Je n’ai pas l’habitude d’avoir d’autres anormaux à part toi et ton cousin ! » s’exclama Lola, avant de subitement marquer un blanc dans la conversation. Sa fille l’observa et se vengea sur le dernier morceau de gâteau qui restait dans l’assiette avant de s’essuyer la bouche et de se lever. Afin de ne pas déranger Answald, elle se mit gaminement debout sur la banquette et l’escalada pour atterrir de l’autre côté, sur une banquette vide.
« J’ai fini, je rentre. » expliqua-t-elle en même temps que ses pieds touchèrent enfin le sol. Ses lèvres allèrent claquer la joue de chacun de ses parents tandis que son regard se porta ensuite sur Judith.

« Encore merci de nous avoir aidé, c’était cool. » Ni une ni deux, ce fut au tour d’Answald. « Désolée encore pour cette journée... et merci. On se voit à l’institut ? » posa-t-elle mais sans attendre de réponse, lui offrant un sourire désolé face à ce départ précipité. Mais après cette journée, elle savait qu’elle aurait du mal à reparler de Krysten, la première fois dans la journée l’ayant conduit dans une colère monstre.