Complètement déboussolée, voilà comment se sentait Mariama à cet instant. Ses yeux bleus scrutaient le hall dans lequel elle venait de pénétrer, valises à la main, et tout lui paraissait hostile. En réalité, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait ici. Pire encore, elle n'avait aucune idée de ce qui avait poussé sa vie à prendre ce tournant. Elle, une mutante... Elle avait davantage la sensation d'être un monstre. Le genre de monstre qu'on allait regarder et pointer du doigt pour le restant de sa vie. Elle n'avait jamais demandé, elle, à ce qu'une chose pareille lui arrive. Jusque là, sa vie lui plaisait et elle ne comprenait pas pourquoi il avait fallu que des gènes d'un homme qu'elle n'avait jamais connu viennent se mêler de tout ça.

Elle restait là, plantée debout au milieu du hall, en évitant soigneusement de croiser le regard de ceux qui s'y trouvaient également. Elle n'était pas certaine d'avoir envie de faire leur connaissance, et un milliard de questions lui tournaient dans la tête ; étaient-ils contents de ce qu'ils étaient ? N'avaient-ils pas l'impression d'être totalement anormaux, tellement anormaux qu'ils en devenaient dérangeants ? Mariama ne se sentait pas réellement à sa place. Sa vie avait été trop normale pour qu'elle se sente concernée par sa mutation... Elle n'avait jamais côtoyé de mutants, ni de sorciers, ni rien de toutes ces choses totalement dingues qui allaient devenir son quotidien...

Elle sentait une boule grandir dans sa gorge, comme une angoisse difficile à retenir. Elle se sentait perdue, et ses doigts se serrèrent encore davantage sur l'anse de sa valise. Enfin, elle fini par relever le regard sur les autres personnes qui évoluaient autour d'elle. Elle savait qu'il faudrait qu'elle parle à l'une de ses personnes, mais elle était comme figée sur place, incapable de se mouvoir, incapable d'aller à la rencontre de qui que ce soit. Tout ce qu'elle voulait faire, à cet instant très précis, était de fuir loin de cet Institut et retrouver sa vie d'avant...

Un franc sursaut ébranla son corps lorsqu'une voix s'adressa à elle, et il lui fallu quelques secondes pour se rendre compte qu'une femme se trouvait face à elle. Une femme qui attendait visiblement un heureux événement, à en croire l'arrondi que son ventre dessinait sous le tissu de sa robe. Un léger sourire étira les lèvres de Mariama à cette constatation, se fanant lorsqu'elle releva le regard sur le visage de la femme qui l'avait ainsi sortie de ses pensées. Elle lui adressa un bref sourire poliment, avant de resserrer son emprise sur sa valise et de déglutir. "Je... euh... Bonjour..." Son manque d'éloquence trahissait un stress certain, qu'elle avait bien des difficultés à maîtriser, mais qu'elle se forçait à ne pas trop laisser grandir. Elle savait très bien ce qui arriverait, si le stress se muait en angoisse, et elle n'avait pas envie de se faire remarquer dès son premier jour dans cet étrange endroit.

"Je... Je m'appelle Mariama. Enfin, vous devez le savoir, j'imagine, mais en réalité, je... je ne savais pas quoi dire d'autre, alors... Pardon." Elle décida de se taire, se maudissant intérieurement de perdre ainsi ses moyens. Il fallait bien avouer, aussi, qu'elle n'était plus très sûre d'elle dans cet endroit qui lui était tout, sauf familier. "Vous êtes une élève, vous aussi ?" demanda-t-elle alors, en revenant fixer le ventre qui cachait une petite vie innocente et en déglutissant de nouveau. Non, bien sûr que ce n'était pas une élève, elle l'avait appelé jeune fille, cela devait bien montrer un certain statut. Professeur, certainement... Alors, avant que son interlocutrice n'ai pu réellement répondre à cette stupide question, Mariama ajouta avec un petit sourire désolé : "Enfin, non. La question était stupide, pardon. Je... Je me sens un peu perdue. Excusez-moi."

Un peu perdue était, d'ailleurs, un euphémisme certain... et il fallait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte, en réalité.

Chelsey se montrait avenante, compatissante même, avec Mariama. Et cela fut une petite consolation pour la jeune femme, qui n'en restait pas moins totalement bloquée par l'endroit dans lequel elle venait d'arriver. La professeure su trouver les mots justes à poser sur la détresse de son élève et Mariama lui offrit un sourire sincère, même s'il ne resta pas longtemps accroché à ses lèvres. La future mère se présenta, présentant par la même occasion son rôle au sein de l'Institut, tout en posant une main sur l'épaule de Mariama. Main sur laquelle la nouvelle arrivante loucha quelques instants, avant de sourire un peu de nouveau. "Cet endroit a l'air... grand." fini par dire Mariama, avant de se mordiller un peu la lèvre. "Il y a beaucoup de gens comme... comme moi, ici ?"

La question paraissait un peu naïve, mais sous-entendait plus clairement un questionnement sur le fait de savoir s'il y avait d'autres élèves qui possédaient la même... capacité qu'elle. Cependant, Mariama n'expliqua pas le fond de sa question, attendant simplement une réponse. "Est-ce que... Est-ce que les chambres sont individuelle, ou... ? On m'a donné une clef, et un numéro de chambre, mais je n'en sais pas plus, en fait. Et... Et je dois avouer que je stresse un peu... Enfin... Je ne voudrais pas me faire étrangler dans mon sommeil, ou quelque chose dans le même genre..." Elle dû se retenir au dernier moment d'ajouter quelque chose comme "c'est ce que les monstres font" ; inutile de se mettre à dos un professeur dès le premier jour.

D'autant plus qu'à y regarder de plus près, les élèves et les professeurs qui évoluaient dans ce hall ne ressemblaient pas tellement à des monstres. Pas plus qu'elle-même, ou que Chelsey et son ventre rond...

Elle se mit à déglutir légèrement en apprenant que les chambres n'étaient pas individuelles. D'une part, elle portait ce stress lié à toutes ces nouvelles choses qu'elle devait découvrir : les mutants, les sorciers... tout ce monde qui semblait tellement éloigné de celui dans lequel elle avait grandit. Et, en tant qu'enfant unique, elle n'avait jamais eu à partager son espace vital avec qui que ce soit. Ce serait une grande première, pour elle. Et ce n'était pas pour la rassurer. Pourtant, le professeur essayait de faire baisser un peu la pression, palpable, de la jeune fille en lui assurant qu'elle-même avait été élève et que personne ne l'avait jamais étranglé. "Espérons que je ne sois pas un premier cas de strangulation, alors." avait lâché Mariama, sur un ton faussement humoristique, avant de soupirer un peu en se détendant à peine.

"Je... Je ne suis pas à l'aise. Pas seulement avec cet endroit... Je... Je ne sais pas comment interpréter ce qui m'arrive... Je... Je viens d'une famille tout ce qu'il y a de plus normale, mes parents n'ont rien de particulier, alors... pourquoi moi ?" Elle avait lâché tout cela sans trop faire attention, laissant juste son esprit divaguer un peu et ce qui la tiraillait sortir enfin tel qu'elle le pensais. "Je n'ai pas envie d'être ici, Madame. Je ne suis pas faite pour ce monde. Je ne sais même pas pourquoi je suis là. Est-ce qu'on s'habitue à ça ? Avec le temps ? Est-ce qu'on accepte ?" Mariama posa son regard sur le ventre de son interlocutrice. Quelque part, se disait-elle, peut-être qu'on finissait effectivement par l'accepter. Si cette femme était capable de fonder une famille, c'était qu'elle avait su accepter ce qu'elle était, n'est-ce pas ?

Attentive, Mariama écoutait ce que Chelsey avait à lui dire. Elle avait besoin d'entendre tout ça, d'entendre qu'elle n'était pas un monstre et d'entendre que tout irait bien. Elle n'était pas d'un naturel pessimiste, elle avait simplement peur, et elle était encore chamboulée par tout ce qui lui était tombé dessus en si peu de temps. Elle se permit un sourire sincère, en essayant de détendre un peu son corps. "Merci." lâcha-t-elle doucement, simplement, avant de regarder autour d'elle.

"J'aimerais bien pouvoir poser mes affaires dans ma chambre. Est-ce que vous pouvez m'y emmener ?" demanda-t-elle d'un ton poli, en essayant de chercher du regard l'escalier conduisant aux dortoirs. "On ne m'a pas encore donné mon emploi du temps. On m'a juste dit que je suivrais les cours liés à mon pouvoir, ou quelque chose comme ça, mais que je pourrais continuer mes études à côté. Il faut que je vous donne mon emploi du temps ou un justificatif de scolarité, quelque chose comme ça ?" Elle n'avait pas tellement d'informations, finalement. Ceci était certainement lié au fait qu'elle n'avait pas non plus beaucoup écouté le speech de bienvenue, il fallait bien l'avouer...