Si j’appréciais mes pouvoirs, j’avais tendance à facilement penser que d’autres, selon les situations, me seraient bien plus utiles. Mes pouvoirs étaient offensifs et allaient plutôt bien avec le tempérament que j’avais. Mais pour les urgences ou il n’y avait aucun ennemi à faire trépasser, c’était autre chose, surtout quand il fallait se déplacer. C’était d’un pas rageur que j’arpentai les couloirs de l’hopital à la recherche du secteur dans lequel se trouvait Alex. C’était un membre du corps enseignant ayant remarqué notre promiscuité qui m’en avait alerté par sms. Je ne savais pas si Tyana et Caïn étaient au courant, mais en fait, je n’avais même pas pensé à eux, oubliant trop souvent le lien qu’ils entretenaient. Mon cerveau avait tendance à m’en délester et je le remerciais allégrement de faire ce genre de tri.

D’un pas rapide et agité, je finis par me calmer quand je vis le numéro de chambre que m’avait indiqué l’accueil. Je finis par toquer, attendant une réponse par politesse. S’il n’y en avait pas, je n’aurai plus qu’à entrer pendant que la patiente de la chambre dormait. Je priais pour qu’elle me réponde. J’avais tendance à voir la pire des situations et son absence de réponse ne ferait que m’inquiéter. Je ne savais même pas si je serai capable d’attendre son réveil, inquiet par un possible coma ou un malaise. Bon sang. Je recommençais. Je fis grimacer mon visage avec le passage de mes mains dessus pour me reprendre.

Une réponse plus tard, j’étais déjà rentré, soulagé d’entendre sa voix mais inquiet par le manque de vivacité à laquelle elle m’avait habitué depuis que nous nous connaissions. J’arrivais les mains vides, plus pressé de la voir et ne pensant pas réellement à jouer l’ami galant ou attentionné. Mes attentions étaient formulées d’une autre manière, rien que par mes inquiétudes. Combien de personnes avaient cette sorte de « privilèges » de ma part ? Très peu. Ma mère était l’une des rares personnes envers qui je pouvais me montrer ainsi. Elle disait qu’elle avait de la chance, je trouvais que c’était le contraire. J’avais tendance à trop être paternaliste et protecteur envers ces personnes. Je ne m’étais pas encore montré sous ce jour à Alex. J’avais plutôt joué le maladroit devant elle, ce qui n’était pas habituel de ma part.

J’offris un sourire quand nos regards se croisèrent et tentais de calmer mon rythme cardiaque ainsi que mes pensées. Attaché, je ne restais pas moins professeur et connaisseur de sa jeune mutation, la boule de nerfs inquiète que j’étais n’allait pas l’aider. Heureusement pour elle comme pour moi, j’étais conscient de ça et j’avais une grande facilité à maitriser mes émotions. C’est donc d’une démarche moins vive et plus douce que je me rapprochais du lit et de sa propriétaire temporaire, sur laquelle je me penchai pour déposer un baiser sur son front, lui offrant toute mon attention. Ma main alla chercher l’une des siennes.

« Comment vas-tu ? Roméro m’a prévenu que tu étais ici mais ne m’a rien dit d’autre. Tout va bien ? »

Elle allait bien. Rien que ça me permettait de me calmer et de dissiper les dernières vagues d’inquiétudes et de diverses émotions qui me parcouraient. J’avais beau avoir un assez bon contrôle de mon conscient, je n’en restais pas moins un homme avec des faiblesses quand une personne à qui on tenait avec un souci. J’avais oublié ce que ça faisait que de s’inquiéter pour quelqu’un depuis la mort de ma mère. Puis Charlie avait rencontré ma route et depuis, cette sensation d’être un père faible et toujours soucieux pour sa fille se faisait ressentir. Face à toutes ces faiblesses que me faisait ressentir Alex et ma petite tête blonde, je remerciais le ciel de ne pas les avoir mis en travers de ma route plus tôt que ça. A partir de maintenant, tout devrait bien aller. Je soulevais nos mains liées vers mon visage pour l’embrasser doucement, n’osant pas faire plus.

« Je suis désolé que l’institut ne t’aide pas plus que ça à contrôler rapidement ton pouvoir. » Je soupirai. Je maudissais son pouvoir à sa place. « Est-ce que… tu veux que je repose un bouclier pour te protéger des vagues d’émotions des autres ? » J’essayai de sourire, en vain. Cette proposition me rappelait trop la bataille sur le terrain de l’institut. Et puis l’idée d’annihiler son pouvoir me traversait l’esprit mais c’était égoïste. Même si on n’avait jamais vraiment eu le temps de parler de son point de vue sur son apparition. Finalement, je finissais par être moins égoïste en me demandant si ma présence ici ne l'était pas.

"Tu veux que je te laisse te reposer peut-être ? Tu as besoin de quelque chose ? Manger ou boire quoi que ce soit ?"

Me calmer. J’essayais d’être calme. Je ne l’étais pas ? J’en avais l’impression pourtant. Comme quoi, avec son pouvoir, je ne me sentais jamais sûr désormais. Elle savait plus que moi. Elle saurait plus que moi. Et je n’avais jamais vu tout cela sous cet angle. C’était… Dérangeant d’être lu. Je sentais mon père ricaner intérieurement, me faisant fulminer. Bientôt, ce fut son tour quand je lui rappelais avoir prévenu Alex de l’existence de l’âme de mon géniteur dans ma conscience, lors du bal, durant les explications sur ma relation avec Caïn. J’avais bien fait de lui en parler aussi tôt. Ça m’empêchait de devoir lui mentir et de devoir formuler une incantation pour l’empêcher de lire mon esprit. Je récupérais donc une certaine sérénité bien que je ne fusse pas tranquille quant au fait qu’une seconde personne puisse lire mon esprit. J’acquiesçai ses paroles. Elle était patiente. Tout le contraire de moi, qui ne supportait pas de retrouver un statut de débutant avec mon nouveau pouvoir. Je n’avançais pas assez vite à mon gout, je ne le contrôlais pas encore. Pire encore, j’en avais peur, quand je me sentais empli de cette énergie et que les gens que j’aimais étaient à mes côtés. Malgré tout, j’essayais de garder mon sourire. Elle, par contre, le perdit. Et c’est à mon tour que je le perdis, fronçant mes sourcils face à ses paroles. Mon pouce vint lui caresser le dessus de la main tandis que je prenais place correctement sur le lit.

« Je dois t’avouer qu’avec tout ce qu’il s’est passé, je n’ai pas souvenir de la discussion en attente. Mais je t’écoute. »

Inquiet ? A peine. Et outre le fait qu’Alex puisse le sentir, je me rappelais qu’elle pouvait en pâtir. Et si cette discussion ne tournait pas aussi bien, je ne ferai qu’empirer son état. Je me raclai la gorge et ajoutai avant que la véritable conversation ne débute.

« Je préfère te prévenir. Je n’aime pas qu’on sonde mon esprit de base et tu es assez dans un mauvais état comme ça pour que j’en rajoute avec cette discussion. Je ferme mon esprit pour l’instant. Tu n’as pas à t’en inquiéter, je serai honnête sur toute la ligne. »

Alex ne semblait pas offusqué par mes précédentes paroles et j’en étais soulagé. Encore plus quand elle m’annonça ce que j’avais oublié. Mais encore une fois, elle ne m’en tint pas rigueur. Et ça me rassurait sur le fait qu’on ne semblait pas se tromper, elle et moi, dans notre rapprochement. Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas senti sur la même longueur d’onde avec une personne. Encore plus avec une femme qui me plaisait.

« Je devrais être désolé d’avoir oublié cette discussion. Mais… » je rigolai doucement. « Je trouve ça touchant que tu te prennes autant la tête. Ça me rassure. Même si de l’autre côté, ça te tracasse et n’arrange pas ton cas. » Je replaçais une mèche de cheveux derrière son oreille en apportant sa main à mes lèvres. « S’il ne faut que ça pour apaiser ton mental… » Je me relevais du lit tout en gardant les doigts d’Alex entre les miens, et m’agenouillai par terre.

« Alex Anderson, veux-tu être officiellement sortir avec moi et me présenter aux autres comme ton petit ami ? »

J’avais beau être quelqu’un de sûr de moi et avoir les meilleurs éléments m’entourant pour favoriser une réponse positive, j’eus un moment de doute. J’avais peur de m’être accroché trop vite à Alex. Je ne savais pas pourquoi. Je ne sais pas si ça avait été un réel coup de foudre ou si je m’étais ravisé sur elle après l’échec qu’avait connu mon cœur aux côtés de Tyana. J’espérais juste ne pas me tromper. Mais les battements de mon cœur qui jaillirent quand Alex m’embrassa me rassura sur la véracité de mes sentiments. Sa réponse tout juste donnée avant calma le reste de mes doutes. Souriant à pleine bouche, je fermai les yeux pour m’adonner à son baiser, le lui rendant avec toute la joie possible qui m’habitait. Je perdais d’innombrables années et retournais dans mon adolescence à travers ces sensations que je n’avais pas ressenti depuis. Finalement, le baiser prit fin et je retournais auprès d’Alex en gardant mon sourire imprimé, malgré ses paroles. Mes mains continuaient de caresser les siennes.

« Je t’écoute. Autant partir sur de bonnes bases pour le début de notre couple. »

Partir sur de bonnes bases pour un couple. Pour un nouveau couple. Pour le nouveau couple que nous formions. Je restai attentif à ses propos, bien que mes sourcils vacillèrent quand un homme rentra dans le sujet. Un ex. Super. Je pinçai mes lèvres, m’efforçant de ne pas perdre en un millième de seconde mon sourire. Ça sentait rarement bon ce genre de discussions. Je pris une grande inspiration que je relachai en quittant Alex du regard en entendant le sujet principal de cette discussion. Aussitôt, le regard d’Aria me revint en tête, celui que j’avais croisé tout juste avant de me jeter dans le champ de bataille lors de l’attaque du Projet. Le regard à qui j’avais refusé ce dernier baiser, si je ne revenais pas. Et non, je n’allais pas revenir. Pas vers elle, en tout cas. Dans la vie, après, ça, c’était autre chose. Mais j’avais fait un choix, que je ne regrettais toujours as aujourd’hui. Repartir avec elle aurait été une bêtise. Je savais à quoi m’en tenir, pour cette histoire. Pour celle d’Alex et de ce Devin, par contre…

« Pourquoi tu viens d’accepter d’être ma petite amie alors ? »

Je relevai mon regard bleuté vers elle, prononçant cette phrase sans aucun reproche. J’essayai de comprendre. Si elle ne l’avait pas repoussé, pourquoi ne m’avait-elle pas repoussé à moi, alors ?

« A vrai dire, si je l’avais su avant de faire… ça… » Je parlais de ma demande « … je t’aurai alors proposé de mettre tout ça au clair avant de faire quoi que ce soit. » Je soupirai. « Tu sais ce qu’il en est de mes sentiments pour Tyana. Je ne te les ai jamais caché. Mais personnellement, aujourd’hui, j’ai avancé. Et je sais que je le peux encore plus. C’est différent, certes car… Il n’y a jamais eu de réciprocité. Mais je sais ou j’en suis. » Je pris une pause de quelques secondes, recommençant à offrir des caresses à la main que je tenais. « C’est à toi de me dire ce qu’il en est pour toi. »

Alex avait raison sur de nombreux points. Je commençais à la connaître et je pouvais comprendre ce qu’il en était vis-à-vis de son premier amour. Aria et Cristal me revinrent en mémoire. Mais je pensais être encore attaché à elle via mes paternités. Enfin, celle avec Charlie et celle que j’aurais dû gérer si Cristal n’avait pas disparu du jour au lendemain. Nous avions ça en commun, Alex et moi, des ex qui disparaissaient et qui réapparaissaient. Pour ma part seulement, l’armée n’avait rien à voir dedans… Je hochai donc négativement la tête, je ne pouvais pas les oublier, mais pas pour elles-mêmes en soi. Je soupirai, lâchant sa main pour aller engloutir mon visage avec les deux miennes le temps de plusieurs secondes. Bon sang. Dans quoi je m’étais mis. Pour une fois que j’arrivais à passer à autre chose, il fallait que la 2ème personne avec qui je pouvais former ce couple, elle, soit bloquée.

Mes mains se séparèrent de mon visage, après avoir laissé un blanc de plusieurs secondes. Je me frottais les mains dans une manie d’agacement, essayant de ne pas le laisser transparaitre sur mon visage. Je ne voulais pas qu’elle se sente coupable.

« J’ai… Pas envie de me lancer à corps perdu dans un relation. » finissais-je par sortir avec une certaine difficulté. Je ressaisis la main d’Alex. Je ne lui en voulais pas. Je la comprenais.

« J’ai mis trop de temps à réussir à me détacher de Tyana. J’ai connu trop de femmes avec qui j’ai voulu essayer et avec qui ça n’a pas marché. Pour tout te dire, moi aussi j’ai eu le droit au retour des amours de jeunesse. Mes deux premières véritables relations pour tout te dire. Et… » Je relevais le visage, avec un sourire presque amusé. « La première a re-disparu et je dois t’avouer que c’était mon envie de paternité qui nous avait remis ensemble. Et la seconde… N’a jamais atteint finalement les chevilles de Tyana. » Je me raclai la gorge. « Tu as été la seule jusqu’à présent. Et je préfère attendre que tu sois sûre de toi plutôt que d’être déçu plus tard et de t’en vouloir de m’avoir fait espérer pour finalement me lâcher pour un autre. » Je gardais mon sourire, même si la déception était clairement visible. Je me mis à lui caresser la main. « Mais sache qu’en couple ou pas, je ne suis pas prêt de te lacher. Tu pourras toujours compter sur moi, ensemble ou pas. »