L’émerveillement. Voilà l’état émotionnel d’Antonella, à cet instant précis. Quelque chose qu’ele n’avait pas ressenti depuis bien longtemps. Sur un gros coup de tête encouragé de 2 ou 3 bières bon marché, elle avait fini par se lancer. Par entrer dans l’institut, dans le batiment, dans l’école dans laquelle Adrian lui avait toujours interdit d’aller depuis qu’elle avait découvert son pouvoir. A cause d’une vieille rancœur. A cause d’un « non » qu’Adrian n’avait pas sût avaler et qu’il avait toujours en travers de la gorge, radotant et rappelant toujours que s’ils étaient dans une telle porcherie, s’ils étaient aussi pauvres, c’était à cause d’eux. Cela faisait depuis deux mois qu’elle avait arrêté l’école, ayant peur de recroiser l’élève qu’elle avait agressé, ayant peur de faire du mal à quelqu’un, ne s’y sentant pas chez elle… Ne s’y étant jamais senti chez elle. Les 7 pauvres mois qu’elle y avait passé n’avait fait qu’accroitre son mal-être. Mal-être à cause duquel elle se retrouvait avec un pouvoir qu’elle n’avait pas voulu et qu’elle voyait comme dangereux. Si Adriel et Axelle, eux, n’avaient pas peur, ils ne pouvaient cependant pas l’aider. Quand à Adrian… Il était trop occupé à son boulot et avec les devoirs des autres triplés. Elle avait quitté l’école. Elle avait donc d’après lui « elle-même perdu ces précieuses minutes ». Rien qu’en y pensant, elle en siffla d’agacement.

Mais plus les pas d’Antonella l’avançaient dans le batiment et plus les idées noires la quittaient. Elle oubliait peu à peu Adrian et ses tiers, ne pensant plus qu’à elle, chose qu’elle n’avait pas fait depuis longtemps. A croire que le destin était ce jour-là avec elle. Alors qu’elle parcourait les couloirs vides, déçue de ne croiser personne, la fin des cours retentit, laissant une vague d’élèves sortir de différentes salles. Elle fut alors immergée dans une foule, qui bientôt, prit ses aises. Des animaux remplaçaient certaines formes humaines, d’autres obtenaient une peau ou une chevelure d’une couleur différentes. Chacun laissait son esprit divagué, libéré de cours. Et à cet instant, depuis bien longtemps, Antonella se sentit à sa place. Parmi les mutants. Parmi les sorciers. Parmi des gens comme elle. Durant plusieurs minutes, elle se laissa guider par ses semblables, comme guidée, avant que la foule ne se dissipe. Elle se sentit abandonnée soudainement, chacun étant parti dans sa chambre, dans son prochain cours ou où que ce soit d’autres. La fête était finie, elle n’avait duré que quelques minutes, pour faire ressentir à Antonella ce qu’elle loupait, où elle pouvait vivre, avec qui.

La morosité de sa vie revint à grand pas, la laissant déambuler encore dans les couloirs de longues et longues minutes. Des minutes qui se rallongèrent… Ne trouvant plus finalement la sortie. Elle avait besoin de partir. De s’échapper de ce rêve, afin de garder les pieds sur terre et ne pas retomber de trop haut lors de son retour chez elle. De pleurer aussi. Antonella s’était laissé tenter par le diable, en visitant la chance qu’elle n’aurait jamais. Mais en fait… Elle était déjà allée trop haut. Quant on est plus bas que terre, la moindre remontée suivi de la moindre chute peut-être fatale en fait.
Ses pas lents se transformèrent en pas accélérés tandis que ses yeux anciennement pétillants de bonheur brillaient désormais sous l’envie de pleurer. Mais elle se retenait. Juste le temps de trouver la sortie du paradis pour retourner en enfer.

« … Excusez-moi ! EHO ! » lança-t-elle soudainement à une tête brune apparue au tournant d’un couloir avec un fort accent hispanique, avant d’ajouter d’un anglais peu sûr : « Tu peux peut-être m’aider ! Je arrive pas à trouver les sorties. »

♦ Gif by Tumblr, fiche by © Summers ♦

S’étant sentie elle-même hésitante sur ses mots, Antonella fut contente d’être comprise et d’avoir un sourire avec la réponse. Elle-même ajouta un sourire à sa demande, peu vraiment habituée à montrer ses quenottes envers un inconnu. Même envers quelqu’un de proche, il faut dire que la gamine ne souriait pas vraiment. Se rapprochant de lui pour le suivre et enfin pouvoir sortir de ce trop doux rêve, une apparition effaça cette image idéale en une fraction de secondes, arrachant un cri de surprise à l’espagnole, la faisant même trébucher en arrière.

Sur les fesses, les mains plaquées derrière, l’adolescente observait, mortifiée, la dangereuse créature qui se dressait à tout juste quelques mètres d’elle et de l’élève. Elle n’avait rien d’innocente et sa présence avait lancé une alarme en elle, se sentant horriblement en danger. Elle commençait déjà à regretter d’être venue ici, d’avoir désobéit à son frère. Jamais elle n’avait eu affaire à ce genre d’événement, ayant jusqu’à aujourd’hui, toujours été protégée.

Ce fut la voix du garçon qui ramena la fillette à la réalité, tétanisée jusqu’à ce moment pour faire autre chose qu’observer la créature, bouche ouverte, yeux ronds. La fuite était conseillée par le garçon, voire ordonnée vu le ton.

Elle qui, d’habitude, ne supportait pas ce genre de ton, savait pertinemment qu’il avait raison et que cet ordre n’était donné que dans son interet. Prenant une grande poignée de courage, Antonella se retourna et commença à se relever pour courir dans la direction du garçon, mais les soudains bruits de tirs la fit se pencher en avant, s’échouant ensuite sur les genoux, paniquée.

Les tirs semblaient attirer d’autres élèves à sortir des classes et paniquer, allant à l’opposé du duo. Manque de chance pour les deux, ils semblaient être la première cible et donc la principale cible de la machine folle. La cible fut d’ailleurs bientôt touchée, car Antonella sentit une brûlure à sa jambe, la faisant chuter alors qu’elle se relevait une seconde fois, dans un grognement retenu. Lançant un rapide regard, elle vit un léger filet de sang ainsi qu’une brulure sur son jean : la balle ne l’avait que seulement frôlé. Son regard apeuré se transforma en regard rempli de haine en quelques instants. L’envie de fuir n’était plus, mais son instinct de survie lui ordonnait d’attendre encore. Ou plutôt de poursuivre sa fuite. Chose difficile, bien qu’elle recommença à se relever, s’appuyant sur un pied, oubliant la présence du garçon. Dans sa tête, dans ce genre de situation, c’était chacun pour soi…

♦ Gif by Tumblr, fiche by © Summers ♦

Antonella se mit à penser à son frère et sa sœur de portée également. Ca y est, c’était à cela que l’on pensait quand on sentait sa fin proche ? Aux personnes que l’on chérissait et avec qui on n’avait pas toujours été au top ? Serrant les dents lorsqu’elle appuya pour la première fois sur sa jambe saignante, la jeune fille était prête à foncer vers la machine et à laisser abattre sa rage dessus, telle une kamikaze, décidée à mourir en tentant quelque chose. Mais elle ne semblait pas partager la même mentalité que le garçon qui montra son esprit chevaleresque en la rejoignant soudainement alors qu’il avait une avance faramineuse sur elle et la créature. Un contact se fit, faisant grimacer l’adolescente irresponsable qui était prête à se jeter dans la gueule du loup, décidée à se la jouer chien enragée.

Si le contact physique était quelque chose de rare pour elle –en tout cas, avec un inconnu-, elle ne répondit rien, observant le garçon puis la créature, la voyant se rapprocher de plus en plus, avant d’être comme retenu par une force invisible. Elle crût durant quelques instants être prise d’un malaise quand elle se sentie soulevée, s’accrochant par réflexe et sans retenu au garçon de ses deux mains, enfouissant sa tête et fermant les yeux comme une enfant. Mais le vent dans les cheveux sembla lui chuchoter la réalité : elle volait. Ou en tout cas, le garçon la faisait voler. Son esprit se permit quelques secondes de trouver ce pouvoir génial, avant de retourner à la réalité, son regard se figeant sur le sang déjà présent sur le visage et l’épaule de son –apparemment- sauveur.

Son attention changea à nouveau de sujet, quand le bruit de tirs reprit. Le vent qui avait auparavant stoppé quelques instants la machine semblait ne plus faire effet, permettant à la créature de reprendre son attaque là ou il s’en était arrêté. Antonella se crispa à nouveau avant d’analyser la situation. Fuir, pour elle, ne mènerait à rien. Au mieux, ce serait d’autres personnes qui se feraient attaquer. Se concentrant, les yeux de la jeune fille se tintèrent à nouveau d’un noir jet pendant que de l’encre ondulait sous sa peau, jusqu’à noircir le bout de ses doigts.

Prise d’un élan de courage, ou d’une bêtise immense, la jeune fille relâcha totalement le garçon et lui pinça le bras avec lequel il la retenait. La chute fut dure, un poil douloureuse, mais ça allait. Les tirs étaient principalement tirés en hauteur, lui permettant de marcher sur les genoux en sa direction. La distance entre les deux se réduisit jusqu’à ce qu’elle soit totalement nulle. Sa main noircie attrapa la cheville de la créature qui se mit à noircir alors peu à peu, jusqu’à faire perdre la quasi-totalité de son encre.

Action réussie en quelques secondes, il n’en fallut malheureusement pas plus à la créature pour s’arrêter et viser la brune. Roulant sur le côté, la mutante sur qui la totalité de l’attention était désormais portée, tentait de se relever en catastrophe, tandis que l’encre dessinait un chemin sur le torse de l’humanoïde. La poursuite visuelle dura de longues secondes, durant lesquelles Antonella s’était finalement décidée de tourner autour de la machine, se permettant de se glisser entre ses jambes immenses, et autres bêtises pour gagner du temps. Une nouvelle idée idiote et dangereuse plus tard, l’adolescente se releva et sauta sur le dos de la machine, pour la désorienter encore plus, jusqu’au moment voulu.

L’encre avait envahi le visage luisant de la créature, s’imprégnant dans ses yeux. Si cela n’allait absolument rien lui faire niveau douleur, sa vue était cependant bloquée par une tâche noire pour quelques instants en tout cas. Retombant sur le sol d’épuisement lourdement, tandis que la machine envoyait ses tirs de manière aléatoire, ne laissant aucun répit à la mutante. Finalement, ce fut une balle perdue qui atteignit le pied de la mutante, lui arrachant un immense cri ainsi qu'une douleur l'empêchant désormais totalement de se relever.

♦ Gif by Tumblr, fiche by © Summers ♦

La douleur était telle qu’Antonella se mit même à en pleurer, recroquevillée contre le mur, se tenant le pied pour essayer d’apaiser la douleur mais rien n’y faisait, encore moins sa chaussure qui semblait s’être transformé en élément de torture. La volonté de poursuivre ce qu’elle avait commencé s’était envolé, tout comme le garçon qui fonçait vers elle mais dont elle ne s’occupait désormais plus, pleurant sur son sort. D’ailleurs, le garçon la fit sursauter, apparaissant soudainement devant elle. Le contact entre les deux se fit à nouveau, accompagné de paroles qui se voulaient rassurante… Et qui l’a rassurait un minimum tout de même. Peut-être n’allait-elle pas mourir finalement si ce garçon l’aider ? Hôchant la tête, elle se raccrocha à lui avec l’une de ses mains, l’autre ne pouvant se détacher de son pied. L’inconnu continuait à lui parler avec des phrases courtes et simples, permettant à l’espagnole de le comprendre. Le laissant faire pour voir comment il allait se débrouiller, la surprise fut là quand il se mit à chanter un refrain… Que sa sœur chantait lorsqu’elle était de bonne humeur, mais aussitôt moquée par Antonella, la traitant de gamine. Cette pensée lui donna un peu plus la volonté de rester en vie, se concentrant sur l’effet du vent sur la créature.

Par contre, la suite fut moins évidente linguistiquement pour la brunette qui n’entendit qu’un charabia pressé sortir de la bouche de son « sauveur ». Puis il se mit à lui parler… Trop simplement, touchant l’égo de la mutante, qui ne se souciait pas de la situation pour se permettre de retenir sa remarque :

« Je suis pas nulle hein ! » balança-t-elle telle une gamine énervée. « Avec l’encre du tatouage. » se ravisa-t-elle, avant de sursauter, crier et de se blottir un peu plus contre le brun lorsque la créature fit un immense bond, cassant le plafond au dessus de leur tête. Quelques débris leur tombèrent dessus, mais sans grand mal, faisant ressortir la tête d’Antonella du cou du garçon. Il s’enfuyait ? Pas question. Se penchant sous le trou du plafond, Antonella recentra sa concentration et son regard sur la créature qui se trouvait au dessus d’eux, semblant perturbée par l’encre dans les yeux, continuant quelques tirs à l’étage au dessus. A nouveau, les yeux de la mutante prirent une teinte noire, tandis qu’une partie de l’encre s’étalait sur le cou de l’armure, prenant peu à peu une forme de barbelé qui se resserrait petit à petit. La colère ressentie la première fois qu’elle avait utilisé cette technique sur un lycéen n’était rien par rapport à la hargne qu’elle ressentait à ce moment-là. En même temps que la créature gesticulait, la respiration de la brune s’accélérait.

♦ Gif by Tumblr, fiche by © Summers ♦