Une pile de livres étaient maintenant déposé sur son bureau. Chacun portaient des centaines de post-it de différentes couleurs avec des annotations. Malheureusement, Sytry était conscient d'avoir rien de concret, rien de croustillant. Son poing frappa le meuble avec violence. Il expira en s'encourageant. Rien n'était perdu. Il repensait à sa rencontre avec l'attardée. Cette fille rousse était quelque chose qui pouvait vraiment lui faire mal. Pour le moment, elle était sa seule piste potable. Un soupire s'éclipsa de ses lèvres tandis que son regard se baladait dans sa chambre. Il devait se préparer pour un potentiel contrat. Un âme ne se refusait pas. Toujours alléchant d'arracher l'essence à une personne et l'empêcher à tout jamais d'accéder à un monde meilleur. Quoique être un démon était un luxe en soi qu'être un simple insecte larmoyant.

Il enfila un habit veston, cravate, noire. Le client en question était un riche notable. Sa santé était en déclin. Le pauvre bougre désirait guérir. Le cancer rongeait ses os sans qu'aucun médecin puisse le lui extirper. C'était une bonne affaire classique. Sytry pensait avoir une belle journée sans encombre. Il sentait que ça lui ferait du bien. Il prit soin de ramasser ses chères lunettes fumées avant de disparaître.

Il se téléporta devant le client en question. Il cogna avant que l'homme squelettique vienne lui ouvrir la porte. Surprise. Il n'était pas seul. Une femme aussi mince aux cernes prononcées se berçaient dans une chaise.

-Une spectatrice de votre guérison miracle ? Demanda-t-il avec un sourire charmeur. Le notable jeta un regard inquiet vers la femme tout en se frottant nerveusement les mains.

-Est-ce que vous pourriez aussi la guérir? Je sais que vous avez un don précieux….

Sytry se faisait passer pour un insecte aux dons de guérison. Un genre de mutant. Il savait que c'était plus prometteur que dire « je suis un démon, pacte avec ton âme? » N'importe quel démon intelligent savait que ça ne fonctionnait plus dans cette époque humaine. À part peut-être chez les sales satanismes qui pensaient que les démons étaient des stupides esclaves. Pfft.

Il posa une main chaleureuse sur l'épaule du notable.

-Ne vous en faites pas. Ça me fera plaisir de l'aider aussi.

Deux âmes, ça ne se refusait pas. Il entra dans la bâtisse avant que l'homme malade s'arrête à nouveau avant de lui jeter une œillade hésitante. Il se gratta la tempe avant d'oser regarder le démon dans les yeux.

-On aura aussi un autre invité. J'espère que ça vous dérange pas? C'est jeune homme bien aimable.

Que ce notable était exigent. Sytry haussa les épaules en conservant son air angélique. Qui était encore cet invité? Un autre insecte qui voulait se faire guérir?

Il y avait certaines choses qu’on ne pouvait pas prévoir, même après mille ans auprès des humains. Quand Claunech avait été contacté par un homme rachitique, le démon en était arrivé à une conclusion simple : il voulait guérir et pouvoir profiter de la vie qu’il lui restait. C’était quelque chose de typique chez les êtres de sa race. La mort leur avait toujours fait peur, et peut-être à juste titre. Peu d’entre eux auraient en tout cas été ravis de voir l’Enfer, et il était souvent plus facile d’y aller qu’accéder au Ciel où aucun péché n’était permis.

Quand le notable l’avait donc contacté, Claunech avait simplement cru qu’il lui suffirait de le guérir après avoir signé leur contrat. L’humain semblait aller dans ce sens, d’ailleurs, et rapidement, tous deux avaient décidé d’un jour au cours duquel ils devraient se voir. Quand l’homme avait par la suite reprit contact avec lui, le démon avait droit à un ton tout guilleret où il aurait trouvé une personne « très chaleureuse » capable de régler son cancer. Claunech n’avait pas vraiment cherché à savoir de qui il s’agissait : ce n’était pas vraiment un problème, et un contrat de plus ou de moins ne serait certainement pas catastrophique. Il allait donc raccrocher lorsque l’homme avait hésité et reprit la parole. C’était là que le bookmaker avait appris que le notable s’était endetté avec toutes les opérations qu’il avait dû subir et toutes ses entrevues avec les spécialistes. Claunech n’avait fait aucun commentaire, mais un sourire était venu parcourir son visage : tout ce qui concernait l’argent l’intéressait, et combler ses dettes ne lui serait certainement pas un problème. Surtout s’il fixait lui-même les intérêts que l’homme aurait à lui rembourser par la suite.

Le démon avait donc accepté sa proposition de venir assister à sa guérison, après quoi tous les deux parleraient affaire. C’était leur accord, et de ce que Claunech avait pu entendre sur cet humain, il aimait tenir parole. Cela l’arrangeait donc bien.

Le bookmaker était arrivé un peu à l’avance, se demandant au passage qui allait le guérir de son cancer. Un mutant ? C’était a priori ce que l’homme avait laissé entendre, même s’il ne l’avait pas dit explicitement. Si c’était le cas, le démon se demandait comment il allait procéder. Les gardiens savaient guérir, eux aussi, mais peut-être que leur pouvoir se limitait aux plaies et aux blessures, pas aux maladies détruisant l’intérieur du corps.

Claunech s’était en tout cas présenté avec un sourire jovial et l’homme n’avait pas tardé à lui  montrer la femme à ses côtés. Sophia. Elle aussi voulait visiblement guérir et Claunech avait haussé négligemment les épaules quand le notable lui avait demandé si cela ne le dérangeait pas. Au fond, ils n’étaient rien, juste des brins de pailles si on les comparait à la vie des démons. Ce n’était donc pas son problème s’ils voulaient tous les deux guérir, même s’il espérait s’amuser un peu avant de repartir à ses affaires du jour. Et au pire, si le mutant n’arrivait pas à ses fins, il leur proposerait un contrat… plus étendu, disons.

Leur invité du jour n’était cependant pas encore là et Claunech attendit patiemment dans une pièce adjacence. Il put ainsi déjà consulter un registre et voir tous les déficits du notable, qui allait quand même saliver s’il ne remboursait pas  ses dettes. Enfin, il lui en parlerait par la suite. Le mutant n’allait pas tarder, de toute façon, et l’homme le laissa d’ailleurs un instant tout seul quand ce dernier arriva sur les lieux. Claunech ne comprit cependant pas tout de suite à qui il avait vraiment faire. A vrai dire, ce fut plus quand ils furent tous les quatre dans la même pièce que le démon se retint de rire.

Sytry. La larve de Paimon, ou le bras droit de cet imbécile fini.

C’était une grosse blague en fait ? Ou tous les insectes s’étaient donné rendez-vous au même endroit ?

Il y avait certes des démons que Claunech arrivait à côtoyer, mais Sieghart n’en faisait pas vraiment partie. D’ailleurs, c’état réciproque : depuis que Claunech avait participé aux tortures lancées par Bélial et Lucifer, Sytry devait lui en vouloir à mort. Pauvre petit.

Un instant, les deux démons s’observèrent, et le notable ne sembla pas s’être rendu compte du froid qui s’était installé dans la pièce. Ce qui pouvait être compréhensible, d’ailleurs : il devait plus s‘inquiéter de sa guérison et de ses dettes que de l’entente entre deux parfaits « inconnus ».  Ce ne fut qu’au bout de longues secondes qu’il s’immobilisa finalement pour les observer dans un air perplexe.

- Un problème ? demanda-t-il en serrant toujours nerveusement ses mains.

Claunech fut le premier à répondre. Détachant son regard de Sytry, un grand sourire naquit sur son visage tandis qu’il faisait comme si tout allait bien.

- Bien sûr que non. Je ne m’attendais juste pas à voir…

Un déchet stupide, inutile et totalement à la ramasse ? Hum, non, il n’allait peut-être pas dire ça.

- … Un ancien camarade de jeux avec lequel nous nous sommes bien amusés il y a quelques années déjà. Entre « amis » de longue date.

Un sourire toujours sur les lèvres, Claunech vit le bonhomme se rassurer tandis que son visage s’illuminait.  

- Mais c’est merveilleux alors !

Tu parles, c’était un cauchemar, oui. Ou au moins, une très très mauvaise surprise. Mais Claunech avait quand même évoqué quelques mauvais souvenirs… Pour l’autre démon en tout cas.

- Et donc ? reprit-il en ignorant Sytry délibérément, comme s’il n’existait pas. Cette guérison, et tout ce que vous attendez d’elle, comment voulez-vous la faire ?

L’homme reprit son sérieux, et les dévisagea presque gravement. S’il savait qui il avait en face de lui, il aurait certainement déjà fait dans son froc en les suppliant de partir.

- Oui. Avant ça, j’aimerais en savoir plus. Aucun de vous n’a parlé d’un prix en échange, et pourtant, certaines connaissances m’ont parlé d’un éventuel contrat.

Claunech fronça légèrement des sourcils, expression qui disparut vite de son visage, comme si tout était normal. Pour ce qui le concernait, néanmoins, il n’avait pas encore parlé des pactes reliant l’humain au démon. Alors qui ? Sytry ? Mais pourquoi alors le notable parlait-il de personnes au pluriel ?

- Vous pourriez me dire ce qu’il en est ? poursuivit presque naïvement le notable. Sophia est d’accord, elle aussi.

Sytry haussa finalement les épaules en entrant dans la bâtisse. Quelle horreur! Cet immondice osait être dans le même lieu que lui. En entrant dans la pièce adjacente, il aperçut Claunech. Un chien de Lucifer qui avait sourit pendant qu'il se faisait torturer en enfer. Un vain spectateur et participant de sa déchéance humiliante. Ses poings se serrèrent tandis que son regard bleuté l'épinglait de haine. Il se voyait lui sauter à la gorge pour le démembrer. Respiration. Son calme habituel lui revint. S'énerver lui ferait bien trop plaisir. Mieux jouer dans sa comédie. Le notable ramena Sytry à la réalité. Un sourire jaune se dressait aux commissures de ses lèvres.

Le petit chien ne perdit pas de temps pour répondre. Sa réponse lui donna la rage au cœur. Sa mâchoire se contractèrent. Il se revoyait à nouveau entrain de lui arracher un bras, une jambe pour finir par sa tête et son sale sourire. Ce chien et Lucifer avait la même caractéristique chiante de toujours arboré un sourire de débile mentale. Sytry respira par le nez pour ne pas lui faire le plaisir de perdre contenance. Un ami, mon cul. Et oui, bien amusé… Goût de vomissure lui vint à la bouche. Il détacha son regard du chien pour répondre à son tour au notable.

-Oui, et toi, je me souviens, tu étais le petit chien de tes potes. Heureux de te voir.

Son ton ironique trahissait sa haine envers cette chose hideuse. Après ce sale lulu, il fallait tombé sur son clébard! Le chien jappait en demandant comment la guérison se ferait. UNE MINUTE ! Il ne lui volerait pas SON contrat. Le notable sembla emballé tout en demandant les lignes du contrat.

-Oh, cet incapable ose demander pour la guérison. Désolé, mais,  ce gentil notable m'a demandé de l'aider et c'est ce que je vais faire. Monsieur, alors, oui le contrat. Comme je vous ai dit, mon don s'opère avec un baiser et je voulais avoir votre signature pour ne pas que vous témoignez contre moi si jamais vous reveniez sur votre décision. Vous pouvez me payer par chèque sans soucis.

Sytry savait que si on offrait un « miracle » gratuitement, les insectes n'accorderaient pas  de crédit. Mais, oh, si on jouait les difficiles, l'insecte devenait malléable et envieux. Il avait joué de cette façon. Le notable hocha la tête en regardant intensément le chien. Sytry ignorait sa présence comme s'il était qu'une simple poussière.


-Alors, justement, ce monsieur est là pour l'argent. Est-ce que vous pensez que ça ira? Demanda-t-il au chien.

Sytry conservait son sourire chaleureux en ne regardant même pas Claunech.

-Vous avez les papiers? Si l'argent est un problème, je peux baisser mon prix.

Son ton se faisait amicale, rassurant. Le notable sourit en désignant les papiers sur la table. Parfait. Faux contrat. Deux âmes. Il ne comptait pas partager le prix avec le caniche de Lulu.

Le notable consulta du regard Claunech. Pathétique. Qu'est-ce qu'ils mijotaient ses deux là ? Sytry s'installa sur un fauteuil en guettant ses deux futurs âmes.

Apparemment, Sytry était bel et bien ravi de le voir, si on pouvait considérer comme cela son regard glacial et rempli de haine. Il ne l’avait pas oublié, visiblement, et même, le démon était quasi sûr que la présence du petit homme était la seule raison pour laquelle la pièce n’était pas encore réduite en cendre. Ceci dit, quoi qu’on en dise, Sytry restait un maître au niveau des sentiments. Tout du moins refoula-t-il ceux qu’il ressentait, puisqu’il reprit une apparence calme et maîtrisée.

Une façade, sans aucun doute. Il devait bouillir, mais il faisait semblant d’avoir toujours une contenance. Et si Claunech le vit raide comme un piquet, il ne tarda pas à répliquer face à la question du notable. A la différence près qu’il le traita de chien. Le « toutou » de ses amis, comme il le disait. Et quoi ? Lui se prenait pour un dieu ? Il était tellement moins que ça. En fait, il ne méritait même pas le titre de chien. Plutôt celui de larve. Il n’était même pas assez intelligent pour comprendre que Paimon n’en valait même pas la peine… Mais on ne pouvait pas changer les imbéciles, après tout. Ils étaient définitivement des cas désespérés et Sytry en faisait bien partie. Ainsi que son cher maître, d’ailleurs.

- Un chien ? Tu ne sais toujours pas comprendre l’essentiel, dis-moi. Moi, j’aurais dit qu’on était plutôt des loups. Ils aiment travailler en meute, tu vois. Je trouve déjà ça plus ressemblant. Mais moi aussi, je suis très heureux de te revoir.

C’était fou comme on pouvait faire passer des sous-entendus à travers les mots. Et si Claunech avait parlé avec une certaine nonchalance, son ton ironique pour sa dernière phrase n’avait pas dû échapper au démon devant lui.

Démon qui ne semblait pas disposé à ce qu’il lui vole son contrat, d’ailleurs. Mais ça, c’était facilement prévisible. Quand on appartenait à leur race, après tout, on aimait bien garder sa propre proie. Même Claunech en faisait partie. Ici, cependant, il prendrait encore plus de plaisir s’il réussissait à lui voler cette âme, voire les deux. Cette dernière situation serait à vrai dire encore plus délectable, même si Sytry risquait encore plus de le détester à vie.

Claunech écouta néanmoins ce dernier faire son baratin sur le contrat et le fait que tout se faisait par un baiser, tout ça, tout ça. Il lui demandait même de signer un contrat sur papier, comme si cela allait changer quelque chose pour lui ou pour l’humain. Un pacte était un pacte et les membres de leur espèce n’avaient besoin d’aucune assurance auprès des hommes. Comme si ces derniers pouvaient faire quelque chose contre eux, de toute manière. Ils avaient juste à ne pas être aussi faibles en cédant aux tentations qu’ils leur proposaient.

Quoi qu’il en soit, le notable semblait réfléchir à plein régime, et il révéla à leur cher… « guérisseur » que Claunech était là pour l’argent. L’humain lui demandait même si ça allait, mais la larve de Paimon semblait bien décider à le doubler en réduisant son prix. C’était qu’il ne voulait pas perdre et un sourire ironique naquit sur les lèvres du bras droit de Lucifer. Visiblement, il ne savait pas que leur notable avait quelques soucis plus importants au niveau pécuniaire.

Ce fut donc lorsque l’humain le questionnait du regard qu’il reprit la parole d’un ton relativement décontracté, comme si de rien n’était.

- Tu vois, notre ami ici présent a dû beaucoup combattre contre sa maladie. Il a tout tenté, et, comme tu le sais, évidemment, n’a jamais su convaincre son cancer totalement.

Claunech prenait son temps, parlant d’un ton parfaitement naturel. C’était toujours agréable d’en savoir plus que l’autre, surtout quand on cherchait à atteindre le même but et qu’en fait on se retrouvait à un « rival » qui voulait lui pourrir la vie.

- Et donc, reprit tranquillement le bookmaker, il s’est considérablement… endetté, disons. Toutes les opérations, les interventions, et même le prix de l’hôpital… Ca coûte cher, tu sais ? C’est tellement dommage.

Tu parles.

- Je lui ai donc proposé mon aide pour tout lui rembourser. Tu sais que l’argent n’a jamais été mon problème. Et vous savez bien, poursuivit Claunech en se tournant cette fois vers l’humain avec un sourire entendu, que je peux aussi vous guérir par la même occasion. Vous m’aviez appelé pour cela à la base… Et mes services sont toujours d’actualité, avec un prix évidement réduit, suite à tout ce que vous avez traversé.

Ignorant délibérément le regard peut-être assassin de Sytry, Claunech attendit la réaction de l’autre humain. A voir ce qu’il allait faire, maintenant. En soi, leur combat l'amusait presque. Il était juste totalement hors de question de perdre contre une larve pareille.

Sytry ne le regarda même pas lorsque Claunech répliqua lorsqu'il le traita de chiens. Ils ressemblaient plus à des parasites qu'à cet animal prestigieux. Il n'ajouta rien. Ça ne servait à rien de tenter de raisonner un imbécile. Sytry se concentra plus sur ses proies. Il ne laisserait pas le caniche de Lulu lui prendre ça aussi. Il l'avait assez vu durant ses mauvais siècles… Il soupira lorsque le chien de lulu se remit à parler, expliquant la situation de l'insecte malade. Et voilà pourquoi, ils se retrouvaient tous les deux là à se battre pour ses deux âmes. Oh, mais en l'entendant décidé de le guérir aussi, la rage attaqua à nouveau le coeur pourrie du démon. Sytry se leva et sema une graine de panique dans la tête du notable envers Claunech. Vive la manipulation des sentiments, maintenant, il ne lui restait plus que lui dire de belles paroles.

Le visage du notable changea en regardant le chien de lulu. Ses yeux semblait chercher une issue de secours. Sytry en profita pour déposer une main rassurante sur l'épaule du notable.

-Ne vous inquiétez pas, vous êtes entre bonnes mains avec moi. Je comprends que vous ne lui faites pas confiance. Et juste pour vous, je vais vous le faire gratuitement. Vous pourrez vivre le restant de votre vie avec soulagement et bonheur. Allez assoyez-vous.

Il l'aida à s’asseoir en lui faisant une manipulation de sentiments. Cette fois-ci de la confiance envers lui. Le notable lui sourit. Sytry était prêt à montrer à ce caniche tout son intelligence. Il fallait qu'il comprenne sa supériorité. Il n'avait pas jadis été si près de Lucifer pour rien.

Il posa un regard faussement chaleureux sur le notable avec un sourire encourageant. Seulement, une lumière blanche vint l'aveuglé. Il rabattit ses lunettes de soleil sur ses yeux avant de voir une personne qui venait d'arrivé comme ça, par magie. Ça lui rappelait étrangement la rouquine avec l'attardé. Il plissa des yeux avant qu'une deuxième lumière se fit près de la femme cette fois. Mais… c'était quoi ça au final?

Le premier être qui venait d'arriver se plaça devant le notable en leur jetant un regard dédaigneux.

-Tenez-vous loin de lui! Ne vous avisez pas de le toucher.

Sytry haussa les épaules. Même les paroles lui faisaient penser à cette rousse. Le démon observa l'être en tentant de trouver une faille en lui. Au premier regard, rien n'était simple. Malgré lui, il jeta un œillade envers Claunech. Au cas où que c'était un coup monté de sa part…

Que Sytry triche n’était pas vraiment une surprise. L’un comme l’autre était des démons, et tous les moyens étaient permis pour s’approprier une âme que l’autre voulait. Pour autant, le bras droit de Paimon avait là un pouvoir bien pratique dans des situations comme celle-là. En tout cas, il pouvait faire passer de la peur à la confiance facilement, et ce n’était sûrement pas un humain comme le notable qui allait lui opposer une vraie résistance. Le regard de ce dernier voulait tout dire, d’ailleurs,  et Claunech assista à son discours pourri avec un scepticisme qu’il se garda néanmoins de montrer. Il n’y avait que les insectes pour gober les paroles d’autres moins que rien. Mais bon, on ne pouvait pas changer le monde en un claquement de doigt.

Ce fut lorsqu’il allait intervenir par un moyen ou autre qu’il s’arrêta. Plus à cause de la lumière qui jaillit soudainement de nulle part que du démon devant lui. Fronçant cette fois des sourcils, Claunech avisa un homme se tenant fermement entre Sytry et le notable, puis une femme protégeant l’autre humaine mal en point dans son fauteuil. La première chose que remarqua le bookmaker fut la détermination et le mépris qui se lisaient sur leurs visages. Et la deuxième chose fut leur présence qui contrastait nettement avec celles des démons.

Ce n’était ni des sorciers ni des humains. Claunech aurait presque pu pencher pour des mutants si leur aura n’était pas identique et s’il ne dégageait pas autant d’eux de la puissance.

Il n’y avait dès lors qu’une dernière option envisageable. Claunech prit le temps de les dévisager tous les deux avant de laisser échapper un sourire ironique.

- N’aie pas ce regard si sceptique, Sytry. C’est la dernière trouvaille de Dieu pour ses humains chéris. Des gardiens… Je me trompe ? fit-il en se tournant vers l’homme qui semblait diriger le groupe.

Ceci dit, même si Claunech paraissait en totale confiance et ne s’inquiétait pas encore vraiment, il n’avait pas vraiment prévu de faire de la marmelade de gardiens aujourd’hui. Comme quoi, c’était la journée des imprévus… Et puis quoi, il tomberait sur Paimon ? Il ne manquait plus que ça pour pourrir sa journée, au fond.

- Raison pour laquelle, répondit l’homme sur un ton froid, je vous laisse dix secondes pour partir.

- Trop aimable. Le problème…

Et une boule de feu apparut dans sa main.

- C’est que dans dix secondes, vous serez morts.

La femme comprit la première. Elle se téléporta juste à temps pour protéger le dos de son camarade, que le démon avait pris pour cible en se téléportant lui aussi. La boule de feu vint les heurter de plein fouet emportant les deux gardiens et l’humain dans son élan.

C’est que ces microbes semblaient plus résistants et alertes que prévu mine de rien… Avec un sourire mauvais, Claunech fit apparaître une autre boule dans la paume de ses mains. Mais d’électricité, cette fois. Autant varier les plaisirs avant de les exterminer une bonne fois pour toute.

Les nouveaux arrivants n'avaient pas l'air de vouloir partir. En faisant un lien, il comprenait que ses êtres-là étaient de la même espèce que la rouquine avec l'attardé. Connaissant Claunech, il doutait un moment croyant à une sorte de supercherie. Quand, on se frottait à plus haut que soi on prenait toutes les mesures possibles. Ça ne l'aurait donc pas étonné de la part du caniche. Ce qui l'horripila encore plus fut que le chien de Lucifer paraissait connaître leur nature. Il se crispa à sa phrase tout en observant les deux venus. Des soldats de Dieu alors ? Intriguant. D'un autre côté, ça sentait une nouvelle menace. Mais, aussi, une potentielle solution pour élaborer un plan contre Lulu. Il ne pouvait s'empêcher d'y penser.

L'homme devant lui les menaça de partir en dix secondes. Plutôt rêvé. Il ne partirait pas sans combattre et ne laisserait pas le plaisir du caniche d'avoir les âmes. Se défouler un peu lui ferait du bien. En voyant l'attaque de Claunech, il comprit que les gardiens là étaient moins expérimentés que la rousse avec le débile. C'était une bonne nouvelle. Mais, il savait maintenant qu'il devait faire attention aux boules lumineuses. Elles étaient dangereuses pour eux.

Le vieil notable tomba avec force au sol se brisant sûrement un os au passage, car une plainte sortit de sa bouche tandis que les deux gardiens à l'allure novices jonchaient le sol. Le gardien du notable avait un bleu au niveau de la hanche. Intéressant. Malgré l'envie irrésistible de laisser le chien de lulu se faire massacrer sous ses yeux, il décida de prendre part au combat également. Maniant très bien le feu, il forma devant lui un mur de feu qu'il balança sur les ennemis. Il se téléporta pour attraper par la gorge la protectrice de la femme. Elle, en profita, pour lui balancer une boule lumineuse qu'il reçut sur l'épaule. Son membre recula, encaissant le choc. Sytry sentait un engourdissement douloureux à cet endroit, mais en fit abstraction. Il devait bien paraître surtout qu'au final, il n'était qu'entouré d'ennemis. Il la projeta contre le mur pour s'éloigner de ces attaques lumineuses. L'homme se plaça devant elle, prêt à la protéger.

-On risque d'y passer des heures et des heures si on continue comme ça. Ils ont l'avantage d'être un duo performant qui s'entraident. Constata-t-il de sa voix de stratège de combat.

-Mais, on a l'avantage d'être face à des débutants semble-t-il. Je les déconcentre. On verra si tu es aussi bon que ça niveau extermination Clauclau. Lâcha-t-il avec un sourire méprisant.

Les deux ennemies étaient déjà debout près à les attaquer. Sytry se téléporta vers la cancéreuse femelle et lui tordit le bras, le brisant d'un seul coup. S'il avait bien déduit sa protectrice devait en ressentir aussi la douleur. Son regard calculateur observa le caniche avec les gardiens.

C'était une journée de merde. Devoir se taper se sale boulot avec Claunech. Juste à y penser, l'envie de le laisser tout seul avec ses ennemies lui flottait en tête. La seule chose qui le retenait était sa fierté, son ego démesuré et le besoin de lui montrer qu'il valait plus que lui.

Avec une certaine satisfaction, Claunech vit les deux gardiens heurter le sol avec une certaine violence. Sans doute les dégâts auraient-ils pu être plus importants si l’autre gardienne ne s’était interposée avant que sa boule de feu heurte son ennemi, mais soit. Le démon comptait quand même leur réduire leur compte. Le seul problème était que manifestement, ils agissaient par binôme et étaient quand même organisés. Et si le bookmaker avait certes certains avantages dans ce combat – dont notamment celui de n’avoir personne à protéger, à l’inverse de leurs ennemis avec ce misérable notable -, il allait néanmoins devoir rester prudent par principe. Celui qui était trop sûr de soi risquait tôt ou tard de se brûler en sous-estimant les autres. Le démon n’avait aucune considération pour ces gardiens, mais il restait calme et méthodique. Calculateur, surtout. Claunech n’aimait pas s’engager dans des combats inutiles et où il avait peu de chances pour gagner. Sauf peut-être quand il s’agissait de Lucifer. Là, le résultat était connu d’avance, mais cela avait toujours amusé le bookmaker de provoquer son créateur dans certains défis. Mais d’une certaine manière, il n’avait jamais été comme un démon lécheur de botte qui tremblait devant le chef des Enfers et jacassait devant lui. C’était plus une attitude qu’il méprisait qu’autre chose.

Ici… Le combat n’était pas perdu d’avance. Les deux gardiens avaient pour avantage d’être unis et d’être plus « immunisés » face aux démons et aux membres de son espèce. Pour autant, et c’était là un peu ironique, Dieu ne les avait pas rendus invincible. Claunech pouvait donc s’en occuper et peut-être faire regretter la vie au notable en passant un contrat ou en le tuant au passage… Cela enragerait sans doute Sytry, mais c’était un peu le but aussi.

Le combat risquait d’être long, par contre. Ce fut en tout cas ce que pensa le démon en voyant Sytry former un mur de feu pour ensuite essayer d’attaquer la gardienne. Celle-ci ne tarda pas à se défendre en lui envoyant une boule lumineuse dont ils devraient tous deux se méfier. Dans leur cas, le bras droit de Paimon ne sut pas l’éviter, mais il réussit quand même à la projeter contre le mur. Bien, il savait au moins faire ça. Et arriver à la même conclusion que lui, aussi, par la même occasion.

Sytry rajouta qu’ils semblaient être face à des débutants. C’était probable, des gardiens plus expérimentés auraient peut-être su éviter sa première attaque. Un sourire ironique apparut ensuite sur le visage de Claunech quand son congénère lui parla de les déconcentrer, tandis que lui devait, s’il en croyait ses dires, exterminer leurs deux ennemis. Tu parles, comme s’il avait besoin de son aide pour faire cela.

Par contre, il allait lui payer le fait de l’avoir appelé Clauclau. Peu de personnes pouvaient le faire, et lui n’en faisait pas partie.

Il attendit cependant que Sytry se soit téléporté pour passer à l’action. Tordre le bras de la cancéreuse fut d’ailleurs une bonne idée puisque la réaction de la gardienne fut immédiate. Elle ne put retenir un cri en dirigeant son bras valide sur son membre désormais blessé, et il fallait croire que plus les blessures de leurs protégés étaient importantes, plus ils le ressentaient. Claunech n’attendit pas. A l’inverse, il s’élança et tandis que la femme se raidissait en le voyant se rapprocher d’elle à toute allure via son aérokinésie, l’autre homme essaya d’intervenir.

Mais Claunech s’y attendait. Travailler en duo pouvait être une force, mais aussi une faiblesse. En l’occurrence, agir tout en voulant préserver l’autre était directement moins évident que quand on se préservait soi-même.

Avec une expression mauvaise sur le visage, Claunech attrapa le bras du gardien qui s’était mis devant la jeune femme par réflexe, le fit tournoyer avant de le projeter avec fracas dans la pièce voisine. La porte était ouverte, c’était donc faisable s’il visait bien, et le démon entendit le gardien heurter avec un certain fracas une armoire qui devait être remplie de vaisselle s’il croyait les bruits qu’il entendait.

Ce n’était certainement pas ça qui allait achever le gardien, et Claunech aurait pu aller en finir directement, mais à l’inverse, il se tourna vers Sytry d’un air détendu tout en désignant la cancéreuse du regard. Il avait une idée, et si le toutou de Paimon était assez rapide, ils allaient profiter d’un joli spectacle.

- Les gardiens sont atteints par les blessures physiques, fit-il. C’est ce que j’ai entendu dire si on attaque leurs protégés. Mais si tu utilises ton pouvoir sur elle et que tu la rends parano… Qui sait ? Peut-être que ça affectera sa gardienne ?

Claunech considéra un instant l’humaine qui devait désormais plus vouloir mourir qu’autre chose puis ramena son attention sur Sytry pour formuler le fond de sa pensée. Ce qui les ferait vraiment s’amuser.

- Mettons que tu insuffles à cette humaine l’envie de s’en prendre au gardien en lui faisant croire que c’est désormais un ennemi. Même si elle ne saura rien faire, si ça affecte la gardienne et qu’elle est donc touchée par ton pouvoir…

Un sourire, cette fois nettement mauvais, apparut sur son visage.

- Ca pourrait faire une jolie scène de trahison, tu ne penses pas ?

Cela ne marcherait sans doute pas sur des gardiens expérimentés, mais ceux dont ils avaient affaire étaient débutants. Par ailleurs, le temps que l’autre homme reprenne ses esprits, cela était toujours faisable pour Sytry. Sauf si Claunech le surestimait. C’était un toutou d’une raclure incapable, après tout, ce ne serait donc pas tellement étonnant…

Sytry ne perdit pas de temps à s'attaquer à la cancéreuse. Ça faisait deux fois qu'il avait eu la preuve que s'en prendre au protéger, blessait le gardien. Il était sûr de son coup. Dès qu'il brisa le bras de la femme malade, la gardienne poussa un cri ce qui le fit sourire de manière mesquine. Elle toucha son bras invalide laissant le temps au chien de Lulu de les sauter dessus. Ça le faisait horriblement chier devoir travailler avec lui. Il se demandait s'il le plantait là, il s'en sortirait aussi bien. Sûrement pas. Il fallait pas sous-estimer ses ennemis. Claunech se retourna ensuite vers lui avec un stupide sourire. Quel idiot! Il venait même d'avoir la preuve que les blessures physiques sur le protégé les blessait. C'était confirmé. Pourquoi fallait-il qu'il reste dans la supposition ?

Il leva un sourcil en écoutant le reste de son discours. Oh, Sytry avait une information en plus que Claunech n'avait décidément pas. Le démon se rappelait de son combat avec la rousse. Même lorsqu'il attaquait mentalement le petit attardé, ça n'avait pas semblé la toucher. Mais, il savait que son pouvoir fonctionnait sur les débutants. Et eux, ils étaient plus faibles que la rousse.

Sytry soupira en secouant la tête désespéré par son manque de calculs.

-Tu ne vois pas assez les failles de ton idée, c'est marrant. De un, toucher mentalement le protégé ne touche pas la mentalité de sa gardienne, malheureusement. J'ai déjà testé. Tu sous-estimes tes ennemis. Ce qui n'est pas nouveau. Mais, je peux faire autre chose tout aussi amusant. Ils sont très débutants.


Sytry se retourna vers la gardienne. Il se concentra tout en pénétrant dans sa tête. Il lui insuffla de la haine envers son petit copain gardien. Il ressentit une certaine résistance. Sytry ferma les poings en augmentant la pression de l'émotion sur elle. On vit son visage changer d'expression, elle se retourna vers son copain toujours en se combattant après le ressenti qui devenait de plus en plus fort. Elle envoya une boule lumineuse sur son copain qui revenait dans la pièce. Il fut projeté contre le mur. Suite à ça, elle réussit à reprendre le dessus sur ses sentiments. Sytry était déjà assez fier d'avoir réussi ce tour très exigeant. Il fit comme si ça avait été très facile en jetant un regard envers Claunech.

Il se téléporta pour se mettre sur le vieux cancéreux. Il ramassa sa jambe dans ses mains avant de la tordre d'un coup sec. Le vieil homme hurla à s'en briser les oreilles ainsi que son gardien qui devait boiter avant de se guérir. Si Claunech était compétent, il pourrait faire une belle attaque avec ce qu'il venait de faire. Il n'avait pas été haut placé jadis pour rien.

Son regard bleuté se dirigea vers l'autre démon en attente de voir sa compétence. Il ne supportait pas ses imbéciles incapables de rien. Ce chien de Lucifer devait en faire partie, ça ne serait pas étonnant. Sytry vit la gardienne se téléporter devant sa protégé pour la guérir. Voilà, ils étaient faciles à attaquer maintenant. Ils étaient dispersés et préoccupés.

Le démon se tourna vers le cancéreux à ses pieds qui souffraient le martyr. Il insuffla de la confiance dans son esprit d'insecte. Il se pencha à sa hauteur.

-Si tu veux arrêté de souffrir et avoir une chance de sortir en vie d'ici, conclut le pacte avec moi. Même si ton gardien te protège, tu resteras pris avec ton cancer. Que c'est dommage! Tu ne peux raté une si belle occasion, non ?

Le vieux hocha la tête. Un sourire espiègle se dessina sur le visage du démon avant de l'embrasser volant son âme. Le notable était maintenant guérit du cancer et son âme à lui. Parfait.

Il se releva en entendant hurler de rage le gardien du notable. Oups ?

Sytry semblait en savoir plus que lui sur certains niveaux. En tout cas, Claunech ignorait que manipuler l’esprit de l’humain protégé ne faisait rien à son gardien, ce qui n’était pas vraiment pratique. Enfin, cette « race » était affectée par toutes les autres blessures physiques, ce qui leur offrait déjà un grand panel de possibilités. Mais bon. C’aurait quand même été plus drôle si es gardiens avaient souffert de tout ce qui atteignaient leurs petits protégés.

Sytry semblait néanmoins savoir faire autre chose de tout aussi « amusant » à l’en croire. Et si Claunech faillit lui faire remarquer que parmi eux deux, le bras droit de Paimon n’était pas vraiment le mieux placé quant à bien jauger ses ennemis – déjà qu’il se prenait un chef de merde, pour commencer, mais comment tu pouvais suivre une larve et un immondice pareil et après avoir une bonne vue sur ses ennemis ? -, il regarda quand même le pouvoir de Sytry agir sur la jeune femme.

Celui-ci avait beau être peut-être un pouvoir moins offensif que d’autres pouvoirs comme la pyrokinésie, il restait quand diablement efficace pour mettre la zizanie entre deux personnes ou même deux alliés du même camp. D’ailleurs, l’autre gardien ne s’attendait pas vraiment à recevoir une boule de lumière en pleine face. Le désavantage fut que Sytry ne sembla pas pouvoir maintenir son pouvoir trop longtemps sur la gardienne. Les gardiens étaient donc résistants, et peut-être plus encore face à des démons... D’un autre côté, cela montrait aussi que le don de Sytry avait ses limites, et s’il ne savait faire qu’une seule action à un gardien débutant, alors un gardien qui avait plus d’expérience aurait dû lui foutre une sacrée raclée. C’était toujours bon à savoir pour déceler les compétences de ses ennemis. Et leurs faiblesses. Accessoirement.

Quand son congénère lui décocha un regard, Claunech se contenta d’hausser les épaules. Même si son pouvoir était puissant et pouvait être une menace un jour ou l’autre, ce n’était certainement lui qui allait le féliciter. Et quitte à ce que ça passe pour de la nonchalance, Sytry aurait une mauvaise surprise s’il voulait le prendre un jour à revers.

Mais l’attaque du démon avait laissé une belle occasion, et si Sytry se téléporta près du vieux cancéreux, Claunech, lui, se téléporta juste derrière la gardienne. Celle-ci devait être furieuse de s’être laissée avoir, et il allait justement profiter du fait qu’elle allait vouloir se venger du démon. Preuve en était qu’elle fixa Sytry déjà penché sur le notable, et ce dont le bookmaker allait peut-être devoir se méfier, d’ailleurs. Ca restait quand même sa proie de base, et ni lui, ni le bras droit de Lucifer ne l’avait oublié.

Ce fut au même moment que Sytry visa les jambes du notable que la jeune femme reçut une boule électrique en plein dans son dos et dans sa colonne vertébrale. Elle ouvrit la bouche pour crier mais aucun son n’en sortit ; par contre, le hurlement du notable s’entendit sans doute jusqu’à l’autre bout de la maison.

Bieeen, ils avaient deux blessés ainsi.  La femme disparut pour apparaître devant sa protégée, chancelante et devant souffrir le martyr, mais encore assez forte pour guérir sa protégée, apparemment. Quant à l’autre gardien… C’était lui dont Claunech allait s’occuper en premier. Les démons pouvaient faire souffrir pour le plaisir, mais dans leur cas, Sytry avait aussi brisé les jambes du notable pour une raison pratique, et le démon comptait bien rebondir là-dessus. Il n’aurait pas le temps de guérir, ou pas facilement en tout cas. Quant à l’autre gardienne, le temps qu’elle revienne au combat, elle se trouverait en mauvaise posture.

L’autre boitillait, et Claunech ne tarda pas à retourner le couteau dans la plaie.  Le démon visa d’une boule de feu sa jambe blessée, et sans se préoccuper du fait qu’il l’esquivait tout en protégeant maladroitement son visage, il se téléporta derrière le gardien pour lui murmurer à l’oreille. L’immobilisant grâce à son aérokinésie, tout son corps devait faire pression avec l’air qu’il maintenait sur lui. Sans doute devait-il avoir du mal à respirer et même à rester debout avec sa jambe blessée, mais Claunech ne s’en souciait pas.

- Tu as déjà joué au bowling ? Je te propose un truc. Toi, tu seras la boule. Et elles, fit-il en désignant les deux femmes, les quilles.

Autant faire d’une pierre trois coup, après tout. D’autant que ça, ce serait la première partie de ce qu’il comptait faire.

Et il allait tricher un peu sinon, ce ne serait pas drôle.

Lancer le gardien ne fut pas difficile, bien qu’il doubla son attaque d’une boule électrique en pleine nuque, pour bien lui faire regretter d’avoir fait face à lui. Peut-être que ça lui disloquerait tout, par contre. Mais bon, au pire, ils auraient affaire à un pantin désarticulé, si ça continuait ainsi. Il l’envoyait un peu dans tous les sens d’ailleurs, depuis que le combat avait commencé.

… Tant pis. Et s’il se brisait la nuque, bah, ça ferait un ennemi en moins à regretter.

Encore que c’était Sytry qu’il avait le plus envie d’envoyer bouler. Il le faisait vraiment chier à rester collé à ce notable. Après, c’était peut-être le propre des insectes. Restés collés entre semblables.

Mais bon. Les cas désespérés allaient bien avec les cas désespérés. Hormis le fait que c’était sa proie, à la base.

Quoi qu’il en soit, lancer le gardien ne fut pas difficile, mais Claunech n’attendit pas que sa bouboule arrive à destination. Au contraire, il utilisa sa chronokinésie pour ralentir le temps, et lança ensuite plusieurs boules électriques contre un luminaire qui se trouvait juste au-dessus des deux femmes. Assez pour le faire détacher du plafond en tout cas. Et comme il était particulièrement bien imposant, avec toute sorte d’ampoule en verre, qui plus est, cela risquait de faire de jolis dégâts à l’arrivée.

Sans doute que la gardienne aurait pu bouger grâce à sa téléportation. L’autre gardien non, sonné comme il était avec l’attaque qu’il avait balancé juste en dessous de sa tête.

Mais un gardien était un gardien : proctecteur et tout ce qui allait avec. Aussi, tandis que l’homme hurlait sans doute sa rage à cause de Sytry et que le temps reprenait normalement son cours, la femme, elle, projeta l’humaine contre le mur pour au moins lui éviter de se faire écraser à son tour. Et de fait, le luminaire tomba comme il le fallait sur les deux gardiens dans un bruit de verre brisé.

Claunech allait traumatiser l’humaine à vie, en fait.

Mais en attendant, Sytry le faisait vraiment chier. Il ne savait que briser les jambes et maintenir une emprise sur un gardien dix secondes ? C’était tellement triste. Claunech aurait dû ne rien faire, en fait, le bras droit de Paimon s’en serait ramassé plein la gueule, ainsi. Et c’était lui qui parlait de ne pas sous-estimer ses ennemis, alors qu’il défaisait sa garde en plein combat ?

Jetant un oeil dédaigneux au luminaire et ignorant superbement Sytry qui arrivait à la fin de la guerre – sauf si les gardiens étaient vivants, cela restait encore possible – Claunech s’approcha de l’humaine qui avait certes été épargnée, mais qui n’en restait pas moins entourée de verre. Et il y avait aussi sa jambe qui était coincée entre le luminaire et le sol. Elle devait être choquée vu comment les choses s’étaient précipitées pour elle, mais ce n’était pas son problème.

- Tu veux récupérer ta jambe, partir d’ici, et être guérie de ton cancer ?

Un peu hébétée, la jeune femme leva son regard vers lui tandis qu’elle comprenait ce qu’il lui disait. En fait, elle n’en avait visiblement rien à foutre de sa maladie, à l’heure actuelle, puisqu’un seul « Je veux partir » terrorisé jaillit de sa bouche. Un sourire germa sur les lèvres de Claunech tandis qu’il écartait les morceaux de verre à l’aide son pouvoir.

- Faisons ça, alors.

Le démon allait sans doute accomplir toutes les conditions qu’il avait proposé. Ce fut néanmoins alors qu’il s’abaissait pour conclure le pacte qu’un nouveau cri de rage surgit et que la gardienne apparut en étant salement amochée. L’espace d’une seconde, Claunech la dévisagea avant de la projeter brusquement vers Sytry, tombant presque dans ses bras. Elle avait beau être vivante, elle devait être plus épuisée physiquement qu’autre chose. Et Claunech n’en avait à faire, de cet déchet vivant.

- Occupe-t-en, tu veux ? lança-t-il au démon. Elle ne comprend pas que les insectes vont avec les insectes, visiblement.

Et sans un mot de plus, Claunech ne pencha cette fois vraiment pour conclure le pacte avec l’humaine. Le temps qu’il la mette quelque part ne devrait pas être long, une minute, tout au plus. Et puis… Puis, il verrait s’il ne pouvait quand même pas tirer quelques sous par ci par là. Le notable semblait avoir pas mal de trucs intéressants dans sa demeure après tout.

Sauf s’il dégageait à cause de l’autre démon de pacotille. Il fallait voir aussi ce que Sytry ferait à son tour…

Oui, Sytry osa en profiter pendant que Clauclau le chien de Lulu s'occupait des gardiens. Ça le rendait malade à devoir être coéquipier avec lui. Il se changea donc les idées en terminant le pacte avec SA proie. Il se releva ensuite déposant les mains dans ses poches regardant le chien de lulu lancer un gardien comme une boule de bowling. Il remarqua aussi qu'il fit brisé les luminaires au-dessus de la tête des gardiens. La gardienne balança sa pauvre victime contre un mur avant de se faire écraser. Pathétique. Un sourire espiègle se dessinait sur les lèvres. Pourquoi l'aiderait-il? Pour qu'il puisse mieux analyser ses tactiques et les noter le jour où ils se battront l'un contre l'autre? Jamais. Il préférait se faire passer momentanément pour un faible que se faire analyser. Sytry leva les yeux au ciel en l'entendant demander la requête à l'insecte. Un peu plus, ça ressemblait presque à « Putain donne-moi ton âme sinon je te tue ». La gardienne de son côté décida de ne pas dire son dernier mot. Elle réapparut devant eux. Il la projeta sur lui.

Sytry esquissa un pas de côté avec sa grâce féline pour laisser retomber à terre. Il l'écouta en haussant les épaules. Quel imbécile! Allez sous-estime moi, sous-estime moi. Ça te portera préjudice. En fait, c'était un peu son but. Le danger provenait toujours de ceux qu'on pensait « faible ».

-Comme la jalousie ne te va pas Clauclau. Pourtant, c'est toi qui embrasse l'insecte. Si je vais avec ta logique : un insecte va avec un insecte. Bonne âme!

Jouer avec les mots l'amusait toujours aussi tant. Il lui lança un beau sourire avec un clin d'oeil avant d'enflammer le corps de la gardienne. Il ne se préoccupa de ses hurlements.

-Bon maintenant on peut dire que c'est équitable. J'ai déjà le joli âme du notable dans mes poches.

Il afficha un sourire espiègle en observant le notable qui se grattait la tête sans rien comprendre de la situation. Sytry réinstalla sa cravate. Épousseta son veston et ses pantalons propres du revers de la main. Un instant son sourire disparu et ses yeux se durcirent.

-Ne vient plus jouer dans mes plates bandes. Sinon, ça sera dommage de devoir en fini avec toi, non ? Je sais que tu m'aimes bien, mais hélas, tu pues trop la pisse de Lulu. Dit-il en lui donnant une tape l'épaule. Il enleva sa main de lui comme s'il avait la peste avant de disparaître.