Je me retrouvais avec un bébé venant à peine de naître dans les bras. Un truc minuscule, et heureusement pour lui parce que, ne sentant pas son poids, ça m'évitait de me rappeler à quel point, je rêvais de le balancer contre un mur.
Horripilé, agacé, énervé, voire juste furieux, j'étais prêt à tuer la première personne qui oserait être désagréable avec moi, même sans le vouloir.

Heureusement... Il existait dans cet enfer, bouillant de conneries de démons en tout genre, des personnes en qui je croyais un peu plus. Dans le sens où ils étaient suffisamment intelligent pour me comprendre un minimum.
Et franchement, vu que je ne savais pas tout à fait quoi faire de ce bébé, hésitant entre quelques choix, j'avais besoin que quelqu'un me dise ce qu'il pouvait y avoir de mieux.
Parallèlement à ça, je sentais quelque chose de désagréable me picorer un bout d'esprit, comme voulant le récupérer. Mais ce n'était jamais que Ray qui pensait que notre pacte était achevé du fait que j'avais failli buter l'autre chienne. Je ne le laissais pas faire et luttait contre lui sans trop de difficulté.

Je finis par trouver Belial chez lui. Encore. Je débarquait en étant plus harassé que jamais et je me demandais si je n'allais finalement pas lui filer le bébé et me barrer pour récupérer l'autre et les achever tous les deux.
Bref.

- J'ai pas envie de te faire un résumé, je sais que tu sais, alors je vais être bref : Je bute ce truc, je vais chercher sa soeur et je les bute tous les deux, ou je garde ce mioche en vie et fait en sorte qu'il ne soit pas un déchet stupide ?

Je savais qu'il allait dans l'éventualité, ne pas être content de ma façon de lui parler, mais je n'étais pas d'humeur à autre chose. Pour le moment. Après j'aviserais.
Je songeais un instant au fait que si je finissais par garder le bébé dans mes bras qui avait au moins cet avantage pour lui d'être un démon, j'allais devoir lui trouver quelqu'un pour l'élever. Non parce que merde, je vais pas jouer les pères poules non plus. Sauf que vu qu'il y aura toujours une chance pour que ce gosse soit dans les bras d'un abruti....et merde.

Je sais pas à quoi je m’attendais, mais sûrement que je m’attendais pas à ça. Je veux dire, je sais que mon frère est un excentrique aux réactions assez particulières, et que j’étais sûrement une des rares personnes à le connaître au point de pouvoir l’appréhender de temps en temps, mais là.
Là… Je me fis arracher l’enfant que je tenais dans mes mains, observant l’homme face à moi le serrer comme s’il était le sien – honnêtement s’il le voulait c’était tant mieux hein, moi j’en avais rien à foutre, je voulais pas d’un gamin -.
Finalement je compris rapidement de quoi il s’agissait. Ce n’était pas tant Bélial qui se trouvait face à moi, mais plus son vaisseau. Bon sang, ne pouvait-il pas le tenir en laisse ?!
Je grimaçais, les humains m’agaçaient. Trop sensibles.

- Tu peux me couper la bite, elle repoussera, connard.

Je m’en foutais totalement. J’étais le roi de la souffrance, un de ses maîtres – parce que bon, j'en étais pas le créateur, c’était Dieu qu’avait dit « ok maintenant les humains vous aller douiller » c’est pas moi hein -. Mais merde, je demandais pas à ce qu’il s’occupe de lui, je demandais à avoir un avis.
Déjà que j’étais bien agacé que ces choses étaient nés, mais fallait en plus que je me tape un crétin de vaisseau qui m’avait déjà saoulé.
Bordel. C’était pas mon jour.

- …Tu peux me dire ce qui te prends ? rétorquais-je soudain avec froideur : Déjà tu laisses ton connard de vaisseau faire une putain d’apparition, et en plus merde, c’est quoi ton petit numéro là ? Depuis quand t’es aussi niais qu’un humain ?

Putain. Je savais que Bélial avait une « sensibilité » plus grande  que moi pour les humains, mais merde. Y avait des limites. Je lui arrachais à nouveau le gosse.

- Je fais ce que je veux de cette chose. Et vu ton état chelou, je préfère m’en occuper si jamais tu m’fais vraiment chier à pas vouloir le tuer. Pourquoi je le garderais d’ailleurs ? Je veux dire, cette merde est né d’une chienne. La dernière fois que j’ai eut un gosse, même en le gardant sous mes yeux, ça a fini par être une grosse fiotte.

Je sentais qu’il allait encore me piquer une crise, et me préparait à garder l’enfant s’il fallait, quitte à le tuer sous ses yeux pour le raisonner.

Je savais qu’il s’approchait clairement pour récupérer l’enfant, mais je ne comptais pas lui donner. Ni le laisser le reprendre. Pas quand il était dans cet état. J’étais même prêt à disparaître s’il fallait, pour qu’il arrête ces conneries.
D’habitude, j’aurais esquissé un sourire pervers à l’idée d’avoir son poing dans mon cul, mais pour le coup, je le prenais plutôt mal, et le fusillais du regard. Je détestais son vaisseau, alors je ne voyais pas pourquoi je serais content qu’il le laisse faire ce qu’il veut. Ce n’était même pas digne de lui, c’était idiot, et ça me dérangeait tellement…
Et je ne comprenais pas le rapport entre ce qui avait pu se passer pendant que je dormais, et son comportement d’idiot.

Je détestais la façon dont il me parlait. J’avais envie de lui cramer les entrailles, et il avait de la chance d’être mon frère, sinon, je l’aurais fait depuis longtemps. Il m’insultait, il piétinait mon orgueil, et pire encore, il me comparait à l’Autre là-haut, en train de prendre du bon temps.
Je le vois qui peut alors, s’il le veut, me prendre l’enfant.
Il se fout de moi c’est ça ?
Hors de question que je lui laisse, après la comédie – ou la tragédie ? – qu’il vient de me faire. Je le fixe d’un air particulièrement froid et me recule :

- Je ne sais pas si mon égo me bouche vraiment les oreilles, mais je me demande surtout ce qui te bouche ton intelligence, en ce moment même. Peut-être cet instinct paternel dont tu te vantes apparemment d’avoir.

Je serrais le machin dans mes bras. C’était tellement petit. Pouvait-on appeler ça un enfant ? Il avait vraiment de la chance d’être né démon. Je l’aurais égorgé bien avant, sinon.

- Mais ça se voit que t’as jamais eu de gosses. Tu crois savoir ce que c'est, mais tu ne sais pas. Et je t’interdis de me comparer à l’autre Crétin qui crèche là-haut. Quand je vois ce qu’est devenu mon unique fils, je n’ai pas envie d’avoir une nouvelle erreur dans la famille. Donc tu sais quoi ? Finalement, tu m’as aidé à prendre ma décision.

Et bien évidemment, je ne comptais pas lui dire, mais je savais qu’il savait d’une façon ou d’une autre. Tant pis pour lui. Ce truc minuscule méritait de crever, finalement.
Je laissais mon pouvoir découler dans ce gosse dans le but de le tuer. Je reculais encore, prêt à disparaître dès l’instant où Bélial essayerait de le récupérer. Il pouvait toujours essayer. J’étais plus fort que lui.

Je ne comprenais rien de ce qu’il me racontait, mais j’étais sûr d’une chose : durant mon siècle de sommeil, il avait vécu quelque chose qui l’obligeait à s’exprimer aussi violemment. Seulement, ça n’était pas une excuse pour que je me calme.
Loin de là.

Alors que j’étais en train de commettre mon meurtre dans mon coin, je vis rapidement des lames m’encercler. Quoi, il pensait que ça me faisait peur ? Je ne pouvais pas mourir. Je pouvais me protéger comme je voulais.
Je l’entendis me provoquer. Je l’entendis me rappeler qu’il avait ce pouvoir lui permettant de tout savoir. Je me sentir sourire en coin, froidement.
Pour ce gosse, il était prêt à me trahir.
La rage qui me monta au ventre, fut suffisante pour laisser échapper une onde de choc brutale, repoussant les lames avec violence.

- Si je tues ce morveux à deux balles, tu comptes trahir tout ce dont on a convenu, c’est ça ? Demandais-je d’une voix trop doucereuse, qui cachait la tempête s’abritant en moi. Si je tue cette chose, qui n’aurait même pas dû naitre, et qui vient d’une merde de chienne, tu comptes tout briser, c’est ça ?

Je répétais ma question d’une façon différente, mais cela voulait tout dire.
J’entendis les lumières flancher, et une de ses ampoules exploser. Une des vitres venaient de se fissurer.
Je m’avançais vers lui, laissant le bébé subir encore mon sort consistant à le tuer.

- Vraiment ? Tu te fous de ma gueule c’est ça ? Je veux dire. Je sais pas ce qui a pu t’arriver pendant que je dormais, mais t’as du tomber sur la tête un bon coup. Cette chose n’est même pas à toi. Cette chose n’est qu’une erreur conçue par une pute, une connasse de servante de notre très cher père qui a pensé bon de nous envoyer ces merdes pour m’annihiler à nouveau. Et tu veux garder un résidu de ce truc ? Il n’a même pas encore de personnalité, il ne vient pas de toi, alors tu sais quoi ? On s’en fout.

Je m’avançais mais restais à distance. Je n’avais pas envie qu’il me l’arrache des bras. Je sentais l’air devenir froid, et je savais que dehors, le ciel devait virer au gris au moins sur quelques mètres.

- ON S’EN FOUT PARCE QUE PUTAIN DE MERDE JE SAIS PAS A QUOI TU JOUES MAIS TU PEUX TOUJOURS TENTER DE M’ATTEINDRE PARCE QUE JE COMPTE BIEN LA TUER ! SURTOUT APRES TON PUTAIN DE COMPORTEMENT !

La foudre tomba dehors.

Il continue de me faire face et je sens toute sa haine et sa colère. Au fond ça ne fais qu'attiser la mienne. Je laisse le sol se mettre à trembler de plus en plus.
Toutes les paroles qui suivent n'aide pas à me calmer. Si lui peine à se retenir de me tuer, c'est la même chose pour moi. Alors c'est le reste qui prend.

Je sais que je suis un être égocentrique et de fait j'en suis peut être même plutôt fier. Mes yeux brûlent de colère. Ne pas écouter ses conseils. Quels conseils ? Il s'est emporté d'un seul coup sans prévenir sans avoir de réponse raisonnable. Et après, c'est moi l'egocentrique dans le tas.

J'avais presque envie de lui rire au nez. Il prétendait pouvoir disparaître. Je pouvais retrouver qui je voulais quand je voulais et même si je ne le pouvais pas, sa disparition ne changerait pas grand chose. Il ne pourrait pas faire de ma vie un cauchemar, déjà parce que je ne dormais pas et ensuite parce que j'étais bien plus fort que lui.
Preuve en est que le sol tremblait encore et encore. Il pleuvait dehors. Et je pense que le vent était entrain de se lever.
En plus il me provoquait.

Il me faisait la morale a deux balles ne faisant qu'exposer des vérités qu'il jugeait vrai. Il s'emporta encore sur l'enfant et je levais un sourcil. Cette chose n'était pas mignonne. Au mieux elle ressemblait à un singe.
Son discours était long et j'avais sincèrement envie de le faire taire pour toutes les inepties qu'il réussissait à sortir. Je le pensais plus intelligent. Au fond j'avais raison de dire que cet enfant le rendait idiot. Ce pourquoi il ne serait pas une grande perte.
A son dernier discours, la terre avait cessé de trembler mais je saisis de mon frère d'une seule main, l'autre tenant le truc qui peinait à vivre encore.

- C'est moi l'egocentrique, vraiment ? Excuse moi, mais alors que je venais simplement chercher un conseil, je n'ai reçu jusque là.... QU'UNE AGRESSION D'UN VAISSEAU QUE TU PEUX MÊME PAS TENIR, DES RÉACTIONS EXAGÉRÉES ET UNE HISTOIRE QUE NON, JE NE PEUX PAS COMPRENDRE PARCE QUE DEVINE QUOI ? JE DÉTESTE LES HUMAINS !

Un éclair passa juste à côté du bâtiment. J'espérais qu'il avait tué quelqu'un sur son passage. Ou provoquer un grave incendie.

- Mais dans ta tête ça fait juste de moi un idiot égoïste. Alors que pour le moment tout ce que je voulais c'était un avis propre et calme. Mais pour le moment tu n'as pense qu'à ton petit délire que "oooh les enfants c'est tellement mignon". Excuse moi, mais quand je vois la tronche de mon fils actuel je trouve pas ça mignon du tout. Et carrément idiot.

Je le relâchais brusquement et soufflais encore de colère.

- Alors maintenant, et ce, avant que je ne bute réellement ce gosse parce que tu me casses les burnes avec ton caprice, je te laisse une dernière chance.

Je soulevait le gosse qui semblait en larmes sûrement à cause de la douleur que je lui avais infligé.

- Est ce que ce gosse mérite de vivre ou je dois m'attendre à voir apparaître un Roch numéro 2 ? Parce que franchement, déjà que j'en voulais pas et que j'ai pas pu récupérer sa soeur, s'il ne me sers à rien je n'ai pas envie de le voir.

J'étais prêt à l'écouter. Mais s'il essayait une seule seconde de reprendre le gosse ou si son vaisseau faisait des siennes ou s'il agissait comme un imbécile, je n'étais pas sûr de pouvoir tenir.

Je regardais le machin se nourrir. J’avais conscience que si je le gardais en vie, ça voulait dire s’en occuper. Sinon, je savais pertinemment que Bélial allait me faire une nouvelle mascarade, et bordel, je n’avais pas envie de supporter ça.
Au pire, je verrais. Je pourrais toujours lui trouver des « baby sitters ». J’en connaissais un qui serait ravi, vu comment il voulait s’accaparer le môme.
Ceci dit, il eut au moins l’idée de m’aider à lui trouver un nom. Eleazar. Je tiquais quand il annonça que ça lui irait bien.
Il savait que ce nom venait très certainement de l’hébreu, et que y avait, encore plus de chances qu’il contienne le mot dieu en lui ? Je grimaçais, mais sur le coup, je n’avais aucune envie de nommer ce truc, et il fallait bien l’appeler par quelque chose.
Je finis par laisser échapper un soupir :
- Y a peut-être des milliers de choix, mais j’ai la flemme de trouver, alors ça sera ce que tu as dit.

Eleazar.
Il allait falloir que je m’habitue à nommer la chose, maintenant. D’ailleurs, il semblait avoir fini de manger. Je lui retirais le biberon, et l’observais, en faisant disparaître l’objet.

- Au moins je suis sûr que ça sera pas sa mère qui va l’élever.

Je le vis s’agiter presque un peu, avant de fermer ses yeux. J’avais oublié que ces machins, ça dormait vite, et beaucoup.
Je lâchais un soupir, posant ma tête contre le canapé :

- Parmi tous les noms du monde, pourquoi celui-ci, au fait ?

C’est bien ce que je pensais. Il avait choisi pour mon fils, un nom redoutablement ironique. Mais ses raisons passaient. Même si je tiquais à la première, je préférais déjà de loin la seconde, et la troisième.
Bien que je sentais encore la colère bouillonner en moi, la troisième eut au moins le mérite de m’arracher un vague sourire en coin.

Peut-être que Bélial en profita pour toucher à la chose qui avait maintenant un nom. Je le laissais faire, mais je détestais son sourire niais. Franchement, qu’est-ce que les gens avaient à trouver les bébés mignons ? Merde, ça avait même atteint mon propre frère ! Il faudrait que je demande à Claunech ou Aguarès ce qu’ils en pensaient.
Une seconde, je songeais à tous les enfants que Paimon avaient pu avoir, même avant mon sommeil, et me disait que peut-être que Paimon aimait les bébés. A cette idée, je ne pus m’empêcher d’avoir un rire sarcastique mental.

C’est à ce moment-là que Bel me parlait de faire roter le bébé. Génial, je me transformais vraiment en père, hein ? Et j’avais pour guide un type complètement gaga qui m’inquiétait encore un peu.
Je laissais échapper un soupir :

- Il est en train de s’endormir là.

Mais je n’avais pas envie de m’emmerder à devoir gérer les merdes, alors je le réveillais un peu pour le forcer à roter. Je savais qu’il fallait être doux et délicat, et c’était assez horrible pour moi. Je ne disais pas que parfois je n’étais pas subtil, au contraire, mais... Eurk. Je n’avais aucune envie de me transformer en papa poule.
Néanmoins je m’exécutais, et lui donnais des « légères » - rien que ce mot me dégoutait – tapes sur le dos pour qu’il finisse par régurgiter.
Quand j’ai créé les démons, j’aurais dû faire en sorte qu’ils soient un peu moins humains. Mais bien évidemment, il fallait que je sois moins puissant que mon propre crétin de père.

- C’est bon, t’es content ? Non parce que je ne sais pas si t’as vu sa gueule, mais il veut pioncer.

Je le laissais dans mes bras – ça serait mieux que dans ceux de Bélial qui était trop…Trop à mon goût -. J’observais la ch…Eleazar s’endormir à nouveau, et soupirais :

- Heureusement qu’en enfer il n’aura pas besoin de bouffer. J’ai même envie de pas le laisser comme ça, je me vois pas jouer la baby sitter, putain. D’autant que là il est tellement inutile…
Mais le faire grandir d’un coup comportait un grave risque : celui qu’il s’éduque mal. Et ça, il en était hors de question.