Ce matin en me levant, j'ai eu cette impression bizarre comme quoi, cette journée allait être des plus merdiques. Au saut du lit, je ne me sentais pas bien, la nuit avait été très mauvaise et j'avais pleuré bien des heures. Personne ne m'a entendu par chance sinon j'aurais dû donner des explications et je ne voulais pas. Mon tendre amour me manque toujours autant malgré les années qui ont passé. Il y a un immense vide au fond de moi et je crois bien que jamais, il ne sera comblé. Je suis resté un long moment sous la douche avant d'aller à mon premier cours. Je suis camouflé sous un sweat et je n'écoute que très peu la leçon. Aujourd'hui j'ai rendez vous avec Théo pour une séance d'entraînement mais, pour le coup, j'ai peu que les choses se passent mal et que je m'enflamme. Mon corps est secoué de tremblements alors que je n'ai pas froid, j'espère que je ne commettrai aucun impair dangereux. Il faut que je me ressaisisse.

Les cours m'ont semblé plus longs que d'habitude. Mon coeur s'agite pas mal mais je n'y prête pas vraiment attention. Je sors de la bâtisse et me dirige vers le parc, sûrement que Théo m'attend déjà. Hey Ayd' ! Paré pour l'entraînement ? Max sera avec nous, ça te dérange pas ? Je lui souris et regarde Max avant de lui faire signe, pouce vers le haut, qu'il n'y a pas de problème. Je retire mon Sweat et l'accroche à une branche d'arbre avant de passer nerveusement, ma main dans mes cheveux. Je regarde Théo de nouveau et fais naître quelques flammes dans les paumes de mes mains avant de me mettre en position de combat. Je ne sais pas ce que cet entraînement va donner mais, je ne suis pas du tout confiant.

Cet entraînement, je ne le sens pas du tout. Je suis trop instable et ma conscience me dit de tout stopper avant que les choses ne deviennent incontrôlables. Seulement, j'ai promis à Théo de l'aider et je ne suis pas du genre à me défiler. Ce que je te propose, c'est que je vais éteindre tes flammes avec le vent, et tu peux voir pour tenter de les rallumer en même temps ? Et en échange, tu me les renvoies et je les évite en volant. Évite juste d'envoyer de trop grandes flammes. J'acquiesce avec un sourire et fais apparaître des flammes dans mes mains tremblantes, ce qui est en soi une très mauvaise idée. Mon coeur s'affolent dangereusement et voilà que les flammes grandissent à vue d'œil. Progressivement, elles s'allongent et enveloppent mes avant bras. La panique s'empare rapidement de moi, je suis tétanisé. Si je lance cette attaque, il ne pourra pas l'éviter, pire, je vais le blesser. Je regarde alternativement Théo et mes bras, essayant tant bien que mal de me contrôler. Je le savais... Je savais très bien que j'allais partir en couille mais, je ne pensais pas que ce serait si tôt. Je revois les images de l'accident, le corps de mon amour gisant, inerte dans mes bras. Je secoue la tête, voulant chasser ces images de mon esprit alors qu'à présent, les flammes recouvre l'intégralité de mes bras. Je regarde la scène impuissant, des larmes plein les yeux et sur mes joues. Les manches de mon haut ont brûlé et ma peau rougie de plus en plus. Je tombe à genoux dans l'herbe alors que la douleur est presque insupportable, je ne veux blesser personne. Je ne suis pas quelqu'un de mauvais, je n'ai pas le droit de faire du mal autour et pourtant, alors que je pose mes mains à plat sur le sol, l'herbe prend progressivement feu autour de moi, formant un cercle parfait. Bon sang, il faut que ça s'arrête maintenant mais je n'y arriverais pas tout seul.

Qu’est-ce que je disais ? Je suis en train de perdre le contrôle et ça devient extrêmement dangereux pour nous trois. Oui, je compte aussi le corbeau. Aydan. Reste calme. Facile à dire putain ! Comment puis-je me calmer alors que je ne vais pas bien ? Je vais lui faire du mal et je ne le veux pas. Il faut qu’il s’en aille, et vite. Clap clip Clap petite pluie d'avril, tombe du ciel en joli diamants. Clap clip Clap petite pluie d'avril ta mélodie est un enchantement. Clap clip Clap quand le ciel se voile ton refrain met du soleil dans nos cœurs. Ciel comme elle est jolie, la chanson de la pluie... Qu’est-ce qu’il fait ? Pourquoi il chante ? Ce n’est pas vraiment le mo… ah oui, j’ai compris. Il appelle la pluie. J’avais oublié qu’il maîtrisait cela. Je ferme les yeux et essaye de me concentrer sur sa voix. Aller, encore un petit effort. Je me laisse porter par son invocation, retrouvant progressivement un calme que je n’ai plus eu depuis bien longtemps. Il va pomper toute son énergie, tout est de ma faute… Les battements de mon coeur s’apaisent mais j’ai la tête qui tourne si vite. Je regarde Théo, les yeux dans la brume et me laisse choir au sol. Je suis fatigué et j’ai mal. J’ai mal parce que le feu incontrôlable, a brûlé ma peau. Et pas qu’un peu. Mon corps tremble alors que la pluie tombe toujours sur moi. C’est un mal qui fait du bien. Je souffre mais je suis aussi soulagé parce que, personne n’est blessé. Je n’ai pas blessé Théo, ni même son oiseau, je suis rassuré dans le fond. J’articule le mot “pardon” mais aucun son ne sort de ma bouche. Je me sens si stupide, si faible, c’est honteux. Je commence à avoir froid et à frissonner mais le début d’incendie que j’ai failli provoquer, est bel et bien mort. Oui, il est mort comme je suis mort au fond de moi.

Je suis un peu sonné, voire même beaucoup. Mes bras tremblent de douleur et j'essaye tant bien que mal de me recentrer sur la réalité. J'aurais dû lui dire la vérité. Il aurait été déçu et je n'aime pas décevoir les gens. C'est bien là tout mon problème quand on y pense : je ne veux décevoir personne. Alors, même quand ça ne va pas, je me montre fort et souriant alors que ma psychologie s'effondre. Je suis stupide et inutile. Pitoyable. Théo vient près de moi rapidement, je le regarde et j'ai l'impression que ses traits se déforment : Aydan ? Ça va aller ? Répond moi. Tu veux qu'on aille à l'infirmerie ? Ça ne me dérange pas d'annuler l'entraînement... Tu aurais dû me le dire si tu ne te sentais pas en forme... J'articule un nouveau pardon silencieux, des larmes coulant de nouveau sur mes joues. Je baisse la tête et regarde mes bras blessés. L'infirmerie me semble être la meilleure des options. Je le signifie à Théo, toujours silencieux et tente de me lever. J'ai la tête qui tourne et la nausée. J'ai d'ailleurs juste le temps de m'éloigner avant de vomir aux pieds d'un arbre. Génial. Franchement génial. Je me sens de plus en plus mal, j'espère que je ne vais pas faire un malaise ici. Je ne suis pas bien gros mais je pèse quand même mon poids, et je ne pense pas que Théo arrive à me soulever. Je m'appuie contre le tronc quelques instants et ferme les yeux, haletant. Mon coeur s'affole de nouveau mais, aucune flamme à l'horizon c'est un bon début dirons-nous. J'ai tellement honte de moi... Je suis un incapable. Je crois que nos entraînements vont se stopper pendant quelques temps. Les brûlures sur mes bras mettront du temps à se résorber.

Aujourd’hui, c’est officiel, je cumule les conneries ! Wouhou ! Ça n'a vraiment pas l'air d'aller... Tu es malade ? Si je suis malade ? Non, je ne crois pas, c’est juste les émotions qui m’ont retourné les tripes et le cerveau. Mes bras sont dans un état lamentable, je suis bon pour des gazes huileuses et des bandes. Quelle belle journée, n’est-ce pas ? Je me sens soulevé mais, je n’ai pas vraiment conscience de ce qu’il se passe. Je suis en nage et j’ai bien du mal à rester conscient. On y est presque. Où ça ? On me pose au sol et mes jambes flanchent et je tombe à genoux, le corps tremblant. J’ai merdé, tellement merdé, c’est honteux, vraiment. Théo m’aide à me relever et j’essaye de retrouver mes appuis alors que l’infirmière débarque en courant. Oh mon dieu ! Que s’est t-il passé ?! Tes bras Aydan ! Venez, on va rentrer tous les trois. Théo, toi aussi tu as besoin de repos. Nous entrons dans l’infirmerie et je me retrouve sur un lit, je grelote alors que je n’ai pas froid. La douleur est intense mais, c’est bien pire lorsqu’elle commence les soins. Trop c’est trop… Mon corps s’alourdit d’un seul coup, je crois bien que je viens de perdre connaissance. Mais c’est super dites moi ! Je vais marquer ce jour d’une croix rouge dans mon agenda, tiens ! En attendant, je m’évade dans un autre monde où règne la paix et le calme. Un petit coin de paradis qui n’appartient qu’à moi. Je suis bien loin de mon enveloppe charnelle et c’est reposant. J’aurais aimé m’excuser auprès de Théo mais, la douleur a eu raison de moi. Quand j’irais mieux, je lui ferais mes excuses les plus plates, les plus sincères. J’apprécie énormément Théo et je ne veux pas que notre amitié ne soit brisée à cause de moi.

Les nuages semblables à un troupeau de jolis moutons, dansaient au-dessus de ma tête. Cet endroit me plait mais il n'existe que dans mes rêves. Il m'a pourtant semblé que je l'ai déjà vu dans un de mes nombreux voyages. Où était-ce ? Je ne me souviens plus très bien. Je suis sous un grand chêne centenaire et le vent frais m'apaise. J'aimerais rester ici pour toujours. Loin de mon enveloppe charnelle. Loin de mon esprit esquinté. Loin de mon coeur déchiqueté. Mais bien évidemment, c'est impossible. Je ferme les yeux et les rouvre sur le plafond de l'infirmerie. Je grimace en sentant mes bras douloureux. Je me redresse et m'adosse à la tête du lit. J'ai honte de moi. J'entends la voix de Théo, une voix si douce que j'affectionne beaucoup. Avant moi aussi je chantais. Je chantais même tous les jours. Je passais même des auditions. Avant que Loukas ne meure, tout était plus simple. Je regarde Théo et son oiseau, ils ont l'air d'aller bien et ça me rassure. Je n'ai blessé personne cette fois-ci. J'aimerais lui présenter mes excuses de vive voix mais aucun son ne sort de ma bouche malgré la concentration. C'est peine perdue, je ne retrouverais jamais le don de la parole. Je me lève du lit et m'approche de lui pour prendre ses mains dans les miennes, je ne sais pas comment m'excuser d'avoir failli le blesser alors je prends simplement ses mains dans les miennes et puis voilà. En espérant qu'il comprenne.

Tu n’y es pour rien, si ton pouvoir t’as échappé. Ce n’est rien, d’accord ? Ca peut arriver à tout le monde. L’important c’est que tu ailles bien. Tu te sens mieux ? Ca va aller ? J’acquiesce sans pour autant lâcher ses mains. Mon regard se tourne vers le ciel et je me perds un peu dans mes pensées avant de revenir sur terre. Je lâche enfin les mains de Théo et me rassoie sur le lit, regardant mes bras bandés en soupirant. Eh bien, je ne me suis pas raté une fois de plus. Je vais devoir attendre un petit moment avant d’utiliser mes pouvoirs. J’ai peur que si je force de trop, ça recommence. Une fois mais pas deux, je ne veux plus jamais mettre quiconque en danger à cause de mes souvenirs. Je regarde autour de moi et repère mon sac et ma tablette. J’attrape cette dernière et commence à écrire : J'ai rencontré un garçon quand j'avais 18 ans. Il s'appelait Loukas et était de deux ans mon aîné. Nous deux ça a de suite accroché et il est devenu la personne que je chérissais le plus au monde après ma famille... Il était élevé pompier et avait un très bel avenir devant mais à cause de moi... sa vie s'est arrêtée... On s'aimait, un amour fusionnel et exclusif, le genre d'amour que l'on voit dans les plus beaux films de Hollywood... on s'est installé ensemble dans un bel appartement quelques mois après notre rencontre... On devait se marier l'été de mes 23 ans mais... quelques mois avant, on a été à une fête entre amis, on a beaucoup bu et je n'ai pas eu la présence d'esprit d'appeler un taxi... J'ai été con, même pire que ça... On a prit la route et on a eu un accident... Loukas a fait rempart avec son corps pour me protéger et il est mort... tout est de ma faute... si j'avais été moins con j'aurais prit le temps d'appeler un taxi mais au lieu de ça, je l'ai conduit à la mort... Je voulais le rejoindre et il m'arrive de le désirer encore... Depuis l'accident, ma voix s'est éteinte et je perds souvent le contrôle... Je me relève et lui tends ma tablette, essayant de contenir mon chagrin, une fois de plus.

Je vois... Tout ce qui t'es arrivé donne une très bonne raison à tes pouvoirs de ne pas se contrôler... Je ne pense pas être la bonne personne pour en discuter, de ce qui t'es arrivé, mais tu sais, je pense que ce n'est la faute de personne ce qu'il s'est passé. Peut-être que si tu avais pris le taxi, le résultat aurait été le même. On ne sait jamais. Peut-être que si ça n'avait pas été lui, ça aurait été toi qui l'aurait protège et lui qui aurait culpabilisé. Mais je suppose que ça ne change rien… Enfin.... je ne sais même pas si tu as envie qu'on en parle. Mais je pense qu'on fait tous des erreurs. Plus ou moins grave, certes...Mais cela arrive. Tout ça pour dire... il faudrait voir pour trouver le moyen que tu n'aies plus peur, ou que tu ne stresse pas quand tu utilises ton pouvoir. Pour qu'il devienne ton meilleur allié. Oui, il faudrait que j’applique les leçons de mon psychologue mais c’est toujours plus facile à dire qu’à faire. Je lâche les mains de Théo et fixe l’extérieur, croisant mes bras contre mon torse. Je me perds dans le ciel qui s’est éclairci depuis tout à l’heure, oubliant mon enveloppe charnelle pour planer au-delà des nuages. Mais je reviens sur terre quand je sens mes bras me lancer sauvagement. Les douleurs se réveillent, dommage, j’étais bien sans elles. Je prends ma tablette : Je crois que je vais retourner m’allonger un peu, j’ai la tête qui tourne… je ne vais pas te retenir plus longtemps, tu as probablement mieux à faire que de jouer les babysitters. Je lui tends ma tablette et lui souris gentiment avant de reprendre place sur le lit en grimaçant. Ouais, je vais me reposer un peu et après, ça ira mieux j’en suis sûr.