L’Underground. Un endroit où Adrian n’était jusqu’à présent jamais été. Ce centre de loisirs, son bar, ses différentes activités, tout l’argent que les clients mettaient… Adrian ne l’avait pas. Pour lui, tout dans cette pièce était superficiel et inutile. Et pourtant, pour la première fois de sa vie, le Tsumi devait y entrer. Son voisin Hicks –aussi collègue au Projet Shadow et DJ dans cet établissement- lui avait proposé un rendez-vous. Pourquoi, ça, il ne le savait pas. Bien que les deux partageaient deux lieux communs, jamais l’un ou l’autre n’avait tenté de parler, de se rapprocher… Malgré leur intérêt commun.

-Retard, je t’expliquerai.-

« Fais chier… »

Ce numéro inconnu au répertoire ne pouvait être que celui de Tomi. Adrian soupira. Il n’avait pas que ça à faire. Tout cela l’agaçait prodigieusement. Il avait mieux à faire, comme s’occuper de sa fratrie. Et puis même, pourquoi cet endroit et non dans un de leur propre appartement ?

Lassé d’attendre dans le hall d’entrée, il finit par se diriger vers le bar, s’autorisant à prendre un verre. Certainement le moins cher, il ne fallait pas exagérer. Surtout que les prix semblaient assez exorbitants aux yeux du mutant. S’installant dans la salle « commune » et non dans la VIP – destinée aux mutants et sorciers, s’il avait bien compris-, ses fesses prirent place sur l’un des hauts tabourets rouges, se tournant face au bar. Il n’y avait personne pour l’instant. Aussi bien en terme de client qu’en terme de personnel en fait. La tête tournée vers la gauche, il observait les différentes bouteilles présentées fièrement, puis le tableau des prix. Assez hauts, comme prévu. Son choix se fit rapidement, n’attendant plus que le barman pour demander son sage jus d’orange. Les mains jointes sur le comptoir, son ouïe lui fit tourner la tête dans la direction opposée. Une jeune femme venait d’apparaître, enfin. N’y prêtant guerre attention au début, il ne balança qu’un salut de la tête avec  «  Un jus d’orange s’il vous plait. » avant de se figer devant le visage de la jeune femme. Il la connaissait : Lucy. Une mutante qu’il avait connu à l’institut il y a de cela plusieurs mois, juste avant qu’il ne soit obligé de partir.  Départ après lequel il n’eut plus aucun contact avec ses «amis ». Elle en avait fait également parti.

L’amertume l’avait aussitôt gagné mais pas question de partir ventre à terre. La seule personne qui devait se sentir mal ici à ses yeux, était la serveuse. Pas lui. Si par réflexe, il avait aussitôt détourné le regard en chuchotant une grossièreté, Adrian reposa son regard sur elle, sans aucun sourire.

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Un long soupir s’échappa d’Adrian tandis que ses yeux roulèrent d’agacement quand Lucy prononça son prénom. S’il était décidé à l’ignorer et attendre son jus d’orange, les hostilités furent vite lancé par le franc parler de Lucy. Sérieusement ? Elle commençait déjà ? Les sourcils de l’espagnol se froncèrent légèrement quand elle prononça la fin de sa phrase. « Comme un voleur. » répéta le brun, suivit d’un ricanement mauvais. Il la détestait. Mais ses bonnes manières et sa non violence naturelle le retint de faire toute action qu’il aurait pourtant fait face à un homme, ne supportant pas de se faire manquer de respect, encore moins insulter. Il resta silencieux après avoir répété ses quelques mots, mais Lucy sembla vouloir enfoncer un peu plus le couteau dans la plaie, en faisant preuve d’ironie apparemment quand elle lui proposa un morceau de chocolat. La fusillant du regard, il attendit qu’elle crache la suite et fin de sa phrase avant de pouvoir lui-même cracher son venin et sa rancœur :

« Je ne suis ni un voleur, ni un hypocrite. Je ne vais pas m’amuser à sourire pour te faire plaisir. » siffla l’espagnol. « Garde tes cochonneries pour toi, je n’ai demandé qu’un jus d’orange, rien d’autre. Ah, oui, j’ajouterai autre chose : de la tranquilité. » dit-il d’une manière sèche en tapant sa main brèvement sur le comptoir,  pour couper court à toute discussion avec la serveuse. Il n’était certainement pas ici pour parler… Encore moins avec Lucy. Levant les yeux au ciel, il ajouta « Il vient ce jus ? Vu le prix qu’il coute, autant le servir rapidement.»

Exécrable était tout à fait le mot pour définir le comportement Adrian, un mot qui ne lui aurait cependant jamais frôlé ne serait-ce que la peau quelques mois auparavant, surtout envers Lucy. S’en rappelant, une légère vague de remord le prit mais aussitôt écrasé par la rancune qu’il avait pour la vie qu’il menait désormais.

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Ce qui devait arriver arriva : Adrian se reçut une gifle à peine eut-il finit sa phrase. Sa tête resta pivotée dans la direction quelques secondes, tandis que sa langue vint nerveusement se passer sur ses lèvres, pour accuser le coup. Il savait qu’il l’avait cherché. Qu’il la méritait. Mais même en sachant cela, la douleur ne se faisait pas plus douce, au contraire, elle eut un effet crescendo. Il ne tenta même pas de retrouver son regard quand elle ajouta paroles à son geste. Il ne fit qu’avoir un léger rictus avant de remonter son regard sur la silhouette s’éloignant, pensant qu’il était compliqué d’être cruel envers une personne qu’il avait anciennement apprécié. Attendant sa commande, Adrian recommença à observer les environs. L’Underground offrait un certain luxe rien que dans sa décoration, il espérait retrouver ce même gout dans ses dollars dépensées. Il repensa rapidement aux derniers mots prononcés. Elle s’était inquiétée pour lui ? Il n’avait eu pourtant aucune nouvelle par téléphone de qui que ce soit.

Son début de prise de conscience s’arrêta net quand Lucy le surprit en lui donnant son dû, lui faisant part de ses espérances. « Service au top Mademoiselle Hills ! » balança le garçon moqueur avant de porter son attention sur son verre et d’en boire une grande gorgée. Au moins le jus avait le mérite de ne pas être acide et d’être pressé. Il sentait la différence entre le contenu de son verre et le jus d’orange bon marché qu’il achetait dans les sous-magasins. Profitant gaminement du gout sucré de l’orange, la dégustation fut de courte durée car un bruit strident résonna soudainement, perçant les tympans d’Adrian.

Le bruit fut si fort qu’il couvra sans souci le cri d’Adrian sous cette agression auditive, qui plaqua une de ses mains sur ses oreilles, l’autre handicapée par la présence du verre qu’il avait fortement serré sous la surprise et la douleur. Entre la force déployée dessus et l’ultrason, le verre en cristal se permit même d’éclater dans la main du client, s’enfonçant des morceaux dans la chaire, extirpant encore plus fort un second cri de douleur, suivie de plusieurs gouttes de sang.

Mais entre la douleur dans sa main et celle du tympan, celle du tympan fut plus imposante, forçant le mutant à garder ses oreilles couvertes, étalant son propre sang sur sa joue. Recroquevillé, le garçon mit du temps avant d’arriver à réagir, se levant de sa chaise, désireux de sortir du batiment. Fichue alarme incendie. C’est ce que se dit l’espagnol en tout cas, promettant de se venger de tout ce sinistre sur Tomi.

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Alors que ses pas étaient en train de le diriger égoïstement vers la sortie pour échapper à cet enfer sonore, le bruit strident s’arrêta net. Désorienté, il ne sût pas vraiment combien de temps cette alarme avait sonné ni combien de temps il était resté sous le choc. Relâchant la pression sur ses oreilles, l’espagnol grimaça en voyant le sang goutant sur le sol depuis sa main. Un grognement s’échappait à chaque fois qu’il retirait un morceau de verre enfoncé dans sa peau. Zut, ça faisait un mal de chien. Et si les triplés voyaient ça, Adrian n’en aurait pas fini. Désormais, sa seule envie était de rentrer chez lui et de se nettoyer tout ça avant que ça ne s’infecte. Quoi que, le jus d’orange piquant légèrement sur ses plaies, il les pensait presque désinfecté. Et au diable Tomi, il pourrait le recroiser le lendemain.

Cependant, son envie de fuir ce maudit endroit fut stoppée net par Lucy qui venait demander de ses nouvelles. Levant à nouveau les yeux au ciel en même temps qu’un soupir s’échappait, il voulut l’envoyer à nouveau balader. Que ne comprenait-elle pas dans les mots d’Adrian ? Dans son comportement ? Alors qu’une réplique cinglante allait à nouveau enfoncer un couteau dans l’ancienne amitié des deux, Adrian sentit comme… Un malaise chez Lucy. Celle-ci observait la joue rouge, la fixant maladivement. Sourcils froncés, l’espagnol mit plusieurs secondes avant de se souvenir de la phobie de la serveuse. Par réflexe, sa main non blessée alla essuyer le sang, comme pour éviter toute catastrophe mais ce fut bientôt trop tard. Lucy était en train de tourner de l’œil sous ses yeux, prête à s’étaler par terre en beauté.
Une once d’inquiétude s’empara du mutant qui s’empara du corps de Lucy pendant sa chute, lui évitant quelques bleus ainsi que de tomber sur les morceaux de verre présent au sol.

« Manquait plus que ça… » grogna-t-il, se débrouillant pour soulever la jeune femme et de faire quelques pas avec elle dans ses bras, la déposant sur une banquette sans encombres. Son regard observa les alentours avant de reporter son attention sur la mutante. La réveiller serait une bonne chose, mais vu le sang étalé sur son visage, sa main… Ainsi que sur les bras nus de Lucy… Adrian préféra d’abord s’emparer d’un linge humide qu’il trouva sur le comptoir, essuyant sa blessure pour ensuite aller nettoyer la peau empourprée de mademoiselle-je-m’évanouis-devant-du-sang. Une fois cela fait…

« Lucy ? Hé, Lucy ? » appela l’espagnol, posant le dos de sa main par réflexe sur sa joue pour la réveiller, douce habitude qu’il avait envers ses jeunes frères et sœurs. « C’est rien, y a plus de sang, aller, réveille-toi. »

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Pendant qu’il essayait de réveiller Lucy en douceur, le passé et les sensations qu’il y ressentait semblaient s’amuser à remonter à la surface, torturant Adrian sur ses convictions et ses desseins. Il se souvenait de toutes ces fois ou il avait assimilé la jeune fille à l’une de ses petites sœurs. Comme si elle était une petite chose fragile qu’il fallait à tout prix protéger, chose à cause de laquelle il s’était en vérité énormement attaché à elle. Mais l’amertume du présent restait quand même dans son esprit. Un brin rassuré de l’entendre parler, il arrêta ses caresses innocentes, gardant pour lui un sourire amusé. Après la pluie venait le beau temps. C’était toujours ce que se répétait l’espagnol. La pluie pouvait tenir des jours, des mois, des années, mais le beau temps semblait toujours effacer ces mauvais moments passés. Et son beau temps fut simplement la bêtise de la jeune fille, se gardant bien d’en faire tout commentaire.

Adrian répondit silencieusement aux paroles de la jeune fille désormais réveillée. D’abord d’un non pour le sang puis d’un haussement d’épaules pour les remerciements supposés, se relevant, dégageant par ce simple geste toute l’attention qu’il pourrait lui porter. Un moment d’hésitation gêna le brun qui tentait de trouver un moyen pour prendre congé mais qui n’arrivait as à s’y résoudre. Tout cela l’intriguait assez. Et finalement, ce fut Lucy qui lui tendit une main invisible, accompagnée d’un sourire.

Baissant son regard vers elle, perdant son visage quelques secondes, Adrian se surprit à réfléchir à la proposition. Sa bouche s’ouvrit sans son autorisation, prêt à délivrer un message affirmatif avant de la fermer, fronçant les sourcils. Ecouter l’envie ou la raison ? Finalement, il trancha, dégageant son regard de la serveuse pour observer la salle.

« Je dois attendre Tomi ici. Et je n’ai pas vraiment eu le temps de déguster mon jus d’orange hors de prix. » dit-il tout simplement sans aucun ton spécial. Entamant la marche pour avoir son dû, Adrian pivota légèrement la tête sur le côté pour observer du coin de l’œil la jeune femme, comme pour garder un œil sur elle et sur sa santé, avant de cracher « Ma pauvre, tu ne tiendrais pas 1 minute dans une invasion de zombie avec ta phobie du sang… »

Mais à croire qu’une divinité était prête à intervenir après chaque méchanceté balancée par Adrian, le mur juste devant lui ainsi qu’une bonne partie du plafond se détacha du reste du batiment d’une coupure nette et soudaine. Se protégeant la tête de ce soudain évenement étrange, le mutant se baissa,  bientôt noyé –tout comme la pièce entière- d’un nuage de poussière gigantesque, accompagné d’un tremblement du sol, sous le poids de l’effondrement. L’épais nuage ne semblait pas s’évaporer, contrairement aux rares personnes qui étaient restés après le bruit assourdissant. Moins courageuses qu’à ce moment là, ces personnes criaient et couraient dans la brume, se cognant entre elles, avec des objets, des débris et autres obstacles.

Toussant durant une bonne minute, et les yeux pleurant devant la poussière présente, le garçon pouvait observer devant lui le soleil et la ville qui entourait l’Underground. Une ville que l’on pouvait rejoindre en escaladant des mètres et des mètres d’anciens murs du batiment. Rien de bien stable. Réfléchi comparé aux autres idiots qui étaient en train de glisser sur les tas géants, l’espagnol essayait d’observer du mieux qu’il pouvait ce qui l’entourait, avant de se souvenir à nouveau de la présence de Lucy pas très loin. Mais dans sa tête, l’inquiétude ne se répandit pas, persuadé qu’elle devait faire partie de la bande qui essayait de s’échapper par le trou géant.

« Qu'est-ce que c'est que ce bordel...»

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Habitué au surnaturel et aux choses bizarres –surtout à Jacksonville- Adrian ne se posait pas réellement énormement de questions et encore moins d’inquiétude, vu le dernier pouvoir qu’il avait assimilé à sa connaissance : la variation de masse. En fait, il se demanda même s’il n’était pas la cause de tout cela, ayant peut-être ressenti une émotion trop forte, déclenchant le pouvoir sur une misérable brique peut-être. Et cette brique changea de masse et déséquilibrant les autres, cela aurait entrainé un éboulement… Non, ce n’était pas possible, si ce pouvoir était aussi instable et tout ce qui se trouvait autour d’eux aussi fragiles, la personne ayant ce pouvoir de base serait déjà morte dans une fin tragique. Se rassurant donc quant à son implication inexistante dans cette affaire, Adrian soupira et se mit en quête d’une porte avec un certain sang-froid. Sa main le tiraillait encore, mais ça, ça allait être l’affaire de plusieurs jours, peut-être même de points vu l’étendue de certaines plaies.

Mais alors qu’il commençait à avancer prudemment dans la pièce éclairée avec la lumière naturelle, Adrian entendit son prénom crié, ainsi que des gémissements. Il reconnut sans problème la voix de Lucy et ressentit un haut le cœur. Elle était derrière. A l’emplacement exact de l’endroit où il l’avait laissé. Retourné, le mutant put voir qu’il s’en était en vérité fallut de peu pour qu’un morceau du mur ne tombe sur lui… Comme ce qu’il venait de se passer avec la mutante. S’avançant prudemment, il finit par situer la silhouette allongée de Lucy à terre, prise de moment de folie en voulant tirer sa jambe hors d’une petite montagne de brique, prêt à s’affaisser encore plus, tout comme le mur derrière. Voyant la dangerosité de la situation, Adrian se dépêcha de rejoindre la victime, s’agaçant devant sa panique.

« Arrête de bouger comme ça !» balança l’espagnol avant de se reprendre. Dans ce genre de situations, mieux valait parler calmement, surtout à une personne paniquée « Calme-toi… » corrigea le mutant, enlevant petit à petit les briques mais tout de même rapidement, donnant de temps en temps des coups d’œil au mur. Mais la fatigue musculaire le rattrapa bien vite, lui rappelant par la suite son pouvoir actuel. Confiant, le mutant se concentra tout en continuant d’enlever les débris.  Mais ils ne se firent pas moins lourd, au contraire, il sentait sa force continuait de le quitter. Lançant à nouveau un regard sur le mur menaçant, son regard se posa à nouveau sur la fin du tas … Avant de fixer une brique volante… Se rendant compte de l’absence de sa main. Ouvrant de grands yeux et sursautant, la brique s’écrasa sur son pied, lui arrachant un grognement. Mais la suite fut encore plus étrange puisqu’il ressentait… Mais ne voyait plus son pied :

« C’est quoi ce bordel ?! C’est pas mon pouvoir ça ! » dit-il juste avant de revoir sa main, son pied et la totalité de son corps réapparaitre. Ebêté, ce fut le tremblement du mur qui le tira de ses pensées. Analysant la taille du tas qui retenait la jambe de Lucy, beaucoup moins volumineux que précédemment, il lui sembla meilleur de l’attraper par la taille et de la tirer, quelques secondes avant que l’ancienne menace ne s’abatte sur leur ancien emplacement. S’étant balancé tout deux en arrière, les deux corps se renversèrent non loin de la zone de chute. Quelques légers gravats s’abattirent sur le dos d’Adrian qui faisait barrière sur le corps de Lucy, ses bras et le haut de son torse recroquevillés au dessus de la tête brune.

A nouveau, la poussière soulevée fit tousser l’espagnol qui attendit la stabilité totale des morceaux de mur pour oser se relever légèrement, faisant tomber quelques pierres de son dos, dégagant ses pieds légèrement enfouis. Grognant sous les courbatures qui s’acharnaient sur son corps, il se laissa tomber sur le dos, respirant et continuant ses quintes de toux, plaçant entre deux d’entre elle :

« Ta jambe.. ? »

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