Devant un miroir, je craquais ma nuque. J’aimais craquer les parties de ce corps qui était tout autant à moi qu’il ne m’appartenait pas. Ca détendait.
J’avais laissé pousser une légère barbe de trois jours, et portait sur moi une veste en cuir sombre.
J’esquissais un grand sourire, avant de faire exploser le miroir et ses voisins, en mille morceaux, laissant ces dit-morceaux, voler sur les quelques humains autour, qui se contentaient de passer dans les toilettes de hommes.
Je sortais des toilettes amusé de la pagaille que je venais de mener. Les hurlements des différents hommes à moitié habillé qui avaient des morceaux de miroir dans leurs postérieurs, et qui s’en étaient pris sur le visage, m’amusa, et me fit sourire de délectation. La douleur et la souffrance était ce que je préférais, surtout quand c’était des humains qui le subissaient.

Je partis de l’endroit où j’avais emprunté ces modestes toilettes pour m’admirer un peu – mine de rien, le corps de Ray avait de nombreux défauts, mais cela était clairement compensé par mon charme naturel -.
J’avais rendez vous, aujourd’hui. Je me sortis une cigarette, décidant de marcher dans le monde humain pour aller attendre « ma dulcinée » à notre point de rencart. Si je détestais les humains, j’adorais cette Terre, et j’adorais ce qu’elle était devenue, un peu à cause de moi. Si Dieu avait crée les arbres et la nature, j’avais formé tout ce que je voyais. Le béton. Le macadam. Les fientes de pigeons par terre. Les clochards pissant sous un pont. La puanteur de la pollution. Je respirais l’air avec plaisir.
Les humains étaient incapables de garder cette Terre propre. Et si cela me faisait me réjouir, j’avais tout de même fortement envie de les écraser pour ça.
Etrange paradoxe, n’est-il pas ?

Mais passons. J’avais terminé deux des bouts de goudrons d’un paquet que j’avais volé, quand j’arrivais au café où je devais rencontrer la demoiselle. Il s’agissait d’une espèce rare, voyez vous. Une sorte de chose à la fois infernale et paradisiaque.
Car ne me prenez pas pour un con : je savais ce qu’elle était. Je savais que Dieu me détestait suffisamment pour s’amuser à se servir des propres chiens de l’enfer pour son propre intérêt.
Mais je m’en sentais flatté.

Et je comptais bien utiliser cette fille, qui je le savais, restais ignorante sur ma propre nature. Je m’étais passé pour ce nom d’emprunt que j’adorais. Luciano Goodman. J’aimais le sarcasme. Bref, je la vis arriver alors que je m’étais déjà attablé et que j’avais dis au serveur que j’attendais quelqu’un. Je me levais immédiatement, et m’approchais d’elle, souriant :

- Hey ! Je suis content de te voir, Aalyah.

Je me penchais vers elle, et lui fit ce que les gens appellent communément bise, mais que je m’arrangeais pour faire en lui tenant le visage, et en la séduisant de cette façon, avec mon plus beau sourire charmant.

- Viens t’asseoir ! Et prend ce que tu veux, je paye.

Je sentais toute la tension que j’avais fait monter dans son cœur par mon simple geste. Je sentais toute l’attention qu’elle me dévouait, et m’en amusait, bien que je n’en montrais rien. Il était si facile de brusquer, d’emballer un humain. C’était si simple de le faire réagir. Il suffisait de savoir où toucher exactement.
Quand elle parla de commander toute la carte, j’esquissais un sourire avant de tendre les bras pour lui faire signe qu’elle pouvait, bien que cela doive sonner comme une sorte de plaisanterie. En vrai, elle aurait commandé toute la carte que je m’en foutais totalement. J’étais Lucifer, l’argent ça ne voulait rien dire pour moi :

- Prend tout ce que tu veux, même toute la carte.

J’avais l’air à la fois sérieux, et entrain de plaisanter. Je repensais à une fois, où j’avais torturé un homme comme ça. Il était du genre bien gourmand. Je l’avais forcé à manger jusqu’à ce qu’il en meurt. Un vrai porc. Il avait compris sa douleur. Mais ici, je n’allais tuer personne, je devais faire le tout mielleux.
Je regardais la carte, et remarquait, navré, qu’il manquait clairement de coke, et de réel alcool dans ce truc. La plupart des choses étaient douces et sucrés, de quoi me faire fondre la langue. J’optais alors pour le café le plus noir de la carte. Ca serait suffisamment amer pour être supportable.

Je faisais signe au garçon de venir, et commandait mon café et me tournais vers Aalyah pour la laisser commander puis quand je vis le serveur partir, mon regard se tourna vers la rousse :

- Alors, ça va depuis la dernière fois ?

Toujours commencer par les banalités. Toujours.

C’était si facile de la faire rire. C’était si facile de toucher les personnes là où il fallait. Il suffisait de quelques plaisanteries, et pouf. Un rire. C’en était presque navrant. Mais bon. Je restais assis face à elle, et l’écouta commander un café gourmand. Elle pouvait commander ce qu’elle voulait, je ne m’en préoccupais pas. Je me fichais bien de savoir ses goûts, bien que je les retenais, si jamais ça pouvait me servir.
Je la vois qui se met à rougir, et même si c’est léger, je ne peux m’empêcher de remarquer combien elle est stupide. Elle est tombée si simplement sous mon charme. C’était ridicule. Je l’écoutais me raconter sa vie – mais c’était sous ma demande, alors je ne me plaindrais pas –

- Je vois. Mais tu as l’air en forme, c’est bien !

Elle ne m’avait pas renvoyé la question. Je ne voyais pas pourquoi je devais lui parler de moi. Et puis, plus on parlerait d’elle, plus elle se sentirait spéciale.

- Tu as les joues un peu rouge par contre…

J’esquissais un petit sourire amusé, mais je faisais bien attention à ne pas le faire de façon à la vexer. Cela aurait été bête. Mes coudes posés sur la table, mes mains se croisant, je posait ma tête sur celles-ci, avançant mon corps vers Aalyah :

- Je te plais ?

Quoi ? Je ne tournais pas autour du pot, et ne voyait pas pourquoi je devais le faire. C’était énervant de jouer celui qui ne sait rien. Valait mieux foncer dans le tas et voir ce qu’il se passe ensuite.

Sa phrase manqua de me faire rire. Mais je ne devais pas rire, je devais sourire. C’était pourtant difficile de se retenir tant cette fille était ridicule. Je suis sûr qu’elle ne s’en rendait même pas compte combien elle pouvait être mièvre. Je me délectais de cet instant, de la stupidité des humains, même si cette fille n’était pas humaine. Mais c’était tout comme, après tout.
Quand elle m’annonça que je lui plaisais, je sus que j’avais donc gagné. C’était tellement facile. Je fis en sorte de paraître flatté, puis laissais le serveur servir de transition, et servir aussi nos deux boissons.
Je plaçais ma main contre ma tasse de café, adorant cette chaleur émanant d’un si petit récipient, puis, mon regard toujours plongé sur Aalyah, je souris finalement :

- Tu me plais aussi.

J’espérais bien que cette simple phrase aurait le même effet qu’un détonateur sur une bombe. Je me saisis de ma tasse et la soulevais pour en boire un peu de contenu. Certains auraient dit que je risquais de me cramer, mais j’étais Lucifer, la chaleur c’était comment dire…Mon domaine ? Ma maison. Ma vie.

- Tu es très jolie, et tu m’es vraiment sympathique. Je t’aime beaucoup, Aalyah.

Je reposais ma tasse, avec un air très sérieux, bien qu’intérieurement, je riais aux éclats. J’avouais que sur le coup je mentais, fait rare chez moi, mais je m’amusais bien. Et puis, outre sa personnalité aussi détestable que tous les autres humains, je ne pouvais pas nier le fait que je me la taperais bien. J’avais toujours eut un faible pour les rousses. Le côté chasse aux sorcières, peut-être ?

Tant de rougissement pour ma personne ! C'était si amusant à constater et à observer et en même temps c'était tout particulièrement flatteur.

Sa réponse m'amuse. Il est intéressant de voir comment elle me perçoit. Elle s'imagine inférieure à moi et bien évidemment je ne peux qu'aimer ça. Et il est vrai que je sais parfaitement comment faire tomber sous mon charme, les filles comme les garçons. Mais je sais qu'Aalyah va sûrement préférer un homme qui n'aime qu'elle et même si cela ne sera qu'une vaste mascarade, je me dois de prétendre à cela. Je la vois prendre ma main et m'en amuse. Bien qu'en vérité j'attrape son autre main et me lève légèrement de mon siège pour aller rapprocher mon visage d'elle sans avoir à renverser nos boissons.

- Je ne vois pas ce qu'il y a d'étrange que de flasher sur une fille aussi sympathique et jolie que toi.

En vrai je me fiche bien de son caractère qui me semble aussi plat qu'une huître et même si je dois admettre qu'elle a des atouts de beauté sympathique, je m'en fiche bien d'elle tout court.
Mais je déposais mes lèvres sur sa bouche un petit sourire aux lèvres, espérant bien qu'elle y répondrait sans me repousser. Mais au vu de comment elle se sentait avec moi, je doutais qu'elle me rejette

Je m’attendais à ce qu’elle réponde à mon baiser sans attendre, mais elle se fait plus tenace que je ne le pensais. Bien, je pouvais toujours patienter un peu. Je pris un air curieux, du genre de celui qui ne comprend pas pourquoi elle me repousse, avant d’aborder à nouveau mon sourire charmeur.
Si ça ne tenait qu’à moi, ça ferait longtemps qu’on aurait baisé sur la table. Mais exceptionnellement, je pouvais bien faire preuve d’un peu de patience. Pas longtemps. Si elle continuait de me résister j’allais devoir employer les grands moyens.

- Ce n’est rien…Je suis allé trop vite ?

Pff. Qu’est ce que c’était lent.
Je me retournais contre ma chaise, buvant mon café calmement alors qu’à l’intérieur je m’interrogeais sur la réelle utilité de charmer ces maudits chiens. Je ne pouvais pas juste les tuer, finalement ? Mais ça ne serais peut-être pas aussi amusant que de les charmer et en faire des bons chienchiens. Hum.

En savoir plus sur moi. Je manquais d’éclater de rire. Je pouvais lui dire, ce qu’elle ne savait pas de moi. Que j’étais l’origine des démons, que j’étais ce qu’elle était censé combattre. Mais cela aurait été bien bête de ma part. Non, j’allais plutôt m’inspirer de l’histoire de mon vaisseau. Finalement, Ray avait une utilité.
Au moins, elle avait trouvé mes lèvres douces. C’était déjà ça.
Je fis un sourire charmeur :

- Tes lèvres étaient très agréables aussi.

Je bu un peu de mon café. En vrai, j’avais connu beaucoup mieux. C’est fou ce que les démons pouvaient avoir d’idées finalement pour des orgies les plus passionnantes les unes que les autres.
Mais ici, pas d’orgie, juste de l’amour, soi disant, nuancé de miel et de sucre, à me donner envie de vomir.

- Alors, puisqu’il faut en savoir plus sur moi….

Tu savais que je connaissais et que j’étais en vérité le créateur de la plupart des positions du kama sutra ? Que j’étais capable de faire des choses tout à fait étranges mais très agréables lorsque je me retrouvais au contact de quelqu’un ? J’étais le roi du plaisir et de la tentation sexuelle. J’étais le meilleur à ça.

- Il faudra aussi que j’en sache plus sur toi.

Un autre avantage. Puisque récolter des informations sur cette fille, que je ne verrais pas avec mes yeux, pourrait être plutôt utile. Et c’était toujours plus facile d’obtenir les informations de la personne elle-même, plutôt que de faire trimer des imbéciles pour le faire pour moi.

- On commence par quoi ?

Je terminais mon café qui n’était vraiment pas si fort que ça, ni assez chaud. Les boissons humaines n’avaient que très peu d’intérêt pour un palais aussi raffiné que le mien. Ca manquait de piquant.

J’écoutais les informations que je pouvais obtenir sur elle. Que des trucs banal, une vie commode, une vie simple, qui lui allait sûrement, bien qu’elle devait avoir découvert des pouvoirs qu’elle n’avait pas du comprendre. C’était affligeant de constater que même ce qui ressemblait aux gardiens envoyés par Dieu, n’avaient que des vies banales d’humains. Merde, pour une fois que Dieu voulait me tirer dans les pattes, Il aurait pu le faire autrement. Avec des créatures qui n’avaient rien d’humain ! Mais non, Il voulait encore plus me pêter les burnes.
Bref. C’était à moi de parler de moi. Ou plutôt de Ray.

- Moi…Je suis né à Miami, mais j’ai déménagé ici quand j’étais au lycée à cause du boulot de mon père. Et sinon, j’étudie en psychologie… Je n’ai pas grand-chose à dire sur moi.

Je me faisais passer pour quelqu’un de simple. C’est ce qui plaisait le mieux aux gens simples. Je n’avais pas besoin d’étudier en psychologie pour comprendre ces crétins d’humains.

- Tu n’as pas repris le journalisme ici ?

S’intéresser à l’autre, lui poser des questions, si facile.